Un recours collectif de l’ère #MoiAussi est autorisé

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Mondial Publication Mai 2018

Le juge Donald Bisson de la Cour supérieure a autorisé, le 22 mai dernier, un recours collectif institué par Les Courageuses, organisme à but non lucratif fondé dans le but de représenter les victimes alléguées d’agressions ou de harcèlement sexuels commis par Gilbert Rozon.

Les allégations hautement médiatisées contre M. Rozon ne sont pas la seule raison pour laquelle cette décision a suscité de l’intérêt. À notre connaissance, il s’agit du premier recours collectif autorisé au Québec où une personne physique est la seule défenderesse. La Cour a souligné cette nouveauté en constatant que « la particularité du présent dossier est que la demande ne vise pas une institution au sein de laquelle travaillait l’agresseur allégué, mais bien uniquement l’agresseur allégué seul ».

Autorisations d’actions collectives au Québec

Il est généralement reconnu qu’au Québec, les critères concernant l’autorisation doivent être interprétés de manière flexible, libérale et généreuse. À ce stade, l’objectif principal est d’éviter les litiges inutiles dans lesquels les parties doivent se défendre contre des réclamations frivoles ou manifestement malfondées. Au Québec, les recours collectifs doivent être autorisés lorsque la demanderesse a démontré que : 1) les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes; 2) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées; 3) il serait impraticable pour les membres du groupe de faire valoir leurs droits en dehors du contexte d’un recours collectif; et 4) le représentant du groupe est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres. En l’occurrence, le juge Bisson a conclu que la demanderesse a rempli ces quatre critères.

Le jugement motifs avancés pour l’autorisation

Premièrement, et malgré la reconnaissance du caractère individuel de chaque allégation d’agression sexuelle ou de harcèlement, le juge Bisson a jugé que les questions de fait ou de droit soulevées par Les Courageuses étaient identiques, similaires ou connexes. Une des raisons évoquées par le juge Bisson était que la demanderesse reprochait à M. Rozon un modus operandi similaire pour toutes les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel allégué. Le juge a également conclu que la demande de condamnation à des dommages moraux et pécuniaires était d’une nature commune, puisqu’une preuve commune éclairera le tribunal au mérite sur les types de séquelles généralement causées chez les victimes d’agression sexuelle ou de harcèlement sexuel. De même, en ce qui concerne la demande de condamnation à des dommages punitifs, le juge Bisson a conclu qu’une preuve commune permettra au tribunal d’apprécier au mérite la gravité alléguée des gestes, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard.

Deuxièmement, le juge Bisson a jugé que la demanderesse avait l’apparence de droit aux dommages-intérêts moraux, pécuniaires et punitifs. Les allégations étaient jugées suffisantes pour établir l’apparence de droit à des dommages moraux et pécuniaires et la causalité entre la faute et le dommage. La demanderesse avait évalué à 200 000 $ les dommages moraux subis par Mme Patricia Tulasne, la membre désignée, et à 200 000 $ les dommages pécuniaires. Pour les autres membres du groupe, la demanderesse a demandé que le quantum soit évalué sur une base de recouvrement individuel. Fait intéressant, la demanderesse a demandé du recouvrement collectif des dommages punitifs, ce que M. Rozon n’a pas contesté. En fin de compte, et si nécessaire, les mécanismes du processus de recouvrement seront déterminés ultérieurement.

Troisièmement, la Cour a conclu que la composition du groupe était suffisante, malgré l’absence de limites temporelles et l’incertitude sur le nombre de membres. Parmi les raisons qui l’ont amené à cette conclusion, le juge Bisson a mentionné que les victimes voulant protéger leur identité n’ont pas une possibilité réelle d’ester en justice autrement que par un recours collectif.

Finalement, M. Rozon n’a pas contesté que Mme Tulasne serait une représentante adéquate du groupe, et la Cour a conclu qu’elle répond à toutes les exigences pour remplir sa fonction : Mme Tulasne avait un intérêt personnel à rechercher les conclusions qu’elle propose, elle a la compétence d’être mandataire de l’action et elle n’était pas en situation de conflit d’intérêts avec les autres membres du groupe.  

Au moment de rédiger la présente actualité juridique, aucune demande pour permission d’appeler n’avait été depose.



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Cochef mondial – sciences de la vie et soins de santé; Associé
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