Selon un rapport conjoint du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) et de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC), environ 70 % des institutions financières fédérales prévoient utiliser l’IA d’ici 20261.

Devant l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle (IA) au Canada, notamment dans les secteurs émergents de l’assurtech (insurtech) et de la technologie financière (fintech), l’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié, le 3 juillet 2025, sa Ligne directrice sur l’utilisation de l’intelligence artificielle (Ligne directrice) afin de préciser ses attentes à l’égard des mesures que les institutions financières devraient mettre en place pour une utilisation responsable des systèmes d’intelligence artificielle (SIA).

Si les SIA offrent d’importants avantages concurrentiels et gains d’efficacité, ils comportent également des risques notables, notamment en matière de conformité, de confidentialité et d’opérations. La Ligne directrice s’inscrit ainsi dans la continuité des initiatives de l’AMF visant à encadrer les technologies émergentes, tout en veillant à la protection du public et à la résilience du secteur financier.

Le présent bulletin offre un aperçu des principales attentes formulées par l’AMF à l’égard des institutions financières, y compris les assureurs autorisés, les coopératives de services financiers, les sociétés de fiducie autorisées ainsi que les institutions de dépôts autorisées.


Classification et gestion des risques

L’AMF s’attend à ce que chaque institution financière attribue une cote de risque à chacun de ses SIA. Cette cote doit être établie à partir de critères précis, tels que les caractéristiques techniques du système, la qualité et la nature des données utilisées ainsi que l’exposition globale de l’institution. Elle doit être révisée périodiquement afin de refléter l’évolution des technologies et des usages. 

Cette évaluation sert de fondement à l’application des politiques, processus et contrôles internes, qui doivent être adaptés à la cote de risque attribuée, avec des exigences renforcées pour les SIA à risque élevé.

Cycle de vie des SIA

L’AMF exige que les institutions financières élaborent, documentent, approuvent et mettent en œuvre des processus et contrôles couvrant l’ensemble du cycle de vie de leurs SIA. L’AMF s’attend d’abord à ce que l’utilisation d’un SIA soit justifiée par rapport à d’autres solutions possibles. Ensuite, l’institution doit s’assurer de la qualité des données utilisées pour l’apprentissage du SIA, qu’il s’agisse de données primaires, secondaires, structurées ou non structurées.

L’AMF s’attend également à ce que les institutions mettent en place des processus encadrant la conception, l’approvisionnement et la validation des SIA en plus d’assurer une supervision continue permettant de détecter rapidement tout biais, incident de sécurité, conflit d’intérêts ou autre anomalie.

Gouvernance renforcée

L’AMF insiste sur la responsabilisation des instances dirigeantes et attend des institutions qu’elles définissent clairement les rôles et responsabilités de chaque acteur à toutes les étapes du cycle de vie des SIA. Chaque SIA doit être placé sous la responsabilité d’un gestionnaire désigné, qui doit rendre compte à un membre de la haute direction imputable de l’ensemble des SIA de l’institution. 

D’une part, la haute direction doit élaborer une politique de gestion des risques liés à l’IA et maintenir un niveau de connaissance adéquat sur les technologies utilisées. 

D’autre part, le conseil d’administration doit promouvoir une culture d’utilisation responsable de l’IA, être informé des risques et limitations des SIA et veiller à ce que ses membres disposent collectivement de compétences suffisantes en la matière.

La fonction de gestion des risques doit quant à elle établir un cadre de validation et assurer la gestion des risques, tandis que l’audit interne évalue l’efficacité de la gouvernance et des mécanismes de contrôle interne liés à l’utilisation des SIA.

Gestion centralisée et transparente des SIA

L’AMF exige que les institutions financières tiennent un répertoire centralisé de leurs SIA, devant contenir les informations nécessaires à la prise de décision, à l’évaluation des risques et à la supervision de ces systèmes. Par ailleurs, les institutions doivent produire des rapports réguliers sur les risques liés à l’IA et les communiquer aux parties prenantes concernées, notamment la haute direction.

Chaque institution financière devrait évaluer et réévaluer son appétit pour le risque et ses niveaux de tolérance aux principaux risques à la lumière de son utilisation des SIA. 

Traitement équitable des clients 

L’AMF accorde une attention particulière aux enjeux éthiques et à la protection des clients. Elle s’attend à ce que chaque institution mette en place un code d’éthique et des mécanismes pour prévenir et corriger rapidement toute forme de discrimination ou de biais, tout en assurant une documentation rigoureuse.

Une vigilance accrue est également requise quant à la qualité des données secondaires utilisées, particulièrement lorsque les résultats générés par un SIA peuvent avoir une incidence sur les clients. Les institutions doivent fournir une information claire à leurs clients, obtenir un consentement éclairé de leur part, leur offrir la possibilité d’interagir avec une personne humaine lorsque cela est nécessaire et être en mesure de leur fournir des explications simples et compréhensibles concernant les décisions prises ou influencées par un SIA.

Conclusion

La Ligne directrice marque une étape clé de l’encadrement de l’IA dans le secteur financier québécois. Sans freiner l’innovation, l’AMF souhaite en baliser l’usage afin qu’il soit rigoureux, éthique et responsable. Dans cette optique, nous encourageons les institutions financières à envisager dès maintenant la mise en œuvre des mesures proposées dans celle-ci, en prévision de son adoption possiblement imminente.

L’AMF invite d’ailleurs les parties intéressées à soumettre leurs observations d’ici le 7 novembre 2025.

Les auteur·rices tiennent à remercier Charles-Antoine Bordeleau, stagiaire, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.




Personne-ressource

Associé, cochef canadien, Services financiers et réglementation

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