La Cour supérieure octroie plus de 1,2 M$ en dommages-intérêts à une victime d’une chute malgré une condition médicale préexistante

Mondial Publication Juillet 2016

La Cour supérieure a rendu, le 30 mars 2016, un jugement dans lequel elle a accordé plus de 1,2 M$ à un homme maintenant paralysé en raison d’une chute dans le stationnement de son logement1. La Cour s’est par le fait même prononcée sur la doctrine de la vulnérabilité de la victime, aussi connue sous le nom de la « thin skull rule », puisque la victime souffrait d’une condition préexistante grave qui a pu contribuer aux dommages qu’elle a subis.
 


Les faits

Le matin du 28 décembre 2006, Jacques Guichard (Guichard) devait déneiger son véhicule avant de se rendre au travail. Il a réussi à nettoyer le capot et le toit sans problème, mais, alors qu’il se mettait à déneiger la lunette arrière, il a glissé sur une plaque de glace cachée sous la neige et est tombé. Il a essayé de se relever deux fois, mais est retombé chaque fois, avant de finalement réussir à entrer dans l’automobile en rampant.

Dans les semaines qui suivent l’incident, Guichard a commencé à sentir qu’il perdait le contrôle de ses membres. Il a ensuite été hospitalisé et, en février 2007, il a été opéré à la colonne vertébrale. À partir de ce moment, il n’a jamais plus été en mesure de marcher. Ses jambes ainsi que son bras droit sont maintenant paralysés, alors que son bras et sa main gauches fonctionnent à 40 % de leur capacité.

Guichard a intenté une poursuite contre le propriétaire de son logement, le Domaine de Parc Cloverdale. Ce dernier a ensuite appelé en garantie Daniel Da Silva (Da Silva), l’entrepreneur en déneigement qu’il avait engagé pour l’hiver.

La faute

À l’audition, Guichard plaidait que sa chute était due à la négligence dont avait fait preuve le propriétaire de l’immeuble pour l’entretien du stationnement. Il était en effet prévu au bail que c’était au propriétaire que revenait l’obligation de déneiger le stationnement. Pour ce faire, ce dernier avait engagé Da Silva, l’entrepreneur en déneigement. Toutefois, il fut admis qu’il n’était pas demandé à Da Silva d’épandre de l’abrasif entre les voitures stationnées. La responsabilité de Da Silva n’a donc pas été retenue dans cette affaire.

La preuve a démontré qu’il y avait des trous au niveau du pavage du stationnement ainsi qu’un problème de drainage, ce qui permettait l’accumulation de l’eau et, par le fait même, la formation de glace. Le juge Mark G. Peacock de la Cour supérieure a donc considéré que le propriétaire de l’immeuble aurait dû porter une attention particulière à ce problème, puisqu’il était au courant de la situation ainsi que des conditions météorologiques.
 

La condition préexistante de la victime

Le propriétaire de l’immeuble, en défense, niait toute responsabilité et plaidait, entre autres, que c’était plutôt la condition préexistante de Guichard qui était la cause des dommages faisant l’objet du recours. En effet, Guichard a souffert de paralysie cérébrale lorsqu’il était plus jeune. Même s’il était, avant l’accident, en assez bonne condition physique pour pouvoir pratiquer des activités comme la marche et le vélo, il marchait avec une certaine instabilité et devait s’aider d’une canne lorsqu’il se déplaçait sur plus d’un kilomètre. Selon les médecins experts au procès, il aurait donc été probable que Guichard, même sans tomber sur la glace, souffre éventuellement de myélopathie cervicale progressive et puisse se retrouver paralysé à l’âge de 50 ans. Un des experts a toutefois fait valoir que, si Guichard n’avait pas chuté, la détérioration de sa santé aurait pu être empêchée grâce à une opération comme la laminectomie.

La Cour devait donc déterminer si c’était la chute qui avait causé les dommages dont souffre aujourd’hui Guichard. En l’espèce, même s’il était probable que la condition de Guichard entraînerait éventuellement une paralysie, celle-ci aurait pu être évitée grâce à une opération. Pour cette raison, la Cour a donc conclu que Guichard n’aurait pas subi les dommages faisant l’objet du litige s’il n’était pas tombé le matin du 28 décembre 2006.
 

Les dommages

La Cour a condamné le propriétaire de l’immeuble à payer à Guichard un total de 1 234 820,49 $ en dommages. Des montants de 459 731,00 $ pour la perte de revenus passés et de 538 129,00 $ pour la perte de revenus futurs ont été accordés. La Cour a aussi mentionné qu’elle octroyait des dommages non pécuniaires de 218 795,00 $, même si ce montant ne semble pas avoir été repris dans les conclusions du jugement. Les frais des deux experts du demandeur, équivalant à 18 165,49 $, ont également été accordés, de même que les frais judiciaires.
 

Conclusion

Cette décision de la Cour supérieure vient rappeler le principe voulant que la victime doit toujours être prise dans l’état où elle se trouve au moment de l’accident. La condition préexistante de la victime aura donc peu de poids lors de la détermination par un tribunal de la causalité et du montant des dommages à accorder.
 

Note

1. Guichard c. Domaine de Parc Cloverdale, 2016 QCCS 1384.



Personne-ressource

Cochef mondial – sciences de la vie et soins de santé; Associé

Publications récentes

Abonnez-vous et restez à l’affût des nouvelles juridiques, informations et événements les plus récents...