Le 20 juin dernier, le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois1, a reçu la sanction royale et est maintenant en vigueur, sous réserve de certaines exceptions. Le projet de loi C-13 apporte deux changements importants : premièrement, le projet de loi C-13 représente la première révision majeure de la Loi sur les langues officielles (LLO) depuis la fin des années 1980; deuxièmement, les entreprises privées de compétence fédérale auront désormais des obligations linguistiques au Québec. La présente actualité donne un aperçu des modifications apportées à la LLO. 


La LLO subit sa première réforme majeure depuis plus de 30 ans

La LLO s’applique aux institutions fédérales, notamment le Parlement, les ministères du gouvernement du Canada et la plupart des sociétés d’État et des organismes fédéraux. La partie 1 du projet de loi C-13 modifie la LLO de plusieurs façons importantes, notamment i) en clarifiant et en élargissant les obligations juridiques des institutions fédérales en matière de langues officielles et ii) en donnant plus de pouvoirs au commissaire aux langues officielles (commissaire), y compris celui de rendre des ordonnances et d’imposer des sanctions. 

Cadre d’interprétation

Le projet de loi C-13 renferme des modifications importantes relativement à l’interprétation de la LLO et des droits et obligations qui y sont contenus. Premièrement, le préambule de la LLO est modifié afin de préciser, pour la première fois, que les obligations des institutions fédérales en matière de langues officielles s’appliquent en tout temps, notamment à des situations d’urgence. Deuxièmement, dans le nouveau paragraphe 3.1, le projet de loi C-13 codifie le cadre d’interprétation de la LLO, qui avait été établi en grande partie au moyen de décisions judiciaires successives. Plus précisément, tous les droits en vertu de la LLO visent à :

  • donner une interprétation large et libérale en fonction de leur objet;
  • être interprétés en fonction de leur caractère réparateur;
  • être appliqués dans le but d’atteindre une égalité réelle;
  • être interprétés en tenant compte du fait que le français est en situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord en raison de l’usage prédominant de l’anglais, et que la communauté minoritaire de langue anglaise au Québec et les collectivités minoritaires de langue française dans les autres provinces et territoires ont différents besoins.

Les principes relatifs aux situations d’urgence et à la situation minoritaire de la langue française en Amérique du Nord sont de nouveaux concepts qui doivent être mis à l’épreuve devant les tribunaux et être interprétés par ceux-ci. À ce titre, leur impact pratique et juridique sur les obligations linguistiques prévues dans la LLO est difficile à déterminer à l’heure actuelle. Nous surveillerons de près l’impact, le cas échéant, de ces nouvelles dispositions sur la jurisprudence de la LLO. 

Progression de l’anglais et du français : partie VII de la LLO

Le projet de loi C-13 élargit la portée des obligations d’une institution fédérale visant à prendre des « mesures positives » pour la mise en œuvre des engagements généraux pris au titre de la partie VII de la LLO afin de favoriser la progression du français et de l’anglais. Ces changements comprennent un engagement des institutions fédérales pour protéger et promouvoir particulièrement la langue française comme langue de la minorité au Canada et en Amérique du Nord. Les institutions fédérales doivent aussi considérer les possibilités d’éviter, ou du moins d’atténuer, les effets négatifs directs que leurs décisions structurantes peuvent avoir sur les engagements prévus à la partie VII, et elles doivent mettre en place des mécanismes d’évaluation et de surveillance relatifs aux mesures positives prises pour remplir ces engagements.

De nouveaux pouvoirs pour le commissaire aux langues officielles

Le projet de loi C-13 modifie considérablement les pouvoirs conférés au commissaire. Par exemple, la LLO modifiée accorde au commissaire un plus grand pouvoir discrétionnaire d’enquête qui lui permet de refuser ou de cesser d’instruire une plainte lorsque, par exemple, l’institution fédérale concernée a pris des mesures correctives. Le commissaire peut également tenter de régler une plainte par des modes substitutifs de règlement des différends, à l’exception de l’arbitrage.

Le commissaire peut désormais également conclure des accords de conformité avec des institutions fédérales, soit pendant ou après une enquête, pourvu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’institution a contrevenu à la LLO. Si l’institution fédérale refuse de conclure un accord de conformité, le commissaire peut rendre une ordonnance enjoignant à cette institution de prendre toute mesure qu’il juge indiquée pour remédier à la contravention. Une telle ordonnance peut être exécutée par la Cour fédérale.

À l’inverse, si un accord de conformité est conclu et que le commissaire est convaincu que l’institution fédérale s’y est conformée, le commissaire ne peut rendre aucune ordonnance et doit retirer toute demande connexe pendante devant la Cour fédérale.

Les entreprises assujetties à la LLO devraient également prendre note du nouveau pouvoir du commissaire de rendre publiques les conclusions sommaires ou les recommandations faites au terme d'une enquête.

Enfin, les entreprises assujetties à la LLO qui exercent leurs activités dans le domaine des transports et qui communiquent avec le public voyageur ou qui lui offrent des services doivent se familiariser avec le nouveau régime de sanctions administratives pécuniaires, qui permet au commissaire de dresser un procès-verbal de violation lorsqu’il a des motifs raisonnables de croire que l’institution fédérale a commis une violation au titre de la partie IV de la LLO (communications avec le public et prestation de services). Bien que la peine maximale soit fixée à 25 000 $, plusieurs éléments clés de ce régime doivent toujours être définis par règlement, incluant ce qui constitue une « violation » qui justifierait une sanction pécuniaire. Il convient de noter que le commissaire peut conclure un accord de conformité plutôt que de dresser un procès-verbal de violation.

À retenir

Les entreprises assujetties à la LLO devraient examiner attentivement leurs politiques existantes pour s’assurer qu’elles seront en mesure de remplir leurs obligations accrues au titre de la partie VII de la LLO relativement à la progression du français et de l’anglais. Elles devraient également se familiariser avec les nouveaux pouvoirs conférés au commissaire, qui entraîneront vraisemblablement des changements dans le traitement des plaintes, nécessitant des communications plus fréquentes avec le bureau du commissaire et ce, de manière continuelle. Tel que mentionné ci-dessus, le gouvernement devra prendre un certain nombre de règlements en lien à de nombreux changements apportés à la LLO traités dans la présente actualité. Nous continuerons de surveiller ce dossier de près.




Personnes-ressources

Associé principal, chef canadien, Gouvernance
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Avocate-conseil
Associé principal
Avocat senior

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