Le 2 juin 2022, l'Assemblée nationale du Québec a sanctionné la Loi visant principalement à promouvoir l'achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d'intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l'Autorité des marchés publicsProjet de loi 12 »), apportant notamment des modifications importantes à la Loi sur les contrats des organismes publics (« LCOP»).

Le Projet de loi 12 prévoit un élargissement des pouvoirs de l’Autorité des marchés publics (« AMP », soit l’organisme chargé de surveiller les marchés publics au Québec), laquelle possède dorénavant tous les pouvoirs nécessaires à la vérification de l’intégrité de toute entreprise partie à un contrat ou sous-contrat public ainsi que toute entreprise détenant une autorisation de contracter, et ce, en obligeant notamment les entreprises assujetties à sa surveillance à fournir toute information requise par l’AMP sous peine de sanctions administratives.

Le présent bulletin résume les principales modifications prévues dans le Projet de loi 12, les dernières étant entrées en vigueur le 2 juin 2023. Sauf indication contraire, les modifications ci-après sont en vigueur depuis la date de la sanction, soit le 2 juin 2022.


Autorisation émise par l’AMP

  • Entreprise autorisée à la date du dépôt de sa soumission : Une entreprise qui répond à un appel d’offres en vue de réaliser un contrat ou sous-contrat public doit être autorisée à la date du dépôt de sa soumission. Les organismes publics1 ne pourront désormais plus prévoir une date ultérieure.
  • Autorisation dans le cas d’un consortium : L’obligation de détenir l’autorisation s’applique à chaque entreprise composant le consortium, en plus du consortium lui-même, mais seulement s’il prend la forme juridique d’une société en nom collectif ou d’une société en commandite.
  • Déclaration d’intégrité : Une entreprise intéressée à conclure un contrat public doit dorénavant, au moyen d’une déclaration écrite, reconnaître avoir pris connaissance des exigences d’intégrité et s’engager à prendre toutes les mesures nécessaires pour y satisfaire pendant toute la durée du contrat. Cette déclaration doit être produite au moment du dépôt d’une soumission.
  • Autorisation expirée ou suspendue / entreprise qui ne satisfait pas aux exigences d’intégrité : L'entreprise n’ayant pas d’autorisation valide ou ne satisfaisant pas aux exigences d’intégrité doit poursuivre l'exécution de tout contrat ou sous-contrat public, mais doit se soumettre aux mesures de surveillance imposées par l’AMP. L’exécution du contrat doit toutefois cesser à la demande de l'organisme public.
  • Définition du contrôle de facto : Dans le cadre de son analyse de l’intégrité d’une entreprise, l’AMP peut également examiner l’intégrité des personnes ou entités ayant un contrôle juridique ou de facto de l’entreprise. Un contrôle juridique ou de facto peut être établi, entre autres, sur la base d’une participation à un exercice concerté de droits dans l’entreprise ou de pouvoirs sur celle-ci. Chacun des participants est alors présumé être le détenteur du contrôle même si aucun de ceux-ci ne l’était à lui seul.
  • Imposition de mesures correctrices : Avant de refuser la demande ou le renouvellement de l'autorisation, l'AMP peut imposer des mesures correctrices qui permettraient à l'entreprise de satisfaire aux exigences d'intégrité.
  • Annulation ou suspension d’une autorisation : L’AMP peut annuler la demande d’autorisation ou suspendre l’autorisation d’une entreprise n’ayant pas communiqué les renseignements ou documents exigés par l’AMP.
  • Prolongation de la durée de l’autorisation (en vigueur le 2 juin 2023) : La durée de la validité d’une autorisation est modifiée à cinq ans. La durée des autorisations toujours en vigueur au 2 juin 2023 a automatiquement été prolongée de deux ans. Un courriel confirmant cette prolongation a été envoyé par l’AMP à tous les répondants des entreprises autorisées au 2 juin 2023.
  • Nouvelle obligation d’effectuer une mise à jour annuelle (en vigueur le 2 juin 2023) : Les entreprises autorisées doivent transmettre une demande de mise à jour annuelle au cours de la période débutant 45 jours avant la date d’anniversaire de la délivrance de leur autorisation et se terminant à la date d’anniversaire de l’autorisation. À cette fin, les entreprises indiquent à l’AMP que leurs liens d’affaires déclarés (c.-à-d. dirigeants, actionnaires, administrateurs, établissements, prêteurs, etc.) sont à jour ou apportent les modifications requises avant de déposer la demande de mise à jour annuelle. La première mise à jour devra être effectuée entre le 2 juin et le 2 juillet 2023.
  • Modification aux renseignements (en vigueur le 2 juin 2023): L’échéance pour aviser l’AMP de toute modification aux renseignements transmis a été modifié à 30 jours suivant la date de la modification. En plus de la mise à jour annuelle, les entreprises doivent effectivement continuer à notifier l’AMP des changements aux renseignements déjà transmis.

Pouvoirs accrus de l’AMP

L’AMP dispose d’un pouvoir de surveillance sur toute entreprise partie à un contrat ou sous-contrat public ainsi que toute entreprise autorisée. Pour assurer cette surveillance, l’AMP peut effectuer des vérifications en tout temps ou entreprendre un examen de l’intégrité de l’entreprise.

