Cet article a été co-écrit par Louis-Martin Richer de Marsh Ltée.


Les produits d’assurance permettant d’assurer un ouvrage de construction ainsi que certains risques en découlant sont nombreux et complexes. Il peut être difficile pour les propriétaires, entrepreneurs, sous-traitants et professionnels de s’y retrouver, notamment en raison du langage technique des polices d’assurance.

Néanmoins, ces assurances sont une considération essentielle pour tout chantier de construction. Pour le propriétaire, elles permettent de disposer rapidement des fonds, sous forme d’indemnité d’assurance, pour reconstruire l’ouvrage en cas de sinistre, en limitant les recours devant les tribunaux. Pour les entrepreneurs, sous-traitants et professionnels, les assurances permettent de couvrir certains risques qui relèvent de leur responsabilité. 

Voici un aide-mémoire pour y voir plus clair en regard des produits d’assurance généralement souscrits pour couvrir un ouvrage en construction. 

Assurance chantier – Couvre les dommages matériels à l’ouvrage lui-même 

  • L’assurance chantier est une assurance biens de type « tous risques ». Autrement dit, elle couvre les dommages matériels à l’ouvrage en construction découlant d’un sinistre couvert, c.-à-d. tous les risques sauf ceux spécifiquement exclus. Elle porte plusieurs noms, dont assurance des chantiers, Builder’s Risk, Course of construction (ou COC). 
  • Généralement, elle couvre un chantier de construction donné, désigné par une adresse. Pour certains types de projets à ampleur limitée, il est possible de souscrire une police d’assurance chantier globale, qui couvrira plusieurs emplacements désignés. 
  • Sa limite de garantie est habituellement la pleine valeur des travaux de construction, soit la somme de tous les contrats qui entrent dans la construction de l’ouvrage, incluant certains frais afférents (soft costs). Ainsi, en cas de sinistre couvert, le propriétaire disposera des fonds nécessaires aux fins de la reconstruction de l’ouvrage. 
  • L’assurance chantier est en vigueur durant la période de construction seulement. Normalement, sa période d’assurance est celle de la durée du chantier. Le libellé de la police peut toutefois varier considérablement quant à la fin de la couverture (30 jours après l’acceptation sans réserve, période d’essai et de mise en service, correction des déficiences, etc.). Il est impératif de s’intéresser et de circonscrire la date de fin de l’assurance chantier au moment de sa souscription et en cours de projet, surtout dans les projets avec stratégie d’approvisionnement par lots, puisque l’assurance chantier n’indemnisera que si le sinistre survient pendant qu’elle est en vigueur. L’élément temporel revêt une importance capitale, notamment dans le cadre de projets de construction déployés par lots. 
  • Tous les intervenants au projet sont des assurés en vertu de l’assurance chantier en ce qui concerne leurs activités sur le site, dont le propriétaire et les entrepreneurs, sous-traitants, professionnels et fournisseurs. Il demeure une bonne pratique, particulièrement pour les sous-traitants, de vérifier leur statut d’assuré. 
  • Concrètement, s’il survient un sinistre au projet lors de sa construction, les intervenants se tournent d’abord vers l’assurance chantier afin de départager ce qui est couvert de ce qui ne l’est pas et pour obtenir une indemnité d’assurance en conséquence. 
    • Pour les dommages couverts, l’assureur chantier verse l’indemnité et ne dispose d’aucun recours subrogatoire contre ses assurés, peu importe qu’ils soient des assurés nommés, désignés ou même innomés1. Aucun recours judiciaire n’est pris par les parties, sauf en cas de désaccord avec l’assureur chantier quant aux dommages couverts. 
    • Pour les dommages non couverts, le propriétaire devra entreprendre les recours appropriés contre les parties responsables. 
  • Ainsi, en ce qui concerne les dommages couverts résultant des activités de construction en chantier, souscrire une assurance chantier équivaut à mettre en place un régime « sans égard à la faute ». Toute indemnité versée par l’assurance chantier est une perte nette pour l’assureur, vu l’absence de recours subrogatoire contre l’assuré responsable, et les parties elles-mêmes renoncent par la même occasion à se poursuivre entre elles pour ces dommages2
  • L’assurance chantier, comme tout produit d’assurance, comporte des exclusions. La plus importante est la clause d’exclusion pour défaut, que ce soit un défaut d’exécution, de matériaux ou de conception. La plupart des polices d’assurance chantier ne couvrent que les dommages matériels résultant d’un défaut, et non la correction du défaut lui-même. En pratique, cette distinction est souvent difficile à faire et génère son lot de différends. 
  • Pour cette raison, les assureurs offrent toute une gamme d’exclusions pour défaut, de portée très large à portée très circonscrite (clauses LEG et clauses DE), à différents coûts. En fonction de la complexité technique du projet, le propriétaire pourra décider de se prévaloir de l’une ou de l’autre des clauses disponibles sur le marché. Comprendre la portée des différentes clauses d’exclusion pour défaut est essentiel pour tous les intervenants puisque la plupart des sinistres découlent d’un défaut, peu importe sa forme.  
  • L’assurance chantier comporte une panoplie d’extensions de garantie et de sous-limites. Par exemple, il est possible d’y greffer une garantie de type « retard sur le démarrage » pour couvrir les pertes de profits résultant des délais à la suite d’un sinistre qui retardent la mise en service d’un ouvrage. Les biens entreposés ailleurs que sur le site, tout comme les biens en transit (par voie terrestre), sont généralement couverts en vertu d’une sous-limite. 
  • Finalement, l’assurance chantier ne couvre pas les structures existantes, sauf si une valeur est attribuée à celles-ci à la souscription. Elle ne couvre que l’ouvrage en cours de construction puisqu’elle est souscrite en fonction de la valeur des travaux de construction.
  • Ainsi, dans la cadre de travaux d’agrandissement, de rénovation et de réfection, lorsqu’il est probable que les structures existantes soient endommagées par un sinistre en chantier, les parties pourraient également vouloir assurer ces structures en vertu de l’assurance chantier, en tout ou en partie, pour se prévaloir du régime sans faute. 

