Les ACVM considèrent les risques liés au changement climatique comme un enjeu courant du monde des affaires

Canada Publication Août 2019

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié, le 1er août, de nouvelles indications sur l’information à fournir sur le changement climatique (AP 51-358). Le nouvel avis du personnel se veut le prolongement des indications fournies précédemment dans l’Avis 51-333 du personnel des ACVM, Indications en matière d’information environnementale et l’Avis 51-354 du personnel des ACVM, Rapport relatif au projet concernant l’information fournie sur le changement climatique (AP 51-354). Même si l’avis ne modifie aucune obligation légale actuelle ni n’en crée de nouvelle, il insiste sur l’importance de la communication d’information sur les risques importants liés au changement climatique et fournit des indications qui visent à aider les sociétés à respecter leurs obligations. Fait à noter, l’avis fournit des indications plus détaillées pour aider les sociétés à évaluer l’importance relative des risques et inclut des questions dont les conseils et les directions devraient tenir compte dans la préparation et la communication de l’information sur les risques liés au changement climatique.

L’AP 51-358 ne se fonde pas seulement sur les précédents avis du personnel des ACVM, il s’inscrit également dans la suite logique des indications, qui occupent de plus en plus le devant de la scène, sur l’information à fournir relativement aux risques liés au changement climatique des autres autorités de réglementation et des agences de conseil en vote. Parmi les plus récentes publications, notons la Revue du système financier de la Banque du Canada, qui relevait la vulnérabilité de l’économie canadienne aux risques découlant du changement climatique (voir le précédent commentaire de Norton Rose Fulbright), les ISS 2019 Proxy Voting Guidelines Updates (en anglais seulement), le document intitulé Climate voting by large Canadian investors 2016-2017 de SHARE (en anglais seulement), le document intitulé 2019 Proxy Paper Guidelines (Canada) de Glass Lewis (en anglais seulement) et le document intitulé The Directors’ Environmental & Social Guidebook de la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance (en anglais seulement). Outre ces publications, des cadres de communication volontaire d’information, comme le bulletin technique sur le risque climatique (Climate Risk Technical Bulletin) (en anglais seulement) publié par le Sustainability Accounting Standards Board (le cadre du SASB) (en anglais seulement) et les recommandations finales du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (TCFD) du Conseil de stabilité financière (les recommandations du TCFD) (en anglais seulement), sont devenus de plus en plus importants dans un contexte où les investisseurs s’inquiètent de ne pas recevoir suffisamment d’information sur les risques liés au changement climatique pour prendre des décisions d’investissement éclairées.

Le nombre sans précédent de publications sur la communication d’information liée au changement climatique et à d’autres enjeux environnementaux et sociaux qui a été publié au cours des dernières années et une légère hausse des litiges relatifs au changement climatique à l’échelle internationale sont des signes qu’il s’agit d’un sujet de grande importance, et ce, pas uniquement pour les autorités en valeurs mobilières, mais aussi pour les investisseurs institutionnels. L’AP 51 358 suit ce courant en abordant exclusivement les communications d’information sur le changement climatique et en soulignant que les risques liés au changement climatique devraient être plus répandus que d’autres types de risques, même s’ils peuvent être difficiles à quantifier. Par conséquent, les sociétés de toutes tailles devraient se pencher sur l’incidence que ces nouvelles indications pourraient avoir sur les rubriques portant sur les facteurs de risque figurant dans leur rapport de gestion du troisième trimestre et de fin d’année et dans leur notice annuelle.


Facteurs à prendre en considération par le conseil et la direction

Les ACVM sont conscientes de l’incertitude des risques liés au changement climatique, mais elles ont clairement relevé que « [m]algré les incertitudes potentielles et l’horizon temporel plus long associés à ces risques, le conseil et la direction devraient prendre des mesures appropriées pour les comprendre et en apprécier l’importance relative pour leur entreprise […] [et] étendre [cette appréciation] à un large éventail de risques potentiels liés au changement climatique, à court, à moyen et à long termes ». Donc, qu’est-ce que les conseils et les directions devraient faire avec ces indications? De manière générale, l’AP 51-358 indique que les conseils et les directions devraient :

  • évaluer leur expertise : évaluer leur expertise et leur expérience en ce qui concerne les risques liés au changement climatique, en tenant compte des risques à court, à moyen et à long termes, pour s’assurer qu’ils se posent les bonnes questions lorsqu’ils préparent l’information à communiquer;
  • éviter l’information passe-partout : éviter les formules vagues ou toutes faites dans l’information, de sorte que l’information soit propre à la société, comparable, pertinente, claire et compréhensible compte tenu de la façon dont le conseil et la direction évaluent les risques liés au changement climatique; et
  • consulter les cadres publiés : s’inspirer des cadres de communication volontaire d’information comme le cadre du SASB et les recommandations du TCFD pour trouver l’information et les questions précises qui aident à évaluer l’information à fournir sur le changement climatique et les risques y afférents.

