Santé Canada a proposé un changement important à la réglementation des médicaments biosimilaires qui pourrait accélérer les litiges liés aux brevets visant des médicaments biologiques au Canada. Santé Canada emboîte ainsi le pas à d’autres autorités en proposant que les fabricants de produits biosimilaires soient désormais exemptés d’effectuer des essais cliniques de phase III pour permettre l’entrée de leurs produits sur le marché canadien. L’élimination de cette exigence pourrait donner lieu à une présentation plus hâtive des demandes d’approbation de médicaments biosimilaires auprès de Santé Canada et écourter le délai pour intenter des litiges en vertu du régime canadien de mise en lien avec les brevets.
Mise en contexte sur les biosimilaires
Les médicaments biosimilaires et génériques découlent tous deux des suites du médicament d’origine d’un innovateur. Cependant, comme ils présentent des différences fondamentales, ils sont soumis à différentes normes réglementaires en ce qui touche leur entrée sur le marché au Canada et dans d’autres territoires.
- L’ingrédient actif d’un médicament générique est une petite molécule synthétisée chimiquement dont la structure moléculaire est identique à celle de l’ingrédient actif du médicament d’origine. Les médicaments génériques sont autorisés à la vente par la procédure de présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN).
- Au contraire, l’ingrédient actif d’un médicament biosimilaire est une grosse molécule fabriquée biologiquement qui est très similaire – mais non identique – à l’ingrédient actif du médicament d’origine. Les médicaments biosimilaires sont autorisés à la vente par la procédure de présentation de drogue nouvelle (PDN).
En principe, la PDN d’un médicament biosimilaire requiert la présentation de beaucoup plus de données que la PADN d’un médicament générique, notamment, dans « la plupart des cas » comme le présentent les lignes directrices en vigueur de Santé Canada, des données d’essais cliniques « pour écarter la possibilité de différences cliniquement significatives en termes d’efficacité et d’innocuité entre le médicament biosimilaire et le médicament biologique de référence » (c.-à-d. le médicament d’origine). Ces données d’essais cliniques proviennent généralement d’importants essais de phase III. Un rapport publié en 2021 dans JAMA Internal Medicine indique que l’essai de phase III typique pour un médicament biosimilaire est effectué à l’aide de 538 patients qui sont traités pendant 55 semaines, ce qui coûte environ 28 millions de dollars américains (valeurs médianes issues de 29 essais).
Proposition visant à supprimer l’exigence d’un essai clinique de phase III
Dans une ébauche de lignes directrices, Santé Canada propose de réduire les données requises pour les PDN de biosimilaires. Cette ébauche a été publiée le 10 juin 2025 et la consultation publique a pris fin le 8 septembre 2025. Selon l’ébauche, dans « la plupart des cas », Santé Canada n’exigerait plus « un ou plusieurs essais cliniques comparatifs d’efficacité et d’innocuité » (c.-à-d. des essais de phase III). Même si Santé Canada exigerait toujours les données comparant l’innocuité et l’immunogénicité du médicament biosimilaire à celles du médicament d’origine, ces données peuvent être recueillies au moyen d’études comparatives de pharmacocinétique. Or, ces études de pharmacocinétique sont déjà requises, peuvent souvent être menées sur des volontaires en santé (plutôt que sur des patients) et sont généralement moins onéreuses que les essais cliniques de phase III.
L’ébauche de lignes directrices de Santé Canada s’inscrit dans la foulée des autorités réglementaires et responsables politiques d’autres territoires. En effet, la Medicines and Healthcare products Regulatory Agency du Royaume-Uni a cessé d’exiger des preuves cliniques d’efficacité pour les biosimilaires dans un document d’orientation de 2021. De même, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a publié un document de réflexion le 1er avril 2025 indiquant que les preuves cliniques d’efficacité pourraient ne plus être requises pour l’approbation des biosimilaires. Un projet de loi (Expedited Access to Biosimilars Act) a en outre été présenté au Sénat américain le 10 avril 2025. Aux termes de ce projet, la présentation de données cliniques comparatives d’efficacité ne serait plus nécessaire à l’approbation de biosimilaires. Le tableau ci-après compare l’ébauche de lignes directrices de Santé Canada à ces initiatives du Royaume-Uni, de l’EMA et du Sénat américain.
Effet potentiel sur les litiges relatifs à des brevets de biosimilaires
Au Canada, les litiges sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (Règlement) établissent les droits de brevet avant l’entrée sur le marché d’un générique ou d’un biosimilaire. Le fabricant de génériques ou de biosimilaires ne peut recevoir d’autorisation de mise sur le marché tant qu’il n’a pas réglé la question de tout brevet déposé à l’égard du produit d’origine. Par conséquent, s’il ne souhaite pas attendre l’expiration de ces brevets, le fabricant doit obtenir le consentement de leurs titulaires, ou encore contester les brevets (p. ex. en alléguant l’absence de contrefaçon ou l’invalidité). Dans ce dernier cas, le titulaire du brevet pourra intenter des procédures en contrefaçon.
Si Santé Canada adopte les lignes directrices susmentionnées, les exigences allégées en matière de présentation de données pour les PDN de biosimilaires pourraient accélérer les dépôts au Canada. Il est probable que cela conduise à des litiges plus précoces en vertu du Règlement. Ainsi, il pourrait y avoir lieu pour les innovateurs de se préparer plus tôt que prévu à aller devant les tribunaux.
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Canada |
Royaume-Uni |
EMA |
États-Unis |
Statut |
Consultation |
Lignes directrices révisées |
Consultation |
Projet de loi |
Essais comparatifs d’efficacité clinique |
Non nécessaires dans la plupart des cas. |
Non nécessaires dans la plupart des cas. |
Pourraient ne plus être nécessaires. |
Non nécessaires, sous réserve de la discrétion du Secrétaire.
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Essais comparatifs de pharmacocinétique |
Obtention de données sur l’innocuité et l’immunogénicité conseillée. Si un marqueur pharmacodynamique existe et est mesurable, il doit être évalué.
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Obtention de données sur l’innocuité et l’immunogénicité conseillée. S’ils sont disponibles, les paramètres pharmacodynamiques peuvent être mesurés. |
Obtention de données sur la sécurité et l’immunogénicité conseillée. L’inclusion de paramètres pharmacodynamiques mesurables est encouragée. |
L’innocuité devrait être démontrée. Le Secrétaire peut décider si des données sur l’immunogénicité et la pharmacodynamie sont requises. |
Études sur les animaux |
Généralement non nécessaires. |
Non nécessaires. Non pertinentes pour démontrer la comparabilité.
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Non abordées en détail dans la consultation. |
Non abordées en détail dans le projet de loi. |
Indications |
Une autorisation peut être demandée pour toutes les indications relatives au produit biologique d’origine. |
Toutes les indications relatives au produit biologique d’origine peuvent être revendiquées sans autre justification.
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Non précisées dans la consultation. |
Non précisées dans le projet de loi. |