Le 21 septembre dernier, la ministre des Finances a déposé le projet de loi C-56 qui comprend, entre autres, des propositions de modification à la Loi sur la concurrence (Loi), notamment i) l’extension des pouvoirs contraignants du commissaire de la concurrence, exercés sous réserve d’ordonnances judiciaires, de façon à inclure les études de marché menées à la demande du gouvernement, ii) l’autorisation accordée du Tribunal de la concurrence (Tribunal) de rendre certaines ordonnances si l’un des objets importants d’un accord ou d’un arrangement vise à empêcher ou à diminuer la concurrence dans un marché, même si les parties à cet accord ou arrangement ne sont pas des concurrents, et iii) l’abrogation de l’exception relative aux gains en efficience entraînés par des fusionnements1.

Le dépôt de ce projet de loi intervient après la récente annonce du premier ministre selon laquelle le gouvernement avait l’intention de présenter une première série de modifications législatives à la Loi2. Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie (ministre d’ISDE) avait également fait part de son intention de procéder à un examen de la Loi3. Le gouvernement du Canada a ainsi lancé un processus de consultation dans le cadre de l’examen de la Loi et publié à cet effet un document de discussion sur la modernisation de la Loi le 17 novembre 20224. Le processus de consultation a pris fin le 31 mars 2023 et le gouvernement a publié un rapport résumant les commentaires reçus et présentant quelques considérations soulevées5.

La première salve des modifications ciblées visant la Loi a reçu la sanction royale en juin 20226.

Voici les propositions de modifications du projet de loi C-56 :

  • Pouvoirs contraignants concernant les études de marché
    • Le ministre d’ISDE sera habilité à ordonner au commissaire de la concurrence de mener une étude de marché/du secteur.
    • Le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») aura la possibilité d’obtenir une ordonnance ex parte en vertu de l’article 11 de la Loi afin d’obliger une entreprise ou une personne à fournir des renseignements aux fins d’une étude de marché menée par le Bureau.
      • Pour rendre une ordonnance en vertu de l’article 11, le tribunal doit être convaincu que l’entreprise ou la personne détient vraisemblablement des renseignements pertinents à l’enquête en question.
      • Les ordonnances en vertu de l’article 11 peuvent pousser une personne ou une entreprise i) à assister à une déposition menée par le Bureau sur n’importe quelle question pertinente à l’enquête, ii) à produire des documents ou iii) à fournir une déclaration écrite en réponse aux questions visées par l’ordonnance.
  • Abrogation de la défense fondée sur les gains d’efficience
    • Les propositions de modification abrogeraient l’article 96 de la Loi, aussi connu sous le nom de « défense fondée sur les gains en efficience ». Cette défense permet de protéger les fusionnements qui ont eu pour effet ou auront vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer la concurrence s’ils ont entraîné ou entraîneront vraisemblablement des gains en efficience surpassant et neutralisant tout effet anti-concurrentiel.
    • Le document de discussion publié parallèlement au processus de consultation en vue de l’examen de la Loi abordait la possibilité de restreindre l’application de la défense fondée sur les gains en efficience aux situations dans lesquelles le fusionnement ne causerait pas de préjudice aux consommateurs ou aux fournisseurs. La proposition de modification du projet de loi C-56 va bien plus loin en supprimant tout bonnement l’article dans son intégralité.
    • La disposition transitoire du projet de loi C-56 établit que l’article 96 de la Loi continuera de s’appliquer aux transactions proposées pour lesquelles l’avis visé par la Loi a été donné avant l’entrée en vigueur des modifications ainsi qu’à l’égard des fusionnements essentiellement réalisés.
  • Ordonnances civiles contre les collaborations qui diminuent ou empêchent la concurrence, même entre non-concurrents
    • Les propositions de modification permettraient au Tribunal de rendre une ordonnance en vertu du paragraphe 90.1 de la Loi interdisant aux parties d’accomplir des actes ou les obligeant à en accomplir s’il estime que l’un des objets importants de l’accord ou de l’arrangement en question, ou d’une partie de celui-ci, est d’empêcher ou de diminuer la concurrence dans un marché. Le Tribunal pourrait rendre une ordonnance même si aucune des parties à l’accord ou à l’arrangement n’est un concurrent.
    • La proposition de modification de l’article 90.1 de la Loi entrerait en vigueur un an à compter du jour où les modifications recevront la sanction royale.

Principaux points à retenir

Le projet de loi C-56 a été déposé une semaine après l’annonce du premier ministre selon laquelle le gouvernement avait l’intention d’apporter des modifications supplémentaires à la Loi, ce qui laisse penser que ce dernier prévoit mettre en œuvre les propositions de modification le plus rapidement possible. Le projet de loi sera débattu et révisé en comité à la Chambre des communes et au Sénat.

Il convient de noter que ces modifications ne seront probablement pas les dernières à être apportées à la Loi et que d’autres devraient être annoncées dans le cadre de « l’examen approfondi » de plus grande ampleur du régime de la concurrence au Canada. Nous continuerons de suivre l’évolution de la situation dans ce domaine et fournirons une analyse de toute modification à la loi additionnelle.




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Associé, chef canadien, Droit antitrust et droit de la concurrence

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