Les effets de l’AECG sur les indications géographiques au Canada

Auteur:

 

Mondial Publication Octobre 2017

La réglementation canadienne sur les indications géographiques a été remaniée de façon importante récemment avec l’entrée en vigueur le 21 septembre dernier d’importantes modifications à la Loi sur les marques de commerce. Ces modifications découlent de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (UE).

Les modifications visent à augmenter le nombre d’indications géographiques pouvant bénéficier de la protection de la Loi sur les marques de commerce, à renforcer les mécanismes de protection de ces indications et à créer un mécanisme d’opposition et d’annulation.



Qu’est-ce que l’AECG et comment sera-t-il mis en œuvre?

L’AECG est un accord commercial qui a été signé en octobre 2016. Il vise à éliminer les obstacles au commerce entre l’UE et le Canada et englobe une vaste gamme de secteurs, allant des droits de douane, au travail en passant par la propriété intellectuelle et le transport maritime.

Au Canada, la mise en œuvre de cet accord se fait principalement par l’application de la Loi de mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, qui modifie de nombreuses lois, dont la Loi sur les marques de commerce. Ces modifications sont entrées en vigueur le 21 septembre 2017.

Comment les modifications touchent-elles les indications géographiques?

Produits protégés

Auparavant, les indications géographiques protégeaient les vins et spiritueux, mais ces modifications récentes ont immédiatement introduit plus de 170 nouvelles indications protégées (sans possibilité de s’y opposer) pour de nombreuses catégories d’aliments et de produits agricoles, comme le fromage, les olives, les huiles, la viande, les épices, les noix, les fruits, le houblon et la bière. Parmi ces indications protégées, notons les fromages Feta, Asiago, Taleggio, Tomme de Savoie, Mozzarella di Bufala Campana, les olives Kalamata et le jambon Prosciutto di Parma1.

Bien que seuls le Canada et l’UE soient parties à l’AECG, les modifications apportées à la Loi sur les marques de commerce étendent la protection aux indications coréennes figurant dans la Loi sur la croissance économique et la prospérité – Canada-Corée et ouvrent la porte à d’autres pays qui voudraient faire reconnaître leurs indications géographiques en en faisant la demande auprès du ministre désigné. L’AECG permet aussi aux associations et aux producteurs canadiens de protéger des désignations canadiennes équivalentes en Europe.

Nouvelles protections et méthodes de demander la protection

Avant l’entrée en vigueur de ces modifications, seuls les vins et spiritueux bénéficiaient des principales protections, et uniquement ceux qui ne provenaient pas d’un territoire donné. Maintenant, la protection a été étendue aux aliments et produits agricoles, dont la bière. De plus, selon ces modifications, il est interdit d’adopter et d’employer une indication géographique protégée pour un produit dont le lieu d’origine ne se trouve pas sur le territoire visé ou pour un produit dont le lieu d’origine se trouve sur le territoire visé mais qui n’a pas été fabriqué selon les règles du territoire2. Par ailleurs, l’utilisation d’une indication géographique n’est interdite que si le produit litigieux appartient à la catégorie de produits protégée par l’indication. Par exemple, il serait possible d’utiliser l’indication géographique « Bordeaux » pour des biscuits ou des bonbons. La catégorisation suit celle établie par le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de l’Organisation Mondiale des Douanes.

Les modifications ont aussi élargi la protection de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux indications géographiques. Avant l’entrée en vigueur de ces modifications, le propriétaire d’une marque enregistrée pouvait, en vertu des articles 51.03 et 51.04, demander l’aide de l’ASFC pour lutter contre les contrefaçons de ses produits portant une marque de commerce. Dorénavant, les articles 51.03 et 51.04 modifiés offrent aux indications géographiques la même protection à la frontière.

En raison de cette protection élargie et d’une procédure simplifiée, les demandes de protection d’une indication géographique sont appelées à augmenter, non seulement celles provenant du Canada, de l’Union européenne et de la Corée, mais également celles d’autres pays, comme les États-Unis et l’Inde.

