Alors que les Canadiens continuent de s’isoler et de cuisiner plus de repas à la maison, les pressions exercées sur les épiceries et les fabricants de produits alimentaires canadiens ont augmenté de façon spectaculaire. Rien qu’au cours des deux dernières semaines de mars, le volume des commandes aux fabricants de produits alimentaires a fait un bond allant jusqu’à 500 %, 80 % des fabricants de produits alimentaires interrogés par Produits alimentaires et de consommation du Canada faisant état d’une augmentation de la production1.
   
Les épiceries canadiennes utilisent ce que l’on appelle souvent un « système [d’approvisionnement] alimentaire juste assez, juste à temps », où elles reçoivent des livraisons d’aliments juste avant que ceux-ci ne soient prêts à être mis en rayon. Bien que ce système permette généralement de réduire les espaces de stockage inutiles et d’éviter le gaspillage (en raison de la péremption des produits non achetés), il a présenté des défis dans la situation actuelle liée à la COVID-192.
 
En raison de l’incidence de la COVID-19 sur l’approvisionnement alimentaire actuel, les 6 et 7 avril 2020, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a indiqué qu’elle allait retarder et/ou suspendre un certain nombre de ses activités d’application à faible risque afin de contribuer « à soutenir l’économie, à atténuer les ruptures d’approvisionnement dans les épiceries canadiennes et à éviter le gaspillage alimentaire »3. Tous les avis de l’ACIA peuvent être consultés à https://www.inspection.gc.ca/covid-19/informations-de-l-acia-pour-l-industrie/fra/1584462704366/1584462704709

Suspension des exigences du Règlement sur la salubrité des aliments au Canada pour le secteur des aliments manufacturés

Le Règlement sur la salubrité des aliments au Canada (RSAC) est entré en vigueur le 15 janvier 2019 et a imposé trois nouvelles exigences fondamentales aux acteurs du secteur alimentaire :

  • Licences (partie 3) : Des licences sont requises pour l’importation, l’exportation, la fabrication, la transformation, le traitement, la conservation, la classification, l’emballage ou l’étiquetage de produits alimentaires destinés à être expédiés ou transportés au-delà des frontières provinciales ou territoriales;
  • Contrôles préventifs (partie 4) :  Cette partie du RSAC décrit les principaux principes en matière de contrôle de la salubrité des aliments qui doivent être respectés par toutes les entreprises alimentaires et énonce les exigences d’établissement, de conservation et de tenue à jour d’un plan de contrôle préventif (souvent appelé PCP) indiquant comment l’entreprise alimentaire respecte les exigences applicables en matière de salubrité des aliments, de traitement sans cruauté des animaux pour alimentation humaine et de protection du consommateur4;
  • Traçabilité (partie 5) : Cette partie du RSAC exige que l’aliment soit retracé en aval jusqu’au client immédiat de l’entreprise et, en amont, jusqu’au fournisseur immédiat.

Les acteurs du secteur des aliments manufacturés disposent d’une période de transition de 18 mois pour se conformer à ces exigences (soit jusqu’au 15 juillet 2020)5. De manière globale, le secteur des aliments manufacturés comprend les confiseries, les grignotines, les boissons (y compris les boissons alcoolisées), les huiles, les herbes et épices séchées, les noix et graines, le café et le thé, les produits de boulangerie, les céréales et les pâtes.

Avec prise d’effet le 7 avril 2020, l’ACIA a indiqué qu’elle ne donnerait pas la priorité à la conformité au RSAC pour le secteur des aliments manufacturés. Bien qu’aucune nouvelle date limite n’ait été fixée, l’ACIA a précisé que toute modification à sa position à cet égard serait « annoncée avec un délai suffisant ».

