Le 15 octobre 2021, la Cour suprême du Canada a rendu une décision très importante à propos des règles encadrant la validité des clauses de limitation de responsabilité en droit civil québécois. Dans 6362222 Canada inc. c Prelco inc., 2021 CSC 39, la Cour suprême a en effet conclu qu’un tribunal ne pouvait écarter l’application d’une telle clause au seul motif que la partie défenderesse avait contrevenu à une obligation essentielle du contrat (fundamental breach).


Contexte factuel

Prelco inc. et 6362222 Canada inc. (Créatech) avaient conclu un contrat en vertu duquel cette dernière devait implanter un système de gestion intégré des activités de Prelco. L’exécution du contrat fut toutefois difficile et Prelco intenta un recours en dommages contre Créatech. En défense, cette dernière invoquait, entre autres, la clause de limitation de responsabilité prévue par le contrat.

La Cour supérieure du Québec a écarté l’application de la clause de limitation de responsabilité au motif qu’une telle clause ne pouvait être invoquée lorsque la faute reprochée constituait l’inexécution d’une « obligation essentielle » du contrat. La Cour d’appel du Québec a par la suite confirmé le bien-fondé de cette décision en citant de nombreuses autorités doctrinales affirmant que la notion de « fundamental breach » développée par les tribunaux de common law avait des assises solides en droit civil québécois. 

Décision de la Cour suprême

La Cour suprême du Canada a rejeté l’approche adoptée par la Cour supérieure et la Cour d’appel du Québec. Selon la Cour suprême, l‘application de la notion de « fundamental breach » en droit civil québécois ne pouvait reposer que sur deux arguments, soit i) que l’application d’une clause de limitation de responsabilité lors d’une contravention à une obligation essentielle du contrat était contraire à l’ordre public, ou encore ii) que l’application d’une telle clause en pareilles circonstances avait pour effet de supprimer la cause du contrat. Or, selon la Cour suprême, aucun de ces arguments n’était valide en l’espèce.

La Cour souligne que les considérations reliées à l’ordre public ont été codifiées par le législateur québécois lors de l’adoption de l’article 1474 du Code civil du Québec qui prévoit qu’une personne ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui, ni pour le préjudice matériel découlant d’une faute lourde ou intentionnelle. Quant à l’argument fondé sur l’absence de cause, la Cour suprême conclut que le simple fait pour une partie de limiter sa responsabilité n’a pas pour effet de nier la cause du contrat. La Cour souligne toutefois qu’il pourrait en être autrement en présence d’une clause excluant totalement la possibilité de tout recours contre la partie défenderesse. 

Conséquences pratiques

La décision de la Cour suprême a pour effet de limiter les arguments susceptibles d’être invoqués par la partie demanderesse afin de contester la validité d’une clause de limitation de responsabilité prévue par un contrat de nature commerciale régi par le droit civil québécois. Dorénavant, il n’est plus possible de plaider qu’une telle clause est invalide ou inapplicable à l’égard d’une contravention à une obligation essentielle du contrat. Comme la Cour le souligne, c’est justement à l’égard d’une contravention à une obligation essentielle du contrat qu’une clause de limitation de responsabilité peut être utile afin de limiter les risques juridiques et financiers liés à ce contrat.



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