Projet de loi n° 150 : d’importants changements apportés dans le domaine des assurances au Québec

Mondial Publication Novembre 2017

Le 31 octobre 2017, le ministre des Finances du Québec Carlos Leitão (ministre) a déposé à l’Assemblée nationale le projet de loi no 150 (Projet de loi) qui vise à mettre en œuvre certaines mesures qui avaient été annoncées dans les discours du budget du ministre en mars 2016 et 2017. Plus de 80 lois seraient modifiées par le Projet de loi. Nous discuterons ici des changements qui visent l’industrie de l’assurance au Québec, car les modifications proposées dans ce domaine sont significatives par rapport à l’état du droit actuel.



Survol des modifications législatives proposées

Loi sur la distribution de produits et services financiers

Le gouvernement a annoncé, il y a quelques semaines, son projet de loi no 1411 ayant notamment pour objectif le remplacement de la Loi sur les assurances2 (par la Loi sur les assureurs), ainsi que la modification de la Loi sur la distribution de produits et services financiers3 (LDPSF). Ces derniers changements ont pour but, entre autres, de réunir la Chambre de la sécurité financière et la Chambre d’assurance de dommages (ChAD) au sein de l’AMF, en plus d’intégrer certains assouplissements visant à faciliter la distribution de produits d’assurance par Internet. Le ministre avait cependant choisi de ne pas aborder pour l’instant dans ce projet de loi l’épineuse question des liens d’affaires pouvant exister entre les cabinets de courtage et les assureurs ou autres institutions financières, annonçant plutôt qu’une réforme en ce sens viendrait dans les prochains mois.

Le Projet de loi 150 aborde de front cette question en abolissant l’article 148 de la LDPSF, lequel prévoit que les actions ou les droits de vote qui y sont afférents d’un cabinet de courtage ne peuvent être détenus, directement ou indirectement, à plus de 20 % par des groupes financiers ou des institutions financières (dont les assureurs). Cette prohibition serait remplacée par la notion de « participation notable » par un groupe financier ou une institution financière dans les décisions ou les capitaux propres du cabinet de courtage en assurance de dommages. La définition de « participation notable » se résume en la faculté par un actionnaire d’exercer 20 % ou plus des droits de vote afférents aux actions émises par ce cabinet. Constitue également une « participation notable » dans les capitaux propres d’un cabinet la détention d’actions émises par ce cabinet représentant 20 % ou plus de ses capitaux propres.

Il est spécifié que cette modification n’a pas pour effet d’interdire toute entente de financement ou tout contrat de services entre une institution financière (ou un groupe financier) et un cabinet de courtage. Enfin, il faut bien noter que l’on considérera qu’une « participation notable » sera en place lorsque les droits de vote ou les actions sont détenus par des personnes morales liées à l’institution financière ou le groupe financier.

Le Projet de loi distingue également entre deux types d’entreprises de courtage en assurance de dommages alignant ainsi la réglementation québécoise avec ce que l’on retrouve généralement dans d’autres provinces canadiennes.

La LDPSF modifiée distinguerait entre les « cabinets de courtage en assurance de dommages », lesquels ont pour fonction d’offrir des produits de plusieurs assureurs différents, et les « agences en assurance de dommages » qui, elles, se limiteraient à la vente de produits d’assurance provenant d’un nombre limité d’assureurs ou d’un seul assureur.

Tant les agences que les cabinets de courtage devront s’inscrire selon l’une ou l’autre des désignations auprès de l’AMF. Dans les deux cas, les « agences » ou les « cabinets de courtage » devront divulguer, sur leurs sites Internet et dans leurs communications avec leurs clients, le nom des assureurs pour lesquels ils offrent des produits. S’ils disposent d’une entente d’exclusivité avec un assureur en particulier, cette information ainsi que les produits visés par ce contrat devront également apparaître sur le site Web de l’agence ou dans ses communications avec les clients.

Au surplus, tout cabinet de courtage en assurance de dommages aura maintenant l’obligation (afin de maintenir cette désignation de « cabinet de courtage ») de présenter à son client un choix de produits d’au moins quatre (4) assureurs qui ne feront pas partie du même groupe financier, et ce, pour chaque proposition d’assurance reçue. S’il ne peut présenter à l’AMF des renseignements lui permettant de démontrer qu’il a fait tous les efforts pour se conformer à cette disposition, il pourra être tenu par l’AMF de changer son inscription de « cabinet de courtage » à celle d’« agence » et même être requis par l’AMF de s’engager dans un contrat d’exclusivité auprès d’un assureur. L’AMF pourra également exiger de l’agence qu’elle se conforme aux exigences de publication sur son site Web et dans ses communications avec les clients quant à son nouveau statut.

Code civil du Québec

Le Projet de loi apporte des modifications au Code civil du Québec4 (Code) en lien avec l’assurance des copropriétés divises, l’assurance collective de dommages, ainsi que sur la question particulière de la cession des contrats d’assurances de personnes.