En définitive, cette politique a une incidence marquante puisqu’elle permet d’éviter des retards dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire de deux façons importantes :

  • les importateurs d’aliments manufacturés ne subiront généralement pas de retards ou d’interruptions dans leurs importations du fait qu’ils n’auront pas obtenu une licence au plus tard le 15 juillet 2020; et
  • les fabricants nationaux peuvent poursuivre leurs activités en attendant d’obtenir la licence qu’ils ont demandée.

Malgré le report de la date de mise en conformité, les acteurs du secteur des aliments manufacturés doivent toujours veiller à la salubrité de leurs produits alimentaires en tout temps. L’ACIA continuera à prendre des mesures pour protéger les consommateurs, y compris le rappel, la saisie ou la rétention des produits alimentaires.

Suspension temporaire de certaines exigences d’étiquetage pour les produits de services alimentaires

Avec prise d’effet le 6 avril 2020, l’ACIA a temporairement suspendu certaines exigences d’étiquetage et de désignation du calibre pour les produits des services alimentaires qui n’ont aucun impact sur la salubrité alimentaire. Les produits de services alimentaires comprennent les produits alimentaires destinés aux hôtels, aux restaurants et aux institutions.

En règle générale, les produits de services alimentaires ne sont pas assujettis aux mêmes exigences d’étiquetage que les aliments préemballés vendus aux consommateurs. Par exemple, les aliments préemballés fabriqués, emballés ou étiquetés pour l’usage d’entreprises ou d’institutions commerciales ou industrielles sont dispensés de diverses exigences d’étiquetage du RSAC6. En outre, la plupart des aliments vendus dans les restaurants et les établissements de restauration ne sont pas considérés comme préemballés et ne sont pas tenus de comprendre un tableau de la valeur nutritive7.

Au cours de la pandémie, des produits de services alimentaires ont été « bloqués » et risquent d’être gaspillés alors qu’ils pourraient être utilisés à très bon escient. La demande de produits de services alimentaires a considérablement décru, puisque les restaurants limitent leurs services aux commandes à emporter ou à la livraison (ou ferment tout simplement leurs portes). Au même moment, il était difficile d’adapter ces produits pour les vendre à des détaillants, comme les épiceries ou, éventuellement, à des restaurants cuisinant des « repas à emporter », en raison du non-respect des exigences canadiennes en matière d’étiquetage.

Les suspensions mises en œuvre par l’ACIA ont supprimé nombre de ces obstacles afin de permettre la vente au détail de produits de services alimentaires si ceux-ci respectent les principales exigences en matière d’étiquetage suivantes :

  • satisfaire aux exigences canadiennes de salubrité des aliments;
  • être étiquetés d’une manière qui n’est pas fausse, trompeuse ou mensongère;
  • comprendre les renseignements d’étiquetage précis suivants : 

o un nom commun;
o une liste des ingrédients et une déclaration de contenu allergène, le cas échéant;
o le nom et les coordonnées de la personne ayant la responsabilité de l’aliment;
o une quantité nette (en unités métriques ou impériales); 
o un code d’identification du lot (par exemple la date de production, la date de péremption, le numéro de lot); 
o des directives d’entreposage et une date de péremption, le cas échéant; 
o des directives d’utilisation, le cas échéant (par exemple des directives de cuisson sécuritaire); et
o des déclarations de sécurité alimentaire pour la viande et le poisson, le cas échéant (par exemple produit décongelé, viande attendrie mécaniquement)8.

Lorsqu’un de ces renseignements ne figure pas sur l’étiquette d’un aliment emballé pour les services alimentaires, il peut être appliqué sur l’emballage de l’aliment dans n’importe quel format et par tout moyen (comme un autocollant), pourvu que le renseignement soit mis à la disposition du consommateur ou de l’acheteur final. En outre, bien qu’il soit fortement recommandé que les renseignements sur l’étiquetage soient fournis en français et en anglais, il suffit que ceux-ci soient rédigés dans une seule de ces langues s’ils peuvent être obtenus autrement sur demande.

