Modifications importantes à la Loi sur le bâtiment : nécessité de maintenir un bilan éthique irréprochable en tout temps

Publication Septembre 2018

Le 1er décembre 2017, Lise Thériault, la ministre responsable de la Protection des consommateurs et de l’Habitation, a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi n° 162 – Loi modifiant la Loi sur le bâtiment et d’autres dispositions législatives afin principalement de donner suite à certaines recommandations de la Commission Charbonneau (projet de loi). Ce projet de loi apporte des changements importants à la Loi sur le bâtiment1 (Loi) et vise particulièrement à resserrer les règles touchant l’octroi, la suspension et l’annulation des licences d’entrepreneur en construction.

Les dispositions du projet de loi ont été adoptées le 30 mai 2018 et sont entrées en vigueur le 4 septembre 2018.

Ce projet de loi vise essentiellement à donner suite à certaines recommandations émises par la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction(Commission), à l’instar de la Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l’Autorité des marchés publics2.


Délivrance et maintien de la licence d’entrepreneur : pouvoirs accrus de la RBQ

Le projet de loi modifie les conditions de délivrance d’une licence à une entreprise et, par le fait même, les conditions de maintien d’une telle licence. Dorénavant, la RBQ pourra refuser de délivrer une licence à une entreprise en cas de déclaration de culpabilité contre l’entreprise ou l’un de ses dirigeants, dans les cinq ans précédant la demande, à l’égard des infractions suivantes :

  • une infraction reliée à des accords ou arrangements entre concurrents et au truquage des offres3;

  • une infraction prévue à l’un ou l’autre des articles 5, 6, ou 7 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances4; ou

  • un acte criminel relié à des opérations frauduleuses en matière de contrats et de commerce, de recyclage des produits de la criminalité et de participation aux activités d’une organisation criminelle5.

Notons que la commission de ces infractions n’a pas nécessairement à être reliée aux activités que la personne entend exercer dans l’industrie de la construction. Il faut également souligner que ces infractions s’ajoutent à celles déjà prévues à la Loi précédemment à l’adoption du projet de loi, telles qu’une infraction à une loi fiscale et la commission d’un acte criminel, reliées aux activités que la personne entend exercer dans l’industrie de la construction.

Une déclaration de culpabilité à l’égard de la plupart de ces infractions constituait déjà un motif permettant à la RBQ d’imposer au titulaire de la licence une restriction aux fins de l’obtention d’un contrat public6.

La RBQ pourra également refuser l’octroi d’une licence lorsqu’elle estime :

  • qu’il n’y a pas adéquation entre les sources légales de financement de la société et les travaux de construction qu’elle entend exécuter ou faire exécuter;

  • que la structure de la société lui permet ou permet à une autre personne ou société d’échapper à l’application de la Loi;

  • que l’un des dirigeants de la société ou la personne morale a, à l’occasion d’une demande antérieure, faussement déclaré, dénaturé ou omis des faits dans le but d’obtenir une licence;

  • que la société est la continuité d’une autre personne ou société qui n’aurait pas obtenu une licence si elle en avait fait la demande.

Par ailleurs, le projet de loi modifie la portée de l’obligation de divulgation de certains changements, divulgation qui doit être effectuée dans un délai de 30 jours de la survenance de ces changements. Ainsi, tout changement (fusion, vente, cession, etc.) à la structure juridique d’une personne morale doit être divulgué à la RBQ dans ce délai, de même que toute modification à un renseignement ou à un document fourni à la RBQ, notamment en ce qui concerne les infractions et les actes criminels commis par l’entreprise ou par un de ses dirigeants ou actionnaires.

Enfin, la RBQ pourra suspendre ou annuler une licence lorsque son titulaire a présenté une soumission pour un contrat public ou conclu un tel contrat alors que sa licence comportait une restriction à cet égard.