Assurance responsabilité civile globale de chantier (« wrap-up ») – Couvre les dommages matériels ou le préjudice corporel causés aux tiers

  • L’assurance responsabilité civile globale de chantier (« wrap-up ») est une assurance responsabilité. Elle vise à indemniser les tiers pour les dommages matériels et le préjudice corporel qui leur sont causés des suites des activités de construction sur un chantier donné.
  • L’assurance « wrap-up » comporte essentiellement la même garantie d’assurance qu’une police d’assurance responsabilité civile des entreprises. Mais elle s’en distingue à deux chapitres :
    • comme l’assurance chantier, elle couvre un chantier de construction donné, désigné par une adresse. Ainsi, sa limite de garantie est spécifiquement dédiée à indemniser les tiers pour les dommages matériels et le préjudice corporel causés par les activités de construction d’un projet donné;
    • comme l’assurance chantier, tous les intervenants au projet sont des assurés en vertu de l’assurance « wrap-up » en ce qui concerne leurs activités en chantier, ce qui inclut les entrepreneurs, propriétaire, sous-traitants, professionnels et fournisseurs. Encore ici, il demeure une bonne pratique, particulièrement pour les sous-traitants, de vérifier leur statut d’assuré.
  • L’assurance « wrap-up » procure donc un double avantage à toutes les parties :
    • la limite de garantie est entièrement dédiée aux dommages causés aux tiers des suites des activités de construction d’un ouvrage donné – elle n’est pas partagée avec les autres projets auxquels pourraient participer les assurés;
    • tous les intervenants sont assurés aux termes d’une même police d’assurance responsabilité, d’où l’expression « wrap-up » – pour le propriétaire, il n’a à souscrire ou à demander qu’une seule police et il n’y a qu’un seul assureur qui intervient en cas de responsabilité civile, ce qui limite les recours et favorise les règlements.
  • Quant à la limite de garantie de l’assurance « wrap-up », elle sera établie en fonction du risque de causer des dommages à des tiers. Par exemple, plus l’ouvrage en construction est situé dans un lieu urbain, dense et fortement peuplé, plus le risque d’endommager un édifice voisin augmente, par exemple des suites d’un incendie qui se propage, et plus la limite de garantie sera élevée.   
  • Comme l’assurance chantier, l’assurance « wrap-up » est en vigueur durant la période de construction et comporte également une période de couverture pour le risque de travaux complétés (généralement de 24 mois). Or, puisque le libellé peut varier considérablement quant à la fin de la couverture et n’est pas nécessairement le même que l’assurance chantier, il est tout aussi impératif de s’intéresser et de circonscrire la date de fin de l’assurance « wrap-up » au moment de sa souscription et en cours de projet puisque l’assurance « wrap-up » n’indemnisera que si le dommage matériel ou le préjudice corporel survient pendant qu’elle est en vigueur3.
  • Les exclusions principales de l’assurance « wrap-up » comprennent, entre autres :
    • l’exclusion pour les dommages à l’ouvrage en construction lui-même – en effet, durant la période de construction, le projet assuré est couvert par l’assurance chantier, et non pas par l’assurance « wrap-up » – cette exclusion est toutefois supprimée en ce qui concerne la garantie pour le risque de travaux complétés puisque, à ce moment, l’assurance chantier n’est plus en vigueur;
    • l’exclusion pour « vos produits » et « vos travaux », qui visent à éliminer toute couverture pour la reprise des travaux ou le remplacement des produits d’un assuré;
    • l’exclusion pour les dommages qui résultent de services professionnels, ceux-ci devant être couverts par une assurance responsabilité professionnelle (et non civile). 