Pouvoir de vérification

L’AMP possède dorénavant tous les pouvoirs nécessaires pour vérifier l’intégrité de toute entreprise partie à un contrat ou sous-contrat public ainsi que toute entreprise autorisée. L’AMP peut, dans le cadre de ses vérifications :

  • enquêter sur toute question se rapportant à sa mission de surveillance des contrats publics;
  • exiger de l’entreprise visée ainsi que des personnes ou entités qui en ont le contrôle qu'elles lui transmettent les documents et les renseignements jugés utiles;
  • pénétrer, à toute heure raisonnable, dans l'établissement de l'entreprise visée ou dans tout autre lieu dans lequel peuvent être détenus des documents ou des renseignements pertinents;
  • exiger des personnes présentes sur ces lieux de fournir tout renseignement pertinent;
  • utiliser tout matériel informatique sur ces lieux pour accéder à des données;
  • requérir des commissaires associés aux vérifications, selon la Loi concernant la lutte contre la corruption, qu’ils effectuent la surveillance et vérification d’une entreprise soumise à l’AMP.

Examen de l’intégrité d’une entreprise

L’examen de l’intégrité d’une entreprise peut porter sur tout élément pouvant être considéré dans le cadre d’une décision sur une demande d’autorisation. L’AMP peut entreprendre un examen d’intégrité en transmettant un avis à l’entreprise concernée mentionnant 

  • les renseignements que l’entreprise doit fournir à l’AMP et le délai imparti pour les fournir;
  • tout renseignement détenu par l’AMP qui est susceptible de démontrer que l’entreprise ne satisfait pas aux exigences d’intégrité;
  • le délai imparti accordé à l’entreprise pour présenter ses observations à l’égard de ces renseignements.

Au terme de son examen, si l'AMP estime que l'entreprise ne satisfait pas aux exigences d'intégrité, elle doit le notifier par écrit à l'entreprise et lui donner au moins 10 jours pour compléter le dossier et/ou fournir des observations écrites. 

À la suite d'une décision statuant qu'une entreprise ne satisfait pas aux exigences d'intégrité requises, l'AMP doit imposer à cette entreprise l'application de toute mesure correctrice lui permettant de satisfaire à ces exigences. Ces mesures correctrices, qui sont d’ailleurs aux frais de l’entreprise, sont adaptées à la situation de l’entreprise une fois que cette dernière a pu faire valoir ses observations.

À défaut pour l’entreprise de mettre en œuvre les mesures correctrices, l’AMP inscrit l’entreprise de façon provisoire au registre des entreprises inadmissibles aux contrats publics (« RENA »). Si l’entreprise ne remédie pas au défaut dans les trois mois suivant son inscription, elle est alors inscrite de façon définitive au RENA. Elle est également inscrite au RENA si aucune mesure correctrice ne peut être prise.

Nouvelles sanctions administratives

Depuis le 2 juin 2023, l’AMP peut imposer une sanction administrative si :

  • une entreprise inadmissible (10 000$2) ou sans autorisation (7 000$) soumissionne pour un contrat ou sous-contrat public ou conclut un tel contrat ou sous-contrat;
  • une entreprise conclut un sous-contrat avec une entreprise inadmissible (10 000$) ou sans autorisation (7 000$) dans le cadre de l’exécution d’un contrat public;
  • une entreprise a une autorisation qui expire alors qu’elle exécute un contrat ou sous-contrat public (2 500$);
  • une entreprise omet ou refuse de transmettre les renseignements ou documents requis par l’AMP alors qu’elle est partie à un contrat ou sous-contrat public ou qu’elle a une autorisation (4 000$ ou 2 000$, selon le contexte);
  • une entreprise omet ou refuse de transmettre les renseignements et documents exigés dans le cadre d’une mise à jour annuelle (4 000$);
  • une entreprise fait défaut de se soumettre aux mesures de surveillance ou d’accompagnement imposées par l’AMP (4 000$);
  • une entreprise omet ou refuse de confirmer l’authenticité des documents ou la véracité des renseignements communiqués à l’AMP (1 000$).

Lorsque des sanctions sont imposées par l’AMP, les considérations suivantes sont importantes :

  • Responsabilité des dirigeants et administrateurs : Les administrateurs et dirigeants seront solidairement tenus au paiement de la sanction lorsque l’entreprise fait défaut de paiement, sauf s’ils prouvent leur prudence et diligence.
  • Sanctions garanties par hypothèque légale : Le montant de la sanction est garanti par une hypothèque légale sur les biens meubles et immeubles de l’entreprise et de chacun des administrateurs et dirigeants tenus solidairement au paiement de la sanction.
  • Registre public des sanctions : L’AMP tiendra un registre public de renseignements relatifs aux sanctions administratives pécuniaires qui devra contenir notamment la date et la nature du manquement, la sanction imposée et le nom de l’entreprise.
  • Demande de révision d’une sanction : L’entreprise peut demander, par écrit à l’AMP, un réexamen de la décision imposant une sanction administrative dans les 30 jours suivant sa notification. La décision lors du réexamen doit être motivée et notifiée à l’entreprise en mentionnant le droit de la contester devant le Tribunal administratif du Québec.
  • Une sanction peut être imposée pour chaque jour où un manquement se poursuit : Les sanctions peuvent rapidement devenir substantielles, puisque chaque jour additionnel durant lequel un même manquement se poursuit peut être considéré comme un manquement nouveau et distinct.

Notes

1 Les organismes publics sont définis à l’article 4 de la LCOP. Certaines modifications mentionnées dans le présent bulletin visent également les entreprises du gouvernement mentionnées à l’article 7 de la LCOP. 

2 Les montants des sanctions administratives indiqués sont fixés par le Règlement déterminant les droits exigibles des entreprises pour l’application du chapitre V.1 de la Loi sur les contrats des organismes publics relatif à l’intégrité des entreprises ainsi que les montants des sanctions administratives pécuniaires pouvant être imposées par l’AMP des marchés publics et sont applicables à tout type d’entreprise, sauf une entreprise individuelle. Dans le cas d’une entreprise individuelle, les montants sont moindres.



Personnes-ressources

Avocate senior
Associée

Publications récentes

Abonnez-vous et restez à l’affût des nouvelles juridiques, informations et événements les plus récents...