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Loi sur la laïcité de l’État : la Cour d’appel du Québec statue sur sa constitutionnalité
La Loi sur la laïcité de l’État (Loi) a fait couler beaucoup d’encre depuis son adoption en juin 2019.
Mondial | Publication | Février 2018
Trois éléments à retenir de l’arrêt Amaya inc. c Derome1 de la Cour d’appel :
Les articles 225.2 et suivants de la LVM ont été adoptés afin de faciliter l’exercice de recours fondés sur des manquements à l’obligation d’information continue des émetteurs, dirigeants et administrateurs d’entreprises dont les actions sont négociées sur le marché secondaire. Alors que le régime de responsabilité civile du Code civil du Québec exige des demandeurs la preuve d’un lien de causalité entre le manquement à l’obligation d’information et la décision d’acheter ou de céder un titre, le régime statutaire de la LVM crée une présomption selon laquelle un titre acquis ou cédé à la suite d’une fausse déclaration (ou de l’omission de divulguer une information qui aurait dû l’être) l’a été en raison de ce manquement et que la fluctuation de la valeur d’un titre résulte de ce manquement.
L’art. 225.4 prévoit un mécanisme de filtrage qui vise à empêcher les actions abusives ou frivoles (strike suits). Pour exercer un tel recours, le demandeur doit d’abord convaincre le tribunal que son action 1) est intentée de bonne foi et 2) présente une « possibilité raisonnable » de succès. Si le demandeur propose en plus que son recours soit une action collective, il doit aussi démontrer que les critères d’autorisation de l’art. 575 Cpc sont respectés.
Dans l’affaire Derome c Amaya inc., des investisseurs veulent intenter une action collective fondée sur la responsabilité sur le marché secondaire contre Amaya inc. (maintenant Le Groupe Stars Inc.). Afin de démontrer la possibilité de succès de leur action, comme l’exige l’art. 225.4 LVM, les investisseurs ont demandé la communication de documents internes d’Amaya, dont des politiques internes relatives aux opérations boursières et des documents ayant trait à la gouvernance de l’entreprise. La Cour supérieure a fait droit à cette demande, notamment au nom de l’équité et du devoir de coopération prévus dans le Cpc. En somme, a conclu le juge Barak Barin, si le mécanisme de filtrage de l’art. 225.4 LVM pose un obstacle supplémentaire aux demandeurs, il convient de leur donner les outils nécessaires pour le surmonter.
Ce raisonnement ne convainc pas la Cour d’appel, qui renverse la décision sur ce point.
L’appel pose une première difficulté : quel est le droit d’appel dans le contexte d’un double mécanisme de filtrage, celui de la LVM (225.4 LVM) et celui des actions collectives (575 Cpc)? La Cour d’appel estime que ces mécanismes doivent être traités de façon distincte et séquentielle. Ainsi, dans la demande en question, il s’agit essentiellement du mécanisme de filtrage prévu dans l’art. 225.4 LVM, qui constituera généralement une étape préliminaire et différente de l’autorisation de l’action collective. La Cour conclut donc que la jurisprudence limitant le droit d’appel pré-autorisation en matière d’actions collectives n’est pas applicable en l’espèce.
Par ailleurs, puisque le jugement cause un préjudice irrémédiable à la défenderesse, la Cour accorde la permission d’en appeler en vertu de l’art. 31 al. 2 Cpc.
La Cour conclut ensuite qu’ordonner une communication de documents avant l’autorisation contreviendrait à l’objectif du mécanisme de filtrage décrit à l’art. 225.4 LVM. En effet, celui-ci vise à limiter les poursuites abusives, nuisibles à la fois pour les émetteurs poursuivis, les autres actionnaires, les marchés et le bon fonctionnement des tribunaux. L’objectif de ce filtre n’est pas de provoquer des mini-procès préalables à l’autorisation, mais bien de permettre un rejet rapide des poursuites abusives. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner une communication de documents à ce stade. Pour la Cour d’appel, cela n’impose pas une difficulté injuste aux demandeurs, puisque le juge qui appliquera le filtre prévu à l’art. 225.4 LVM tiendra compte de cette absence de communication dans son évaluation.
Finalement, la Cour ordonne néanmoins la communication des polices d’assurance de l’émetteur, pour des motifs distincts que nous abordons dans une autre actualité juridique.
Cette décision clarifie la façon dont se conjuguent les mécanismes de filtrage en matière de valeurs mobilières et d’actions collectives. De plus, elle rappelle que les émetteurs publics ont droit à la protection contre des poursuites abusives et que les demandes d’autorisation en vertu de l’art. 225.4 LVM ne doivent pas se transformer en mini-procès. La Cour d’appel contribue ainsi à harmoniser le droit canadien dans ce domaine, puisqu’elle indique que cet aspect du mécanisme de filtrage prévu par l’art. 225.4 LVM est semblable à celui qui prévaut en Ontario et ailleurs au pays pour le même type d’action.
L’auteur désire remercier Michel Bélanger-Roy, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.
1 Amaya inc. c Derome, 2018 QCCA 120.
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