Exceptions

Certaines exceptions s’appliquent à ces nouvelles mesures de protection. Ces exceptions aident à protéger les entreprises existantes et futures. Par exemple, les entreprises existantes ayant employé des termes comme Feta, Munster ou Asiago, parmi d’autres3, seront dispensées de l’interdiction si elles ont commencé à employer de tels termes avant certaines dates (selon le terme).

Voici d’autres exceptions importantes aux interdictions susmentionnées4 :

  • lorsque l’autorité compétente a donné son consentement;
  • dans une publicité comparative, à la condition que l’indication ne figure pas sur une étiquette ou un emballage;
  • lorsque l’indication géographique est le propre nom de quelqu’un;
  • lorsque l’indication géographique est le nom commun d’un produit au Canada. Certains noms communs, comme parmesan et jambon Forêt Noire, sont déjà précisés dans la Loi sur les marques de commerce modifiée5.

Période transitoire

La majorité des produits nouvellement inscrits sur la liste aux termes des modifications sont protégés depuis l’entrée en vigueur des modifications. Toutefois, trois indications, c’est-à-dire Beaufort, Nürnberger Bratwürste et Jambon de Bayonne, ne seront couvertes par l’interdiction que le 21 septembre 2022 dans certaines circonstances6.

Demande et opposition

Un gouvernement, une association commerciale ou toute personne peut déposer une demande visant une nouvelle indication géographique à la condition d’avoir, « du fait d’intérêts commerciaux ou étatiques, des connaissances et des liens suffisants » à l’égard d’un vin ou spiritueux ou d’un produit agricole ou aliment. La demande est déposée auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) accompagnée des droits prescrits. Un examinateur de marques de commerce examinera la demande comme une demande de marque de commerce habituelle (mais pour des motifs différents) et fera ensuite sa recommandation au ministre désigné. Lorsque la demande aura été approuvée, le ministre fera en sorte qu’un énoncé d’intention visant une indication géographique soit publié sur le site Web de l’OPIC.

Toute personne peut, dans les deux mois suivant la publication, déposer une déclaration d’opposition visant l’indication géographique en question. Cette opposition peut être fondée sur des points techniques ou des motifs relatifs aux marques de commerce, par exemple que l’indication géographique ne provient pas du territoire ou ne fonctionne pas comme une indication géographique ou peut entraîner de la confusion avec une marque de commerce existante, déposée ou non déposée, ou avec une demande de marque de commerce.

L’OPIC a publié un énoncé concernant la procédure d’opposition en vertu des dispositions modifiées dans lequel il est indiqué que l’énoncé de pratique existant concernant la procédure d’opposition en vertu de l’article 38 s’appliquera aux procédures d’opposition en vertu de l’article 11.13.

Notes

1 Annexe 6 figurant à la fin des dispositions modifiées de la Loi sur les marques de commerce. La liste est essentiellement la même que celle de l’annexe 20-A de l’AECG.

2 Article 11.15 des dispositions modifiées de la Loi sur les marques de commerce.

3 Article 11.17 de la Loi sur les marques de commerce.

4 L’article 11.16 de la Loi sur les marques de commerce énonce les exceptions dans les cas de consentement, de publicité comparative et de l’emploi de son propre nom. Les paragraphes 11.18(2) et 11.18(4.1) portent sur les exceptions relativement aux noms usuels et communs.

5 Article 11.18(4.1) de la Loi sur les marques de commerce.

6 Voir l’article 68.1 de la Loi sur la mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne,où figurent les dispositions transitoires relativement aux modifications apportées à cette loi.



Personnes-ressources

Associée
Associé principal, Avocat, Agent de marques de commerce
Associée directrice, bureau de Calgary
Associé

Publications récentes

Abonnez-vous et restez à l’affût des nouvelles juridiques, informations et événements les plus récents...