Importance relative et changement climatique

De façon générale en vertu de la réglementation canadienne sur les valeurs mobilières, de l’information doit être communiquée aux investisseurs si elle est importante, c’est-à-dire si elle est susceptible d’influencer une décision d’investissement. La situation n’est pas différente dans le contexte des risques liés au changement climatique. Comme l’indique l’AP 51-358, seule l’information qui est importante devra être communiquée, mais les sociétés devraient s’assurer que la communication d’information (y compris la communication volontaire d’information) n’omet pas d’information importante ni ne la présente de façon inexacte. Même s’il n’existe pas de critère de démarcation précis quant à la notion d’importance relative, les indications fournies dans l’AP 51-358 mentionnent que les sociétés devraient tenir compte de ce qui suit :

  • pas juste les sociétés qui produisent des émissions : la plupart des secteurs sont exposés à un certain point aux risques liés au changement climatique; les sociétés sont donc incitées à les analyser avec soin et à adapter leurs approches actuelles d’évaluation des risques avant de conclure qu’elles n’y sont pas exposées de façon importante;
  • circonstances particulières : ce qui est significatif pour une société peut ne pas l’être pour une autre – la taille de l’émetteur, le lieu de ses activités, la diversification ou la concentration de celles-ci sont des facteurs importants à considérer pour apprécier l’importance relative;
  • facteurs quantitatifs et qualitatifs : tenir compte de facteurs tant quantitatifs (coûts des litiges, sanctions réglementaires, réduction des produits, dépréciations des actifs, etc.) que qualitatifs (risque réputationnel, perception des investisseurs, etc.) pour apprécier l’importance relative;
  • moment choisi : si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’incidence prévue d’une question environnementale s’accroisse au fil du temps, la société doit se demander si la communication d’une telle information est importante pour les investisseurs et à quel moment une telle communication devrait avoir lieu (p. ex., une augmentation du niveau de la mer qui entraînerait des inondations répétées d’actifs situés sur les côtes, entraînant possiblement des dommages permanents ou une radiation d’actifs) – une société ne devrait pas limiter son appréciation de l’importance relative aux risques situés dans un avenir proche;
  • contexte : l’importance relative doit s’apprécier à la lumière de l’ensemble des faits connus de façon à ce que la société ne « laisse pas l’arbre cacher la forêt » en évaluant l’importance relative de faits distincts au cas par cas (les sociétés devraient examiner leurs façons de faire dans le contexte de l’ensemble de leurs activités et des activités de leurs concurrents afin de déterminer comment ce contexte peut créer des risques plus grands que prévu); et
  • probabilités et tendances : s’il existe une tendance connue, analyser la probabilité que la tendance se produise ou se concrétise de même que l’ampleur prévue de son incidence (p. ex., répercussions du réchauffement climatique, changement dans la demande de biens).

À noter que la communication volontaire d’information importante en dehors des documents réglementaires à déposer d’une société ne constitue pas une communication suffisante de cette information, et que toute communication volontaire d’information devrait être conforme à celle figurant dans les documents d’information continue déposés et ne pas être fausse ou trompeuse ni obscurcir l’information importante.

Questions à aborder

Outre ces facteurs généraux à prendre en considération, les ACVM ont tiré des questions du cadre du SASB et des recommandations du TCFD qui donnent des indications précises sur les types d’enjeux sur lesquels les sociétés devraient s’interroger. Voici certaines des questions les plus importantes :

  • Le conseil sait-il comment les investisseurs tiennent compte des risques liés au changement climatique pour prendre leurs décisions d’investissement et de vote?
  • La supervision et la gestion des risques et occasions liés au changement climatique sont-elles intégrées au plan stratégique de la société, et, dans l’affirmative, dans quelle mesure?
  • La direction a-t-elle évalué de manière appropriée la façon dont les différentes catégories de risques liés au changement climatique peuvent se répercuter sur la société (par exemple, les risques physiques et les risques de transition)?
  • Les documents réglementaires de la société contiennent-ils l’information exigée sur les risques importants liés au changement climatique? S’agit-il d’information passe-partout ou propre à l’entité?
  • Quels sont les principaux risques associés à l’utilisation de l’eau par la société, particulièrement dans les régions en situation de pénurie?
  • Quelle est l’exposition de la société aux risques d’interruption dans la chaîne d’approvisionnement en raison du changement climatique?
  • Quelle est l’incidence des prix des produits ou services de la société, et de la demande pour ceux-ci, ainsi que de la réglementation en matière de changement climatique sur la stratégie de dépenses en immobilisations visant l’exploration et la mise en valeur d’actifs?

Conclusion

Pour aborder convenablement les points présentés ci-dessus, les conseils et les directions doivent sérieusement se demander si leurs pratiques actuelles sont suffisantes pour faire en sorte que les facteurs qui i) sont importants, ii) peuvent devenir importants, ou iii) peuvent être considérés comme importants dans leur contexte, comme les répercussions cumulatives, aient été abordés et communiqués adéquatement. Ils doivent également continuer de superviser et de surveiller les activités de la société pour s’assurer que les risques liés au changement climatique sont bien compris et gérés de façon proactive.

De plus, bien que cet avis des ACVM n’ait pas eu pour effet d’imposer de nouvelles obligations aux sociétés, si la tendance observée dans les publications sur cet enjeu et l’intérêt continu des ACVM à cet égard sont une indication de ce que l’avenir nous réserve, les sociétés devraient réfléchir dès maintenant à l’élaboration de pratiques de communication d’information et de supervision à l’épreuve du futur en vue de se préparer aux changements à venir dans la réglementation, changements qui peuvent déjà être en cours d’élaboration. Les indications dans les cadres de communication volontaire d’information peuvent servir de guide aux sociétés dans l’élaboration de leurs pratiques en matière de communication d’information, mais elles sont complexes et doivent faire l’objet d’une analyse approfondie quant à savoir de quelle façon elles pourraient s’appliquer aux circonstances particulières d’une société. Si les sociétés peuvent se pencher sur ces questions dès maintenant, elles auront le temps d’y réfléchir attentivement et cela pourrait leur donner une longueur d’avance sur leurs concurrents et leur procurer des occasions d’innovation et de croissance attrayantes à l’avenir.

Pour lire l’Avis du personnel des ACVM, cliquez ici.

Les auteurs souhaitent remercier Lauren Stelck, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité.



Personnes-ressources

Associé principal, chef canadien, Gouvernance
Avocate-conseil
Associée, directrice principale, gestion du savoir et développement de la pratique

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