Droit de la concurrence : ce que les administrateurs doivent savoir

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Mondial Publication Mars 2017

Récemment, Thierry Dorval, associé de Norton Rose Fulbright, était le modérateur d’un panel de l’Institut des administrateurs de sociétés comprenant le commissaire de la concurrence du Canada, M. John Pecman.

Le texte qui suit résume les discussions à ce sujet et met l’accent sur les indications données par le commissaire dans le cadre de ce panel.



Attentes du Bureau de la concurrence à l’égard des administrateurs de sociétés canadiennes

  • De l’avis du commissaire, le respect de la loi est une responsabilité partagée, et le Bureau s’attend à ce que les entreprises et leurs administrateurs remplissent leur rôle.

  • Pour aider les entreprises à remplir leur rôle, le commissaire les encourage à implanter un programme de conformité avec le droit de la concurrence. Le site Web du Bureau comporte un portail sur la conformité d’entreprise qui offre divers outils pour aider les entreprises de toutes tailles et notamment pour les aider à établir des programmes de conformité efficaces au sein de leur organisation.

  • Un bon programme de conformité peut aider à prévenir les agissements anticoncurrentiels. À ces fins, le Bureau a défini sept éléments qui devraient faire partie de chaque programme de conformité. Toutefois, la mesure dans laquelle les entreprises mettent en œuvre chacun d’eux variera selon les activités et le « profil de risque » de chaque entreprise.

1. Engagement et soutien de la direction : Les gestionnaires doivent appuyer de façon active et continue le programme de conformité de l’entreprise et doivent nommer une personne de l’entreprise qui est en contact direct avec les gestionnaires supérieurs et a le pouvoir d’exécuter ce programme; il s’agit de « l’agent de conformité ».

2. Évaluation des risques en matière de conformité : Quelles activités commerciales auxquelles prend part votre entreprise pourraient présenter un risque de violation de la loi? Trouver la réponse à cette question est ce qu’on appelle « l’évaluation du risque »; les programmes de conformité porteront sur ces secteurs.

3. Politiques et procédures : Les politiques et procédures de votre entreprise doivent refléter son profil de risque, au sens où elles doivent permettre de savoir comment éviter de violer la loi en cas d’activités commerciales comportant des risques en matière de conformité; elles servent ainsi de « feuille de route en matière de conformité » pour votre entreprise.

4. Formation : Toute personne de l’entreprise confrontée à des domaines comportant des risques doit savoir comment se conformer à la loi.

5. Mécanismes de contrôle, de vérification et de signalement : Il ne suffit pas de simplement dire quoi faire aux gestionnaires et au personnel; comme pour tout autre aspect de vos activités, vous devez vérifier s’ils le font. La capacité des gestionnaires et du personnel à poser des questions et à signaler de façon confidentielle leurs préoccupations à l’agent de conformité de votre entreprise sans crainte de représailles est le signe que le programme est crédible.

6. Mesures disciplinaires et mesures incitatives : Un programme de conformité doit définir, avant que ne survienne toute violation de la loi ou du programme, les procédures et les mesures disciplinaires potentielles pour ceux qui ne respectent pas les règles (ou font en sorte que d’autres ne les respectent pas) ou les mesures incitatives qui permettent de veiller à ce que les employés respectent le programme.

7. Est ce que cela fonctionne? L’évaluation régulière du programme est une bonne pratique qui permet de vérifier que celui-ci fonctionne et qu’il est crédible et efficace. Une évaluation peut également avoir lieu à la suite d’un événement particulier, comme lorsque l’entreprise est confrontée à des contraventions ou lorsqu’elle acquiert une autre entreprise, vise d’autres secteurs d’activité ou pénètre de nouveaux marchés.

  • Le commissaire a réitéré particulièrement l’importance de l’engagement de la direction, qui concerne directement les administrateurs, et a souligné que le ton donné par la direction est la pierre d’assise de la construction et du maintien d’une culture de conformité efficace.

Conséquences pour les administrateurs de ne pas respecter les principales dispositions de la Loi sur la concurrence

Le cadre légal

  • Une entreprise qui contrevient aux dispositions criminelles de la Loi s’expose à une amende, et un particulier s’expose à une amende et/ou à une peine d’emprisonnement.

