Une société vend un immeuble affecté d’un vice caché. La responsabilité personnelle des administrateurs de cette société peut-elle être engagée?

Rappelons d’abord quelles sont les quatre conditions à respecter afin qu’un défaut soit qualifié de vice caché 1:

  • le bien doit être affecté d’un vice grave qui le rend impropre à l’usage ou en diminue grandement l’utilité; 
  • le vice doit exister au moment de la vente;
  • le vice doit être caché2; et
  • le vice doit être inconnu de l’acheteur3.

L’acheteur d’un bien affecté d’un vice caché dispose d’un recours contre le vendeur. Qu’en est-il de la responsabilité personnelle des administrateurs de la société qui a vendu l’immeuble?

À cet égard, rappelons qu’une personne morale, telle qu’une société, jouit d’une personnalité juridique distincte. Il en résulte que les actes de la société n’engagent qu’elle-même, sauf les exceptions prévues par la loi4. Par ailleurs, l’administrateur est considéré comme un mandataire de la personne morale5 et il est protégé par l’immunité du mandataire lorsqu’il agit à l’intérieur des limites de son mandat6.

Cela dit, cette immunité n’est pas absolue. Il en est ainsi notamment parce qu’un administrateur demeure assujetti aux dispositions du Code civil du Québec qui régissent la responsabilité extracontractuelle. En cette matière, toute personne est tenue de se comporter de manière à ne pas causer de préjudice à autrui7.

La jurisprudence offre certains exemples où la responsabilité extracontractuelle d’un administrateur a été retenue en raison de fausses représentations en lien avec la vente d’un immeuble affecté d’un vice caché8.

Dans certains cas, l’acheteur du bien pourra prétendre que le vendeur connaissait le vice et qu’il a volontairement provoqué une erreur dans l’esprit de l’acheteur pour le pousser à conclure la transaction ou à la conclure à des conditions différentes de celles auxquelles il aurait consenti s’il avait connu la condition véritable du bien9. Il s’agit d’un dol qui peut résulter du silence, d’une réticence ou d’un mensonge.

En pareilles circonstances, l’acheteur peut disposer d’un recours contre la société sur la base des règles applicables au dol, en plus de celles qui sont applicables à la garantie légale de qualité.

L’acheteur peut également disposer d’un recours contre le ou les administrateurs qui sont personnellement à l’origine du dol. La doctrine et les tribunaux considèrent généralement que l’administrateur engage sa responsabilité personnelle extracontractuelle lorsqu’il participe à un dol, en plus d’engager la responsabilité de la société dont il est l’administrateur.

CONCLUSION

Il est possible, dans certaines circonstances, de rechercher la responsabilité personnelle d’un administrateur d’une société qui vend un immeuble affecté d’un vice caché.

Cette responsabilité personnelle relève non pas du simple fait que la personne concernée est administratrice de la personne morale ayant vendu l’immeuble affecté d’un vice caché, mais plutôt d’une faute personnelle commise en lien avec cette transaction. Dans une décision rendue en 2011, la Cour supérieure du Québec souligne d’ailleurs ce qui suit : 

Qu’ils se le tiennent pour dit, les administrateurs et actionnaires en contrôle ou pas ne peuvent impunément se draper de la personnalité morale distincte d’une compagnie pour commettre des gestes fautifs, s’adonner à des réticences déroutantes ou accomplir des actes de mauvaise foi. S’ils agissent à l’encontre des règles de la bonne foi en matière contractuelle, ils risquent fort bien d’engager leur responsabilité personnelle au sens de l’article 1457 C.c.Q.10.

Bref, en toutes circonstances, la transparence est de mise!

L’auteur désire remercier Clara Morissette et Danielle Beaudoin pour leur aide dans la préparation de cette actualité juridique.


Notes

1   Ces conditions découlent notamment de l’article 1726 du Code civil du Québec (CcQ) et sont réaffirmées de façon constante par la jurisprudence. À titre d’exemples, voir ABB Inc. c Domtar Inc., 2007 CSC 50 et Leroux c Gravano, 2016 QCCA 79, para 40.

2   Cette qualité s’évalue objectivement et implique une obligation pour l’acheteur d’agir comme le ferait un acheteur prudent et diligent.

3   Cette qualité s’évalue subjectivement et le fardeau de la preuve appartient au vendeur.

4   Article 309 CcQ.

5   Article 321 CcQ.

6   Articles 2145 et 2159 CcQ. Constructions Serafini inc. c Gold Coin Development Corporation Ltd., JE 2000-2173 (CA) para 21.

7   Article 1457 CcQ.

8   Voir Pelletier c Samson, 2010 QCCS 1873; Basille c 9159-1503 Québec inc., 2011 QCCS 7514; Viala c Ligeron, 2011 QCCS 5514.

9   Voir Pelletier c Samson, 2010 QCCS 1873, para 54

10   Basille c 9159-1503 Québec inc., 2011 QCCS 7514, para 61



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