Assurance responsabilité professionnelle – Couvre les dommages causés aux tiers des suites d’actes professionnels

  • L’assurance responsabilité professionnelle est une assurance responsabilité. Elle vise à indemniser les tiers pour les conséquences pécuniaires résultant de leurs services professionnels (ceux rendus tout comme ceux omis).
  • Contrairement à l’assurance chantier et à l’assurance « wrap-up », l’assurance responsabilité n’assure pas tous les intervenants au chantier mais uniquement les professionnels qui y sont désignés nommément, pour les gestes décrits.
  • Cette police peut viser un projet donné (Project-Specific Professional Liability ou PSPL), auquel cas sa limite sera dédiée à indemniser les tiers pour les conséquences pécuniaires causées par les actes professionnels posés en lien avec un chantier donné. Dans ce cas, elle sera en vigueur durant la même période que l’assurance chantier et la garantie de base de l’assurance « wrap-up ».
  • Elle peut également être générale et couvrir toutes les activités d’une firme de professionnels donnée, auquel cas sa limite sera partagée entre plusieurs projets et sa période sera d’un an, renouvelable.
  • Contrairement à l’assurance « wrap-up », l’assurance responsabilité professionnelle ne couvre pas uniquement les dommages matériels ou le préjudice corporel, mais bien toutes les conséquences pécuniaires découlant d’une faute professionnelle. En ce sens, la couverture qu’elle offre est plus large et comporte moins d’exclusions, au bénéfice des tiers.
  • Toutefois, il s’agit d’une police déclenchée sur la base de « réclamation présentée et rapportée pour la première fois » (claims made and reported) durant la période d’assurance en vigueur, ce qui constitue une condition très exigeante, surtout dans un contexte de chantier de construction.
  • Autrement dit, pour déclencher une police d’assurance responsabilité, le professionnel doit avoir reçu ET présenté la réclamation (par exemple une mise en demeure), pour la première fois, durant la période d’assurance en vigueur. Par ailleurs, le professionnel doit également déclarer à l’assureur toutes les circonstances qui pourraient raisonnablement donner lieu à une réclamation dans le futur avant chaque période de renouvellement, au risque d’être privé de couverture sur une police subséquente s’il ne le fait pas.
  • Finalement, en raison de leur mode de déclenchement, ces polices doivent comporter une période de déclaration prolongée, d’au moins trois ans, mais idéalement entre cinq et dix ans. En effet, il est possible que la réclamation du tiers soit reçue seulement une fois que l’assurance responsabilité professionnelle n’est plus en vigueur, auquel cas le professionnel se retrouverait sans couverture. La période de déclaration prolongée « étire » en quelque sorte la durée de la dernière police en vigueur, afin qu’elle réponde, selon la période convenue, pour les réclamations reçues subséquemment par le professionnel.

Bien évaluer les produits d’assurance spécifiques à votre projet de construction

Pour la rédaction des clauses d’assurance à inclure dans les contrats de construction, notamment dans le cadre d’appels d’offres publics, il y a lieu de faire appel à un avocat spécialisé en cette matière. En effet, bien que les clauses des CCDC soient généralement adéquates, elles ne prévoient que la couverture minimale et sont rédigées de manière large. Selon le projet et ses caractéristiques propres, un donneur d’ordre pourra vouloir se doter d’une couverture supérieure ou d’une couverture spécifique, en précisant contractuellement les garanties, extensions de garantie, sous-limites et exclusions requises pour son projet. 

Pour les entrepreneurs, sous-traitants et professionnels, un conseiller juridique sera à même de réviser la couverture d’assurance pour un projet donné – sur la base des clauses d’assurance prévues aux contrats mais aussi à partir du libellé des polices d’assurance effectivement souscrites – et ainsi permettre d’identifier les risques et les biens non couverts, ce qui participe à une saine gestion de risque. 

Finalement, pour la souscription des produits d’assurance et pour la gestion des réclamations, un courtier d’assurance spécialisé en construction est un allié formidable, voire incontournable. Le marché de l’assurance est en constante évolution, avec des nouvelles garanties, exclusions et exigences, notamment en matière d’assurance pollution, de retard sur le démarrage et de biens en transport. L’optimisation de la couverture et la gestion du risque financier exigent les services spécialisés offerts par les firmes de courtage, notamment en matière de surveillance des marchés, d’expertise en sinistres et de services d’ingénierie. 

Cet aide-mémoire demeure cela, un aide-mémoire.

Aux fins de la souscription des assurances pour votre projet de construction, nous vous invitons à consulter vos professionnels juridiques et en courtage d’assurance.


Notes

1   Optimum, société d'assurances inc. c Plomberie Raymond Lemelin inc., 2009 QCCA 416.

2   Commonwealth Construction Co. Ltd. c Imperial Oil Ltd., 1976 CanLII 138 (CSC), [1978] 1 RCS 317 ; Axa Assurances inc. c Valko Électrique inc., 2008 QCCA 2414.

3  

Compagnie d'assurances Missisquoi c Constructions Reliance inc. (Construction Reliance du Canada ltée), 2018 QCCS 1049.



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