  • Une entreprise qui contrevient aux dispositions civiles pourrait faire l’objet d’une sanction administrative pécuniaire et également de diverses ordonnances du tribunal visant à remédier à l’effet anticoncurrentiel de la conduite

Les coûts de la non-conformité

Une enquête du Bureau de la concurrence peut générer de nombreux coûts :

  • Ainsi, l’entreprise devra payer les coûts de représentation juridique pour ses interactions avec le Bureau et (s’il s’agit d’une affaire criminelle) le Service des poursuites pénales du Canada. De plus, elle pourrait avoir à payer les frais de défense pour l’entreprise et les personnes impliquées dans un procès criminel.

  •  Il faut aussi compter le temps que la direction et le conseil d’administration prendront à participer à l’enquête du Bureau — c’est du temps que vous ne passerez pas à voir aux activités de votre entreprise.

  • Les locaux de l’entreprise, ou même la résidence des dirigeants et des administrateurs, pourraient être fouillés par les enquêteurs du Bureau, ce qui interrompra les activités de l’entreprise, possiblement pendant plusieurs jours.

  • La réputation de l’entreprise pourrait être entachée et cette dernière pourrait perdre des clients ou des employés estimés.

  • Enfin, les poursuites pourraient avoir pour résultat :

    • des déclarations de culpabilité pour l’entreprise et les personnes impliquées;

    • une interdiction de soumissionner auprès des marchés du gouvernement;

    • des peines d’emprisonnement pour les personnes impliquées;

    • des amendes importantes imposées par la cour;

    • un programme de conformité d’entreprise imposé par la cour;

    • l’exposition à des actions civiles en dommages-intérêts subséquentes.

Toutefois, si une entreprise commence par élaborer un programme de conformité, elle a de très bonnes chances d’éviter tous ces coûts, qui pourraient s’avérer dévastateurs, et qui dépassent de loin les coûts associés à la mise en œuvre d’un tel programme.

Engagement et soutien de la direction

Selon le commissaire, l’engagement et le soutien de la direction en matière de droit de la concurrence sont primordiaux :

  • L’engagement et le soutien clairs, continus et sans équivoque de la direction sont le fondement d’un programme de conformité d’entreprise crédible et efficace.

  • La direction favorise l’émergence d’une culture de conformité dans l’entreprise en participant activement au programme de conformité et en assumant un rôle hautement manifeste dans sa promotion, et ce, de façon continue.

  • En témoignant de sa détermination claire, continue et sans équivoque à assurer la conformité, la direction entend signifier que les contraventions à la Loi ne sont en aucun cas acceptables.

  • L’échec des programmes de conformité est en grande partie attribuable au fait qu’ils ne sont pas mis à exécution et à un manque d’engagement de la direction.

  • Lorsqu’une société adopte une conduite qui contrevient à la Loi, si un ou plusieurs gestionnaires y ont participé, l’ont tolérée ou ont volontairement fermé les yeux sur celle-ci, le Bureau de la concurrence peut en déduire que l’engagement de la direction envers la conformité n’est pas sérieux et que le programme de la société n’était ni crédible ni efficace.

Conclusion

De l’avis du commissaire, les administrateurs devraient retenir trois choses en matière de droit de la concurrence :

  • Toutes les entreprises tirent profit de la concurrence et de chances égales de rivaliser, d’innover et de croître, qui profitent également à l’économie et l’innovation plus généralement.

  • Toutes les entreprises doivent remplir leur rôle pour assurer le respect de la Loi et promouvoir l’équité dans les marchés.

  • La conformité commence par le haut : les administrateurs doivent activement mettre l’accent sur l’importance de la conformité et de l’exécution d’un programme de conformité.

Beaucoup d’administrateurs n’auront peut-être jamais affaire avec le Bureau de la concurrence. L’une des manières de réduire la possibilité d’avoir affaire au Bureau est de vous assurer que votre organisation est dotée d’une culture de conformité, qui comprend un programme de conformité fiable et efficace.



Personne-ressource

Associé principal, chef canadien, Gouvernance

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