Le 11 septembre dernier, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) et l’Autorité des marchés financiers (AMF) ont publié un rapport conjoint relativement à la résilience des institutions financières face aux risques climatiques (Rapport).

Cette publication s’inscrit dans le cadre de l’exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques (ENASC), qui constitue un outil de mesure d’exposition potentielle aux risques liés au climat pour lequel plus de 250 institutions de dépôt et assureurs ayant des activités au Canada ont soumis des données. 


Cette initiative poursuivait trois objectifs principaux : 

  • améliorer la compréhension du secteur financier des risques financiers liés au climat;
  • favoriser le développement de capacités d’évaluation des risques climatiques; et
  • fournir une perspective normalisée des risques physiques et de transition à l’ensemble des institutions financières sous réglementation fédérale ou québécoise.

Le Rapport mentionne que, bien que les risques financiers découlant des enjeux climatiques ne constituent pas une menace immédiate à la stabilité financière, les institutions financières devraient rehausser leurs capacités en matière de données et de modélisation afin d’incorporer le risque climatique à leurs processus décisionnels.

Constats relatifs aux risques physiques

Le premier volet de l’analyse effectuée par le BSIF et l’AMF concerne les risques physiques causés par les inondations fluviales et côtières ainsi que par les feux de forêt.

L’évaluation du risque d’inondation indique une lacune dans la couverture d’assurance au Canada. La protection contre ce risque est offerte en option et son taux de souscription n’est que de 40 %, entraînant donc des risques directs pour les institutions de dépôt, les assureurs vie et les assureurs hypothécaires. 

Quant aux assureurs multirisques, ils présentent une dépendance grandement variable à la réassurance pour gérer ce type de risque. Ceci représente une préoccupation importante, surtout si la couverture devient inabordable ou indisponible. 

Certaines institutions de dépôt montrent pour leur part une concentration importante de prêts hypothécaires à ratio prêt-valeur élevé dans des zones à risque élevé d’inondations, ce qui met en évidence des poches de vulnérabilité dans le système financier.

En ce qui a trait au risque de feu de forêt, le Rapport prévoit que la proportion de zones de feux de forêt à risque élevé ou très élevé devrait passer de 16 % dans les conditions actuelles à 29 % d’ici 2050. Bien que le Rapport ne conclut pas à une lacune dans la couverture d’assurance au Canada pour cet aspect, les institutions financières demeurent exposées à des effets indirects similaires à ceux liés au risque d’inondation.

Incidences potentielles du risque de transition

Le second volet du Rapport examine les risques liés à la transition vers une économie mondiale à faibles émissions, notamment au regard des tensions engendrées par l’évolution des politiques, de la confiance des acteurs économiques ainsi que des technologies associées. 

Les secteurs faisant face à des risques de transition élevés sont ceux des combustibles fossiles, des industries énergivores, de l’agriculture et de la foresterie ainsi que du transport aérien et autres transports. 

À cet effet, le Rapport note que plus la transition sera retardée, plus elle sera susceptible de nécessiter des changements rapides et coûteux sur le plan du risque de crédit pour les institutions financières. Il est prévu que le secteur des combustibles fossiles subira les pertes les plus importantes, pouvant atteindre jusqu’à 83 % des pertes totales tout en ne représentant que 7 % du total des expositions.

 

PIE CHART LEGAL

Source : Rapport ENASC – Renforcer la résilience financière face aux risques climatiques (Figure 12, page 31)

Points clés pour les institutions financières

Au vu de ce qui précède, le BSIF et l’AMF concluent que les institutions financières doivent prendre plusieurs mesures afin d’améliorer leur capacité à évaluer les risques liés au climat et à les mitiger, dont notamment : 

  • investir dans les données climatiques et renforcer les capacités de modélisation propres à chaque institution afin d’intégrer les risques climatiques aux modèles de gestion, en tenant compte des vulnérabilités spécifiques et des données géospatiales et d’émissions;
  • promouvoir l’adaptation aux risques physiques concernant les inondations et les feux de forêt en sensibilisant les clients, en fournissant des conseils pratiques et en appuyant des mesures proactives;
  • évaluer la résilience des stratégies de réassurance et intégrer pleinement l’assurance de biens et les stratégies d’adaptation aux pratiques de gestion des risques;
  • développer des méthodologies robustes pour quantifier les pertes financières liées aux aléas climatiques et élargir l’analyse à une gamme plus large d’instruments financiers exposés aux risques de transition;
  • effectuer des simulations de crise systémique, intégrant les boucles de rétroaction macrofinancière et les effets de second ordre.

Au surplus, le BSIF et l’AMF annoncent que la mise en œuvre du relevé sur le risque climatique deviendra une attente réglementaire pour toutes les institutions financières visées à compter de l’an prochain, et que d’autres conclusions du Rapport y seront aussi intégrées.

Les conclusions tirées du Rapport ainsi que les nouvelles attentes réglementaires du BSIF et de l’AMF prévues pourraient avoir des impacts significatifs sur les affaires des institutions financières au Canada. Notre équipe est à votre disposition pour répondre à toutes questions et pour discuter des implications du Rapport.

Les auteurs tiennent à remercier Charles-Alexandre Groleau, étudiant, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.



Personnes-ressources

Avocat
Associé, cochef canadien, Services financiers et réglementation

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