Autres modifications importantes à la Loi

Le projet de loi modifie également la Loi à d’autres égards et certains de ces changements méritent d’être soulignés :

  • La notion de « dirigeant » est modifiée en ce qu’un actionnaire détenant 10 % ou plus des droits de vote sera dorénavant considéré comme un dirigeant, alors que le seuil minimal était auparavant de 20 %;

  • Le titulaire d’une licence délivrée par la RBQ devra maintenant obligatoirement souscrire à une police d’assurance responsabilité, dont les modalités seront déterminées ultérieurement par règlement. Les entrepreneurs qui détiennent déjà une telle police d’assurance responsabilité devront s’assurer qu’elle est conforme aux modalités lorsqu’elles seront connues;

  • Le projet de loi crée une nouvelle infraction reliée aux prête-noms. Quiconque, lors d’une demande de licence ou à tout moment pendant la période de validité de la licence, agit à titre de prête-nom, fait appel à un prête-nom ou compte un prête-nom parmi ses dirigeants, sera passible d’une amende de 11 213 $ à 84 087 $ pour une personne physique et de 33 635 $ à 168 172 $ dans le cas d’une personne morale;

  • La Loi précise le rôle du « répondant », qui est responsable de la gestion des activités dans le domaine pour lequel ses connaissances ou son expérience ont été reconnues par la RBQ et doit, à ce titre, y participer activement et de manière continue;

  • Le directeur des poursuites criminelles et pénales qui souhaite intenter une poursuite pénale à l’égard d’une personne physique ou d’une personne morale qui contrevient à l’une des dispositions de la Loi pourra le faire dans un délai de trois ans après la connaissance de l’infraction, pour autant que cette poursuite soit intentée à l’intérieur d’un délai de sept ans suivant la perpétration de l’infraction. Auparavant, une telle poursuite devait être intentée dans un délai d’un an à partir de la connaissance, pour autant qu’elle soit intentée à l’intérieur d’un délai de cinq ans suivant la perpétration de l’infraction;

  • Le projet de loi crée une immunité de poursuite civile et une protection contre les représailles à toute personne qui communique de bonne foi à la RBQ un renseignement concernant un acte ou une omission qu’elle croit constituer une violation ou une infraction à la Loi. Le projet de loi prévoit également la mise en place de mesures visant à assurer la confidentialité de l’identité des lanceurs d’alerte. Une amende de 2 000 $ à 20 000 $, pour un individu, et de 10 000 $ à 250 000 $, pour une entreprise, pourra être imposée à quiconque fournit un renseignement qu’il sait faux ou trompeur à la RBQ ou exerce ou menace d’exercer des mesures de représailles contre un lanceur d’alerte.

Conclusion

Ce projet de loi s’inscrit dans le cadre des changements législatifs et réglementaires majeurs qui ont été apportés au cours des dernières années suite aux recommandations de la Commission.

La plupart des associations d’intervenants du domaine de la construction se sont récemment prononcées en faveur de l’adoption de ces nouvelles dispositions, nécessaires à assurer la probité et l’intégrité dans l’industrie.

Les dispositions qui permettront dorénavant à la RBQ de suspendre ou d’annuler la licence d’un titulaire, en cas de commission de certaines infractions de nature éthique, consacrent résolument l’idée que l’éthique et l’intégrité attendues d’une entreprise qui souhaite conclure des contrats publics le sont tout autant des entrepreneurs en construction qui exercent leurs activités dans le secteur privé.

Notes

1 Chapitre B-1.1

2 Nous vous référons à un bulletin d’actualité juridique publié précédemment à ce sujet : http://www.nortonrosefulbright.com/centre-du-savoir/publications/165384/adoption-de-la-loi-108-lautorite-des-marches-publics-veillera-sur-les-processus-doctroi-de-contrats-public

3 Article 45 ou 47 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34

4  LC 1996, c 19

5 Code criminel, LRC 1985, art 380.1, 462.31 et 467.11 à 467.13

6 Loi sur le bâtiment, RLRQ, c B-1.1, art 65.1



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