Il est à noter que l’étiquetage exigé par l’ACIA ne comprend pas de tableau de la valeur nutritive et qu’aucune exigence ne prévoit le respect des tailles de contenant normalisées prévues par le RSAC. Ces deux exigences imposeraient vraisemblablement des contraintes compliquées et coûteuses aux petites entreprises ou aux restaurants qui essaieraient d’adapter leurs stocks de produits alimentaires pendant la pandémie.

L’ACIA a également indiqué qu’elle ne s’opposerait pas à la réimportation de produits alimentaires fabriqués, emballés et étiquetés au Canada aux fins des services alimentaires qui sont étiquetés conformément aux exigences américaines. Ces produits peuvent être vendus au Canada sans modification de l’étiquette si les conditions suivantes sont réunies :

  • ils satisfont aux exigences canadiennes de salubrité des aliments;
  • ils sont étiquetés d’une manière qui n’est pas fausse, trompeuse ou mensongère; et
  • ils sont accompagnés d’une preuve de certificat canadien d'exportation.

Toutes ces mesures sont importantes pour que les produits de services alimentaires puissent être distribués aux consommateurs sans les coûts et les complications liés au respect de toutes les exigences canadiennes en matière d’étiquetage. Cependant, la fabrication, la transformation, le traitement et la conservation des produits de services alimentaires (notamment par congélation, séchage, fumage, tranchage, etc.)9 aux fins d’exportation ou de commerce interprovincial sont des activités assujetties aux exigences de licence du RSAC qui doivent être exécutées dans un établissement fédéral titulaire d’une licence.

Tout ce qui précède s’applique aux produits de services alimentaires qui :

  • étaient déjà emballés en date du 6 avril 2020, ou
  • sont emballés et étiquetés dans un délai de 90 jours suivant le 6 avril 2020.

Ces suspensions prendront fin dans un délai de 90 jours suivant le 6 avril 2020, de sorte que toutes les exigences d’étiquetage visant les aliments vendus au détail s’appliqueront de nouveau par la suite.


Notes

1   Produits alimentaires et de consommation du Canada, « COVID-19: Manufacturers Survey Details Record High Demand and Production », 4 avril 2020.

2   CTVNews.ca, « Why empty shelves don’t mean we’re out of food: How Canada’s supply chain works », 2 avril 2020 à https://www.ctvnews.ca/health/coronavirus/why-empty-shelves-don-t-mean-we-re-out-of-food-how-canada-s-supply-chain-works-1.4878861.

3   ACIA, « Maladie à coronavirus (COVID-19) : Informations de l’ACIA pour l’industrie », 6 avril 2020.

4   Les exigences en matière de protection du consommateur comprennent des éléments comme l’étiquetage, l’emballage et la classification.

5   La période de transition ne s’appliquerait pas aux acteurs du secteur des aliments manufacturés qui doivent également détenir un certificat d’exportation.

6   RSAC, art 299.

7   ACIA, « Dispositions réglementaires sur l'étiquetage nutritionnel pour les aliments vendus dans les restaurants et autres établissements de services alimentaires » à https://www.inspection.gc.ca/exigences-en-matiere-d-etiquetage-des-aliments/etiquetage/industrie/etiquetage-nutritionnel/aliments-vendus-etablissements/fra/1409850385603/1409850437890.

8   Les produits de poulet crus panés et congelés qui sont préparés pour la vente dans les services alimentaires doivent également respecter une des options de contrôle de Salmonella énoncées à https://www.inspection.gc.ca/controles-preventifs/produits-de-viande/salmonella-dans-les-produits-de-poulet-crus-panes-/fra/1531254524193/1531254524999.

9   ACIA, « Activités des entreprises alimentaires qui requièrent une licence au titre du Règlement sur la salubrité des aliments au Canada » à https://www.inspection.gc.ca/licences-pour-aliments/activites-du-secteur-alimentaire/fra/1524074697160/1524074697425.



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