Face aux critiques renouvelées de la communauté internationale sur le défaut de mise en œuvre par la France d’une politique de lutte contre la corruption transnationale, un projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dit « Projet de loi Sapin II » a été examiné et adopté en Conseil des ministres le 30 mars 2016.
Le Projet de loi Sapin II (ci-après le « Projet » ) doit être examiné en Commission à l'Assemblée Nationale entre les mois d’avril et mai 2016, avant d'être débattu devant l’Assemblée et le Sénat à partir du mois de juin 2016.
Dans leur état actuel, les principales dispositions du projet relatives à la corruption se décomposent en 4 points-clés. Il convient de préciser qu’à la suite de l’avis du Conseil d’Etat du 24 mars 2016, le mécanisme de transaction pénale sans reconnaissance de culpabilité (qui se rapprochait des deferred prosecution agreements anglo-saxons) initialement envisagé pour rendre plus efficaces les poursuites a été abandonné.
- La création d’un service national chargé de la prévention et l’aide à la détection de la corruption
Le Projet crée un service chargé de prévenir les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme, et d’aider à leur détection par les autorités compétentes et les entreprises concernées.
Le Service sera notamment chargé d'émettre des recommandations destinées à aider les entreprises publiques et privées dans l’élaboration de dispositifs de prévention et de détection de la corruption visés dans le Projet.
Il sera doté de pouvoirs d'enquêtes et de sanctions.
- La création d’une obligation de prévention et de détection de la corruption et du trafic d’influence à la charge des entreprises
Champ d’application
Cette nouvelle obligation s’impose aux sociétés (et leurs dirigeants) :
- employant au moins 500 salariés, ou
- appartenant à un groupe de sociétés dont l’effectif comprend au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros.
Lorsque la société établit des comptes consolidés, cette nouvelle obligation s’impose à la société elle-même ainsi qu’à l'ensemble de ses filiales au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce ou les sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 du même code.
Contenu de l’obligation
Dans le cadre de cette nouvelle obligation, les entreprises devront mettre en œuvre les mesures suivantes :
- Un code de conduite relatif à la corruption et au trafic d’influence.
- Un dispositif d’alerte interne permettant de signaler les comportements contraires au code de conduite.
- Une cartographie des risques qui doit être régulièrement actualisée.
- Des procédures d’évaluation (due diligence) des clients et fournisseurs ainsi que des intermédiaires.
- Des procédures de contrôles comptables, internes ou externes, destinées à s’assurer que les livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d’influence.
- Un dispositif de formation.
- Un régime de sanctions disciplinaires en cas de violation du code de conduite de la société.
Sanctions
Le non-respect de cette obligation est sanctionné par une amende administrative prononcée par la commission des sanctions du Service, pouvant atteindre :
- 200 000 euros pour les personnes physiques.
- 1 million d’euros pour les personnes morales.
En outre, la publication de la sanction peut être ordonnée.
Il convient de noter que ces sanctions sont applicables même en l’absence de tout acte de corruption, du seul fait de l’absence de mise en place des procédures ci-dessus.
- La création d’une nouvelle peine pénale complémentaire : l’obligation de mise en conformité
En cas de condamnation d’une personne morale pour corruption, le juge pénal peut prononcer une peine complémentaire qui consiste à soumettre cette personne morale, sous le contrôle du Service, et pour une durée maximale de 5 ans, à un programme de mise en conformité. Ce programme est destiné à s’assurer de l’existence et de la mise en œuvre des mesures et procédures définies ci-dessus et tendant à prévenir et à détecter la commission de faits de corruption ou de trafic d’influence.
Il s’agit d’un mécanisme qui se rapproche du « moniteur » prévu par certaines législations telles que la législation américaine ou les mécanismes de la Banque Mondiale.
Le non-respect de cette obligation est sanctionné par une peine pouvant atteindre 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour les personnes physiques et 150 000 euros pour les personnes morales.
- La création d’une infraction de trafic d’influence d’agents publics étrangers
A l’heure actuelle, le code pénal prévoit une infraction de trafic d'influence qui ne concerne que les agents publics nationaux. Elle est désormais étendue au trafic d’influence relatif aux agents publics étrangers.
Le Projet, s’il est adopté et réellement appliqué, constituera une avancée indéniable dans la lutte contre la corruption. Pour autant, les grands groupes français sont déjà soumis à des règles similaires, voire plus sévères, telles que le U.K. Bribery Act ou encore le U.S. Foreign Corrupt Practices Act (« FCPA »).
Vous pouvez accéder au dossier législatif du projet de loi en cliquant sur le lien suivant: Dossier législatif sur le Projet de loi Sapin II