L’échec des tentatives successives de sa réforme et son inefficacité devant les autorités étrangères auraient pu laisser croire que la loi de « blocage » resterait lettre morte.
Mais il n’en est rien.
Certains services administratifs français (comme le Service Central de Prévention de la Corruption) étaient déjà intervenus aux côtés d’entreprises françaises dans le cadre de transmissions d’informations à des autorités étrangères, notamment dans le cadre de monitorships.
La loi Sapin 2 a confié à l’Agence Française Anticorruption (AFA) la mission de veiller, à la demande du Premier Ministre, au respect de la loi de « blocage » « dans le cadre de l’exécution des décisions d’autorités étrangères imposant à une société dont le siège est situé sur le territoire français une obligation de se soumettre à une procédure de mise en conformité de ses procédures internes de prévention et de détection de la corruption » (article 3, 5°). Autrement dit, lorsqu’une entreprise en France est soumise par une autorité étrangère à une procédure de monitorship, l’AFA devrait être impliquée notamment s’agissant des éléments susceptibles d’être communiqués par le moniteur à l’autorité étrangère concernée.
Selon la lettre de l’article 3, 5° susvisé, l’AFA n’est compétente qu’au stade de l’exécution des décisions des autorités étrangères en matière de corruption. Dans les autres cas, les entreprises françaises pourront se rapprocher du Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE) dont la mission, plus générale, est de « veiller à l’application des dispositions de la loi du 26 juillet 1968 (…) sous réserve des compétences attribuées par la loi en cette matière à une autre autorité et, le cas échéant, en lien avec celle-ci » (article 4,4° du Décret n°2016-66 du 29 janvier 2016), notamment lorsqu’il s’agira de protéger des données considérées comme sensibles.
Nul doute que les entreprises s’interrogeront, au cas par cas, sur l’opportunité d’impliquer les autorités françaises lorsque celles-ci ignorent l’existence de la procédure étrangère dans le cadre de laquelle la transmission d’information est envisagée (notamment dans des affaires à caractère pénal), si cette implication risque de déclencher des poursuites en France.
Pour autant, les entreprises ont désormais des interlocuteurs qui devraient leur permettre de mieux appliquer cette loi de « blocage » conçue avant tout pour protéger les données stratégiques des entreprises françaises.