Preuve extrinsèque dans le cadre d’une requête Wellington au Québec

Mondial Publication Mars 2016

Le droit québécois régissant les requêtes pour forcer un assureur à assumer la défense de son assuré en vertu d’une police d’assurance de responsabilité civile, aussi connues sous le nom de requêtes Wellington, a majoritairement été développé par le biais des décisions des tribunaux. La Cour d’appel du Québec a récemment ajouté au droit existant en renversant une décision de première instance de la Cour supérieure qui avait autorisé la présentation d’une preuve extrinsèque pour appuyer le refus de couverture d’un assureur de responsabilité civile dans une poursuite contre son assuré1. Ce faisant, la Cour d’appel a clarifié les paramètres entourant l’audition des requêtes Wellington.


Les faits

Les demanderesses, le gouvernement du Québec et une commission scolaire, poursuivaient en dommages un groupe de défendeurs à la suite d’un incendie survenu dans un établissement scolaire. L’une des défenderesses, Technologie CII inc. (CII), avait été retenue à titre d’entrepreneur spécialisé pour l’installation de systèmes de chauffage et de climatisation. La tâche de CII consistait notamment à effectuer des travaux de soudure sur le toit de l’école. Un incendie s’est déclaré alors que les employés de CII effectuaient les travaux. L’incendie a causé des dommages d’une valeur de 16 millions de dollars.

La Société d’assurance générale Northbridge (l’Assureur), également défenderesse, était partie au litige à titre d’assureur de CII. Dans le cadre des procédures, l’Assureur a déposé une défense à l’action principale dans laquelle il affirmait que la police ne couvrait pas CII dans les circonstances. L’Assureur alléguait que les employés de CII avaient manqué à certains engagements formels prévus à un avenant de la police en omettant d’utiliser des toiles ou des écrans protecteurs lors des travaux de soudure. Au soutien de sa défense, l’Assureur a produit une copie de l’interrogatoire statutaire du président de CII lors duquel ce dernier avait confirmé que les employés de CII avaient effectivement violé les engagements formels prévus dans la police.

Peu après le dépôt de la défense, CII a déposé une requête Wellington afin de contraindre l’Assureur de prendre sa défense dans le litige qui l’opposait aux demanderesses.

Le jugement en Cour supérieure2

Le tribunal s’est interrogé à savoir s’il devait admettre la preuve extrinsèque présentée par l’Assureur au soutien de sa décision de ne pas couvrir CII. En déposant l’interrogatoire statutaire du président de l’assuré en preuve en contestation de la requête Wellington, l’Assureur souhaitait démontrer que les employés de CII n’avaient pas utilisé de toile ou d’écran ignifuge et que, conséquemment, CII avait violé des engagements formels.

À l’audience, le tribunal a déterminé que l’Assureur était en droit de produire cette preuve extrinsèque au soutien de sa décision de ne pas défendre CII. Il a cependant souligné que cette preuve devait être sommaire et non devenir un « procès dans un procès ». Il a donc conclu que, pour les fins de la requête Wellington et afin de déterminer si CII jouissait ou non d’une couverture d’assurance, il devait analyser toute la preuve soumise par les demanderesses et par l’Assureur, y compris l’interrogatoire statutaire du président de CII.

À l’issue d’un long débat afin de déterminer si les engagements formels prévus dans la police d’assurance étaient effectivement connus des représentants de CII, le tribunal s’est dit convaincu par la preuve présentée par l’Assureur selon laquelle CII avait bel et bien violé l’un des engagements formels de la police. Par conséquent, le tribunal a conclu que l’Assureur était relevé de son devoir de défendre l’assuré dans le litige qui l’opposait aux demanderesses. À ce stade des procédures, il n’avait pas été démontré, selon la Cour, que la police couvrait la perte subie.

La Cour d’appel

En appel, la Cour a unanimement renversé la décision du juge de première instance. Dans un jugement très sommaire, la Cour a déterminé que le premier juge avait erré en concluant que les travaux de soudure avaient nécessairement causé l’incendie sur le toit de l’école. La Cour a estimé que la preuve ne révélait pas clairement que les employés effectuaient des travaux de soudure sur l’édifice lorsque l’incendie a débuté. Ces travaux étaient évidemment au cœur des engagements formels prévus dans la police d’assurance. La Cour d’appel s’est par ailleurs dite étonnée par la décision du juge de première instance de permettre le dépôt par l’Assureur des éléments de preuve extrinsèques (faisant probablement ici référence aux admissions du président de CII dans son interrogatoire statutaire), et ce, au stade d’une requête Wellington. La Cour d’appel a rappelé que la preuve à ce stade préliminaire des procédures doit rester sommaire, notamment parce que l’assuré ne bénéficie pas du droit de contredire la preuve mise de l’avant par l’Assureur. La Cour d’appel a donc renversé le jugement de première instance et ordonné à l’Assureur de défendre CII dans l’action intentée par les demanderesses.

Notes

1 Technologies CII inc. c Société d’assurances générales Northbridge, 2016 QCCA 41 (CA).

2 Québec (Procureure générale) c Services énérgétiques Ecosystem inc., 2015 QCCS 1988 (CS).



Personne-ressource

Cochef mondial – sciences de la vie et soins de santé; Associé

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