Le 24 avril dernier, le ministre du Travail du Québec, M. Jean Boulet, a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi no 101, intitulé « Loi visant l’amélioration de certaines lois du travail » (projet de loi 101). Ce nouveau texte législatif vise à modifier plusieurs régimes juridiques d’importance en droit du travail et de l’emploi, notamment la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles1 (LATMP), le Code du travail2 (Ct) et la Loi sur les normes du travail3 (LNT), la Loi sur la santé et la sécurité du travail4 (LSST) et la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail5 (LMRSST).

Le projet de loi 101 propose diverses modifications qui touchent, entre autres, à la procédure d’arbitrage de griefs, à la transparence syndicale, à la prévention en matière de santé et de sécurité ainsi qu’aux procédures de règlement des conflits. 

Nous discuterons brièvement ci-dessous des principales modifications proposées. Notez que le projet de loi 101 est toujours au premier stade de la présentation et qu’il pourrait faire l’objet de modifications avant son adoption. En outre, la date de son entrée en vigueur n’est pas encore déterminée.


Modifications au Code du travail

Se voulant en quelque sorte une réponse aux problématiques de délai et d’efficience de l’arbitrage de griefs, le projet de loi 101 introduit tout d’abord des mesures visant à accélérer et à resserrer le processus, notamment ce qui suit :

  1. Si un arbitre de grief n’est pas désigné dans les six (6) mois suivant le dépôt du grief, la partie qui l’a déposé devra désormais, dans les dix (10) jours suivant l’expiration du délai de six (6) mois, demander au ministre de procéder à la nomination d’un arbitre. À défaut, elle sera réputée s’être désistée de son grief.
  2. L’audition du grief devra débuter au plus tard un (1) an après son dépôt, à moins que l’arbitre ne permette une prolongation sur demande des parties. Cette prolongation devra toutefois fixer un nombre de jours précis et ne pourra être accordée qu’une seule fois. 
  3. Les parties devront dorénavant transmettre les pièces ou tout autre élément de preuve qu’elles entendent produire dans les délais convenus lors de la conférence préparatoire ou au moins trente (30) jours avant le début de l’audition, à moins qu’il n’y ait urgence ou que l’arbitre n’en décide autrement pour assurer la bonne administration de la justice. 

Autre apport majeur, le projet de loi 101 oblige les parties à envisager la médiation avant l’arbitrage et précise entre autres que, sous réserve du consentement des parties, le médiateur ne peut agir comme arbitre de grief dans le même dossier en cas d’échec de la médiation et que le contenu de la médiation n’est pas recevable en preuve.

Parallèlement, le projet de loi 101 modifie également le Ct de manière à renforcer la transparence financière des syndicats en exigeant de chaque association accréditée qu’elle présente à ses membres, tous les ans, des états financiers vérifiés et qu’elle remette gratuitement une copie de ces états à tout membre qui en fait la demande. Il prévoit en outre l’obligation, pour les centrales, fédérations, unions, confédérations ou autres, de fournir gratuitement au membre qui le demande une copie de leurs états financiers.

Modifications de la Loi sur les normes du travail

Le projet de loi 101 propose aussi diverses modifications à la LNT. Notamment, il vient consacrer le droit des salariés de s’absenter sans salaire et sans risque de perte du lien d’emploi lorsqu’ils se conforment à une recommandation, à un ordre, à une décision ou à une ordonnance émise en vertu de la Loi sur la santé publique, la Loi sur la mise en quarantaine ou encore la Loi sur les mesures d’urgence. Dans la même veine, de nouvelles dispositions visent à permettre aux réservistes des Forces armées canadiennes de s’absenter sans salaire afin de participer à des opérations à l’étranger ou pour se rétablir de problèmes de santé liés à leur service militaire.

Modifications à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

Le projet de loi 101, s’il est adopté, élargira l’application des dispositions de la LATMP aux dirigeants d’entreprise lorsque ces derniers effectuent un travail pour une personne autre que celle pour laquelle ils ont le statut de dirigeant. Il introduit également l’obligation de la CNESST d’offrir aux parties, dans certaines situations (p. ex. admissibilité de la réclamation, capacité, emploi convenable), de participer à un processus de négociation à la suite d’une demande de révision administrative.

Le projet de loi 101 revoit certaines règles relatives à la détermination du revenu brut qui est retenu aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu d’un travailleur, notamment en cas de récidive, de rechute ou d’aggravation. 

Au surplus, le projet de loi 101 prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 10 000 $ pour une personne morale qui, par exemple, contrevient aux dispositions limitant l’accès au dossier du travailleur accidenté et lorsque le dossier concerne une lésion professionnelle qui résulte de violence physique ou psychologique.

Autres changements et impacts

Outre les changements évoqués précédemment, le projet de loi 101 prévoit également une hausse substantielle des amendes prévues par la LNT et le Ct en cas d’infractions pénales. À titre d’exemple, les amendes imposées en cas de négociation de mauvaise foi passent de 100 $ à 1 000 $ par jour d’infraction à des amendes de 1 500 $ à 7 500 $ par jour d’infraction. Pour leur part, les amendes en cas de lockouts ou de grèves illégales augmentent également drastiquement, allant désormais jusqu’à 100 000 $ pour les employeurs, associations de salariés, unions, confédérations et fédérations. Autre exemple, les amendes en cas de violation par l’employeur des dispositions anti-briseurs de grève passent d’au plus 1 000 $ par jour d’infraction à des amendes entre 2 500 $ et 25 000 $ par jour d’infraction.

Finalement, le projet de loi 101 modifie la LMRSST et reporte d’un (1) an, soit au 6 octobre 2026, la date d’entrée en vigueur la plus tardive des dispositions de la LSST qui visent notamment le représentant à la prévention, le comité de santé et de sécurité et le programme de prévention. Ainsi, le régime intérimaire instauré en avril 2022 sera maintenu jusqu’au 6 octobre 2026, au plus tard, et jusqu’à l’adoption du Règlement sur les mécanismes de prévention.

Commentaires 

En définitive, s’il est adopté, le projet de loi 101 introduira des changements importants, principalement en relations de travail. 

Certaines des dispositions gagneraient toutefois à être modulées lors des travaux parlementaires afin d’en assurer la cohérence et de garantir leur efficacité pratique. 

Notamment, l’obligation de nommer un arbitre dans un délai de six (6) mois risque d’encombrer les rôles des arbitres pour des griefs qui se régleront par la suite. On peut notamment penser aux nombreuses conventions collectives prévoyant une clause d’amnistie de douze (12) mois. Afin d’assurer la protection des intérêts de leurs membres, les syndicats nommeront donc un arbitre dans l’attente de l’application de la clause d’amnistie. Si l’objectif est louable puisqu’une telle disposition forcera les parties à discuter et à tenter de régler les griefs plus rapidement afin d’éviter les nominations inutiles et les frais d’annulation subséquents, on peut penser qu’un délai d’environ douze (12) mois pourrait être préférable.  

Qui plus est, quant à l’obligation de divulgation préalable de la preuve en arbitrage de griefs, à moins que la bonne administration de la justice n’en permette autrement, nous sommes d’avis qu’il devrait être clairement indiqué qu’une telle obligation ne saurait s’appliquer en regard des éléments reliés à la crédibilité des témoins. 

Nous demeurerons donc à l’affût des changements au projet de loi à venir et veillerons à vous tenir au courant des développements pertinents. 


Notes

1   RLRQ, c. A-3.001.

2  

RLRQ, c. C-27.

3  

RLRQ, c. N-1.1.

4  

RLRQ, c. S-2.1.

5  

LQ 2021, c. 27.



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