Dans sa récente décision dans l’affaire Mohammad1, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que l’obligation d’un assuré de faire une divulgation franche et complète demeure entière. Tous les faits qui sont essentiels quant au risque assuré doivent être divulgués par l’assuré lorsqu’il fait une demande, et ce, même en l’absence de questions précises à propos de risques précis.

Contexte

L’assuré dans l’affaire Mohammad avait auparavant été membre d’un groupe terroriste. Il avait participé à l’attaque d’un avion civil en 1968 pendant laquelle il avait « lancé des grenades et tiré des coups de feu en direction des occupants », actions qui lui avaient valu différentes condamnations au criminel (dont celle d’homicide involontaire) en Grèce. L’assuré a été libéré de prison, puis est ensuite venu au Canada de façon frauduleuse, en utilisant un nom d’emprunt.

Pendant qu’il était au Canada, l’assuré a fait une demande d’assurance vie afin d’obtenir un prêt hypothécaire. La demande ne comportait aucune question sur la citoyenneté ou le statut de résident ni sur des crimes ou des condamnations au criminel. Cependant, la demande incluait un énoncé général selon lequel l’assureur « exigeait des réponses exactes et complètes pour fournir l’assurance… ». 

L’assuré a déclaré qu’il venait « tout juste d’arriver au Canada en provenance de l’Espagne », mais a toutefois omis de divulguer ses activités antérieures.

L’assuré a été expulsé du Canada en 2013. Il est décédé en 2015. Sa conjointe a par la suite fait une réclamation aux termes de la police d’assurance vie. L’assureur a refusé la réclamation, ce qui a amené la veuve de l’assuré à intenter une action en justice.

Des requêtes en jugement sommaire ont été intentées par les deux parties et, en première instance, un jugement a été rendu contre l’assureur, qui a fait appel de la décision.

Décision en appel

La Cour d’appel de l’Ontario a conclu que le juge de première instance avait commis une erreur manifeste et déterminante. L’assuré avait omis de révéler des faits qui étaient essentiels quant au risque (en l’espèce, le fait que ses activités criminelles antérieures et son entrée illégale au Canada pouvaient entraîner un risque sérieux de préjudice physique en cas d’expulsion) alors que l’assureur n’avait aucun motif raisonnable de soupçonner que des renseignements essentiels lui avaient été cachés. L’omission par l’assuré de révéler des faits essentiels était contraire tant à sa police d’assurance qu’à son obligation de divulgation en vertu de la loi applicable2

Mais le fait le plus important, sans doute, était que l’absence de questions précises dans le formulaire de demande n’éteignait pas l’obligation de divulgation du défunt. Ce dernier savait pertinemment que ses activités antérieures mettaient sa vie en danger et il avait caché son passé à son assureur de façon intentionnelle et frauduleuse. 

Conclusion 

Malgré les faits inhabituels dans cette affaire, Mohammad aborde un important principe d’application général en droit des assurances concernant les obligations de divulgation des assurés. Il s’agit d’un principe bien établi en droit des assurances qui veut qu’un demandeur doit divulguer tout renseignement essentiel à l’assurance visée par la demande, et cette affaire confirme que le principe s’applique sans égard au fait qu’une question précise soit posée ou non dans le formulaire de demande.

Les services d’un conseiller juridique en assurances devraient être retenus sans tarder dès qu’un fait non divulgué pouvant être essentiel quant à un risque assuré est découvert.


Notes

1   Mohammad v The Manufacturers Life Insurance Company, 2020 ONCA 57.

2   Loi sur les assurances, LRO 1990, c I.8, a 183(1).



Personnes-ressources

Conseil
Cochef mondial – sciences de la vie et soins de santé; Associé
Associée

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