La Cour d’appel du Québec1 a récemment clarifié ce que les employeurs sont tenus de faire lorsqu’une travailleuse enceinte ou qui allaite demande à être affectée à d’autres tâches dans le cadre du programme Pour une maternité sans danger (PMSD) :

  • L’employeur doit obligatoirement tenter d’affecter la travailleuse à d’autres tâches sans danger; il ne peut pas se contenter d’un retrait préventif parce qu’il s’agit de la solution la plus économique. 
  • Si l’employeur juge qu’il est impossible de réaffecter la travailleuse, il doit motiver sa décision.

La Cour a également confirmé qu’une travailleuse qui n’a pas été réaffectée peut déposer une plainte auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la CNESST).

Avant d’aborder certaines recommandations pratiques, rappelons le contexte dans lequel s’inscrit cette décision.


Qu’est-ce que le programme PMSD?

Si une travailleuse enceinte ou qui allaite croit que son travail comporte des dangers pour son enfant ou pour elle-même, elle peut demander à son employeur d’être affectée à d’autres tâches en lui transmettant le certificat du programme PMSD2 rempli par son professionnel de la santé 3.

En cas de réaffectation, l’employeur doit continuer de verser à la travailleuse son salaire habituel4. Il peut toutefois se faire rembourser par la CNESST la différence entre son salaire habituel et celui du poste auquel elle est réaffectée5. Si la travailleuse n’est pas réaffectée, elle cesse de travailler et est indemnisée d’abord par l’employeur, puis par la CNESST, sous réserve d’un maximum assurable6. Les montants versés à ce titre ne sont pas imputés au dossier de l’employeur, ce qui permet d’éviter une hausse de ses primes 7.

En raison de ce qui précède, le retrait préventif est souvent la solution privilégiée. L’employeur évite ainsi de verser un salaire à deux employés, la travailleuse réaffectée et la personne la remplaçant, tandis que la travailleuse reçoit une grande partie de son salaire sans avoir à travailler. Toutefois, lorsque la travailleuse ne souhaite pas cesser de travailler ou lorsque son salaire est supérieur au maximum assurable, le retrait préventif devient moins intéressant du point de vue de la travailleuse. C’est ce qui a mené au litige récemment tranché par la Cour d’appel.

Le litige tranché par la Cour d’appel

Tout a commencé lorsqu’un service de police municipal (l’Employeur) a refusé la demande de réaffectation de l’une de ses sergentes de patrouille (la Travailleuse), préférant la retirer de son poste. Insatisfaite, la Travailleuse a déposé une plainte auprès de la CNESST, prétendant avoir fait l’objet d’une mesure préjudiciable en raison de l’exercice d’un droit.

La CNESST et le Tribunal administratif du travail (le TAT) ont chacun conclu que la plainte était irrecevable, en soutenant que la Loi sur la santé et la sécurité du travail ne prévoyait aucun « droit à la réaffectation »8. Selon le TAT, les dispositions législatives sous-tendant le programme PMSD visent le retrait préventif; le choix de réaffecter une travailleuse et de lui verser une indemnité constituerait une prérogative patronale.

Cette décision a par la suite été portée en appel devant la Cour supérieure9, puis devant la Cour d’appel, où la Travailleuse a chaque fois obtenu gain de cause. 

Dans son arrêt, la Cour d’appel corrige le TAT; l’objectif premier des dispositions visant à protéger les travailleuses enceintes ou qui allaitent est de permettre la réaffectation. Il y a donc bel et bien un « droit à la réaffectation » et ce n’est que lorsqu’il est impossible de s’y conformer que le retrait préventif est permis, auquel cas l’employeur doit motiver sa décision.

À ce jour, l’Employeur n’a pas déposé de demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême.

Recommandations pratiques

Afin de prévenir toute contravention aux dernières instructions de la Cour d’appel, les employeurs ayant des activités au Québec devraient mettre en place une procédure qui :

  • désigne la ou les personnes responsables de traiter les demandes de réaffectation; 
  • prévoit que chaque demande de réaffectation doit être documentée; 
  • favorise le dialogue entre la travailleuse qui soumet une demande et l’employeur afin d’éviter les malentendus;
  • précise en quoi consiste le critère de l’impossibilité de réaffecter. Pour ce faire, il est utile de s’inspirer du concept de contrainte excessive en contexte d’accommodements raisonnables. Toutefois, pour des recommandations applicables à un cas précis, nous vous invitons à contacter un membre de notre équipe.

Footnotes

3  

Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), RLRQ c S-2.1, art 40, 40.1 et 46.

4  

LSST, art 43 et 48.

6  

LSST, art 36 al 1 et 2, 41 al 1, 42, 47 et 48; Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ, c A-3.001, art 45, 60, 62 al 3, 66 et 124. Voir Salaire maximum annuel assurable | CNESST.

7   LSST, art 45 et 48.



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