Les changements ayant trait à l’assurance des copropriétés divises introduisent entre autres une nouvelle obligation pour le syndicat d’une copropriété divise de constituer un fonds (désigné par le Projet de loi comme étant un fonds « d’auto-assurance ») qui serait distinct du fonds de prévoyance et affecté au paiement des franchises prévues sous les polices d’assurance souscrites par le syndicat. Ce fonds serait constitué grâce aux contributions des copropriétaires, le gouvernement déterminant par règlement les modalités selon lesquelles le montant minimal de telles contributions serait établi. De plus, le Projet de loi modifierait le Code de façon à dorénavant imposer une obligation à chaque copropriétaire de souscrire une assurance de responsabilité civile pour son unité (une obligation qui est généralement prévue dans les conventions de copropriété) dont le montant minimal serait déterminé par règlement du gouvernement. La codification de cette obligation viendrait cependant pallier tout conflit possible dans le cas de la survenance d’un dommage couvert à la fois par l’assurance de la copropriété et celle du copropriétaire, puisque le Projet de loi énonce que c’est l’assurance du syndicat de copropriété qui trouvera application en premier en pareille situation, étant dorénavant qualifiée d’assurance de première ligne.

Le Projet de loi aborde également la question de l’équité entre le syndicat et le copropriétaire responsable du dommage survenu, le paiement de la franchise et la hausse de prime d’assurance devant être assumés par l’ensemble des copropriétaires plutôt que par celui qui est fautif. Le Projet de loi prescrit également que la franchise prévue par le contrat d’assurance de la copropriété doit être raisonnable, le gouvernement bénéficiant dorénavant du droit de déterminer par règlement les critères selon lesquels une franchise peut être considérée déraisonnable en cette matière. Si toutefois le syndicat décidait de ne pas se prévaloir de l’assurance souscrite en cas de survenance d’un sinistre couvert par celle-ci, il aurait l’obligation de voir sans tarder à la réparation des dommages causés aux biens assurés.

De plus, dans l’évaluation du montant d’assurance requis par le syndicat afin de couvrir l’immeuble, l’indemnité sur la base de « valeur à neuf » est écartée au profit d’un montant suffisant en vue de la « reconstruction de l’immeuble conformément aux normes, usages et règles de l’art applicables à ce moment », lequel montant devra faire l’objet d’une évaluation par un membre d’un ordre professionnel désigné par règlement du gouvernement, et ce, tous les cinq ans.

Le Projet de loi incorpore également au Code une disposition énonçant qu’à moins d’une faute lourde ou intentionnelle de la part d’un administrateur, d’un copropriétaire ou d’une personne habitant la maison de ce dernier, l’assureur d’un syndicat ne pourra être subrogé dans les droits du syndicat à leur égard.

Mis à part les changements aux assurances des copropriétés, le Projet de loi introduit la notion d’assurance collective de dommages, permettant de couvrir le patrimoine des adhérents à un groupe déterminé en vertu d’un contrat cadre. Le Projet de loi n’en dit pas plus sur ce sujet et semble pour l’instant laisser la porte ouverte à une variété de produits d’assurances pouvant être offerts dans ce domaine. Les modifications prévues assurent également que l’assurance collective de dommages n’échappe pas aux règles applicables aux fausses déclarations, aux réticences et à l’aggravation du risque des suites d’une omission, en le prévoyant expressément par un nouvel article.

De nouvelles dispositions viennent au surplus modifier le régime de la cession des contrats d’assurance-vie. Selon le Projet de loi, la clause empêchant la cession d’un contrat d’assurance-vie ou libérant l’assureur de ses obligations en cas de cession n’aura effet que dans les deux premières années de l’assurance et ce, si la cession est faite à titre onéreux et que le cessionnaire n’a pas d’intérêt d’assurance dans la vie ou la santé de l’assuré(e). Ainsi, deux ans et un jour suivant la validité de l’assurance, une telle clause n’a plus effet et ces restrictions à la cession ne trouveront plus application malgré toute clause à l’effet contraire.

Conclusion

Le Projet de loi 150 prévoit la mise en place d’une série de mesures ambitieuses ayant pour but d’aligner le droit québécois avec la réalité pratique du domaine de l’assurance. Il restera à voir comment l’industrie réagira aux changements proposés. N’hésitez pas à communiquer avec un membre de notre équipe pour discuter de la portée de ce Projet de loi et de ses impacts potentiels sur votre organisation.

Notes

1 Voir à cet égard notre Bulletin d’actualité juridique intitulé « Projet de loi n° 141 : les changements les plus importants pour le secteur financier au Québec depuis des décennies! » 

2 LRQ, c A-32.

3 LRQ, c D-9.2.

4 LQ 1991, c 64.



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