
Publication
Infolettre trimestrielle en droit de l’emploi et du travail au Canada
La présente infolettre informera les employeurs des faits nouveaux et des pratiques exemplaires dans le domaine du droit de l’emploi et du travail au Canada.
Auteur:
Mondial | Publication | Septembre 2016
La Cour suprême du Canada a donné des indications importantes dans Ledcor Construction Ltd. c Société d’assurance d’indemnisation Northbridge1 concernant l’interprétation des polices d’assurance, en l’occurrence dans un contexte de projets de construction.
La construction d’une tour de bureaux de 28 étages au centre-ville d’Edmonton est à l’origine de ce litige. Dans le cadre des dernières étapes de ce projet, l’entrepreneur général avait retenu les services d’un sous-traitant afin que ce dernier lave les vitres extérieures de l’immeuble en échange d’un montant de 45 000 $. Malheureusement, le sous traitant a utilisé des outils et des méthodes inadéquats et a égratigné les fenêtres de l’immeuble, lesquelles ont dû être remplacées au coût de 2,5 millions de dollars.
L’entrepreneur général et le sous-traitant ont réclamé à leurs assureurs respectifs le coût de remplacement des fenêtres égratignées en vertu d’une police d’assurance chantier. Cette police couvrait tous les risques de perte ou de dommages matériels directs touchant l’ouvrage en construction, sous réserve de certaines exclusions. L’assureur a rejeté la réclamation, invoquant l’exclusion visant les « frais engagés pour remédier à une malfaçon », rédigée comme suit :
La présente police ne couvre pas …[l]es frais engagés pour remédier à une malfaçon, des matériaux de construction défectueux ou une construction défaillante, à moins qu’il n’en découle des dommages matériels non autrement exclus par la présente police, auquel cas la présente police couvre ces dommages.
Lors du procès en première instance, les assurés ont fait valoir que l’exclusion relative aux « frais engagés pour remédier à une malfaçon » ne visait que le coût d’un nouveau nettoyage, alors que les assureurs ont soutenu que cette exclusion visait également le coût de remplacement des fenêtres égratignées. Le juge de première instance a conclu à l’ambiguïté de la clause d’exclusion étant donné que l’interprétation des assurés et celle fournie par les assureurs étaient tout aussi plausibles l’une que l’autre. En conséquence, il a appliqué la règle contra proferentem (c’est-à-dire que toute ambiguïté doit être tranchée en faveur de l’assuré) et a conclu que la garantie d’assurance couvrait le coût de remplacement des fenêtres.
La Cour d’appel de l’Alberta a infirmé la décision de première instance. La Cour d’appel a élaboré un nouveau critère de « connexité matérielle ou systémique » pour déterminer si les égratignures aux fenêtres étaient la conséquence d’une malfaçon (la malfaçon étant exclue de la couverture offerte par la police d’assurance) ou des dommages découlant de cette malfaçon (lesquels étaient couverts par la police). Après avoir appliqué ce nouveau critère, la Cour d’appel a conclu que les dommages causés aux fenêtres résultaient d’une « malfaçon » parce qu’ils avaient été causés par les mouvements de grattage et de frottage des fenêtres effectués intentionnellement par le sous-traitant. La Cour d’appel a jugé que la garantie excluait le coût de remplacement des fenêtres.
La Cour suprême du Canada a accueilli le pourvoi de l’assuré et a conclu que la police d’assurance couvrait le coût de remplacement des fenêtres. Dans ses motifs, la Cour suprême a donné d’importantes indications relativement à l’interprétation des polices d’assurance.
En l’occurrence, la Cour suprême a convenu, à l’instar du juge de première instance, que la clause d’exclusion était ambiguë. L’interprétation à retenir devait donc tenir compte des attentes raisonnables des parties.
La Cour suprême a conclu que l’objet des polices d’assurance chantier était d’offrir une large garantie dans le cadre des projets de construction et de conférer « certitude, stabilité et tranquillité d’esprit » en échange de « primes relativement élevées ». Dans ce contexte, la Cour suprême a jugé que les assurés seraient privés de la garantie à laquelle ils avaient souscrit si la clause d’exclusion soustrayait à la garantie le coût de remplacement des fenêtres simplement parce que le sous-traitant avait travaillé sur cette partie du projet. La Cour suprême a tranché que bien que la police ne couvrait pas le coût associé à la reprise du travail du sous-traitant, elle couvrait bel et bien le coût de remplacement des fenêtres égratignées.
Ce jugement de la Cour suprême du Canada donne des indications aux tribunaux inférieurs sur l’interprétation à donner aux contrats d’assurance et devrait dissuader ces derniers de chercher de nouvelles façons de régler les différends relatifs aux garanties d’assurance. Cet arrêt devrait apporter un degré de certitude accru aux assurés et aux assureurs quant à l’interprétation des polices d’assurance.
Cet arrêt pourrait également entraîner une augmentation des réclamations au titre des polices d’assurance chantier. Les assurés pourraient vouloir profiter de cette généreuse interprétation donnée par la Cour suprême du Canada à l’égard des attentes raisonnables des parties à des projets de construction. Tous les assureurs qui rédigent des polices d’assurance chantier devraient revoir la formulation de celles-ci afin de s’assurer que leurs polices ne contiennent aucune ambiguïté dans les clauses d’exclusion, comme dans l’affaire Ledcor Construction.
1 Ledcor Construction Ltd. c Société d’assurance d’indemnisation Northbridge, 2016 CSC 37.
2 Sattva Capital Corp. c Creston Moly Corp., 2014 CSC 53 [Sattva].
3 Le juge Cromwell souscrit au dispositif, mais juge qu’il n’y a aucune raison de s’écarter du principe général élaboré dans Sattva pour l’interprétation des contrats types.
4 Progressive Homes Ltd. c Cie canadienne d’assurances générales Lombard, 2010 CSC 33 [Progressive Homes].
Publication
La présente infolettre informera les employeurs des faits nouveaux et des pratiques exemplaires dans le domaine du droit de l’emploi et du travail au Canada.
Publication
Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont suspendu leurs travaux visant l’élaboration de nouvelles règles sur la communication obligatoire d’information liée au changement climatique et les modifications des obligations d’information sur la diversité existantes.
Abonnez-vous et restez à l’affût des nouvelles juridiques, informations et événements les plus récents...
© Norton Rose Fulbright LLP 2025