Le Bureau de la concurrence a publié une mise à jour de ses orientations afin d’indiquer comment il compte interpréter les récentes modifications apportées à la Loi sur la concurrence en ce qui concerne les contrôles de propriété. Ces modifications interdisent certains contrôles de propriété visant des concurrents, soit les clauses d’exclusivité et les clauses restrictives, qui restreignent l’utilisation des biens immobiliers commerciaux de détail et peuvent compliquer la tâche aux entreprises qui cherchent à entrer sur de nouveaux marchés ou à se développer. Pour de plus amples renseignements sur les modifications, qui sont entrées en vigueur le 15 décembre 2024, veuillez consulter notre actualité précédente.
Au milieu de 2024, avant l’entrée en vigueur des modifications, le Bureau avait publié des orientations provisoires et avait entrepris une consultation. Il a, depuis, mis à jour ses orientations, qui visent à aider les entreprises à comprendre comment la nouvelle loi s’applique tant aux locataires qu’aux propriétaires commerciaux.
Les modifications réglementent deux types de contrôle :
- Les clauses d’exclusivité, soit les clauses dans les baux commerciaux qui limitent la façon dont le terrain peut être utilisé par les concurrents d’un locataire.
- Les clauses restrictives, soit des restrictions visant l’utilisation du terrain qui empêchent un acheteur ou un propriétaire d’un bien commercial d’utiliser le bien pour exploiter une entreprise ou pour le louer à une entreprise qui fait concurrence aux propriétaires précédents.
Les principaux changements touchant les orientations du Bureau sont les suivants :
- Le Bureau ne prendra pas de mesures d’application de la loi lorsque les accords sont favorables à la concurrence. Le Bureau a précédemment confirmé que certains contrôles de propriété visant des concurrents pouvaient être favorables à la concurrence, par exemple lorsqu’ils sont nécessaires pour permettre à une entreprise de faire des investissements qui accroissent la concurrence. Dans ses orientations mises à jour, le Bureau a confirmé qu’il ne prendrait pas de mesures d’application de la loi à l’encontre de contrôles qui favorisent la concurrence de façon crédible. Cependant, lorsqu’une entreprise veut faire valoir que ses restrictions touchant le bien favorisent la concurrence, elles doivent être le plus possible limitées.
- Les contrôles de propriété peuvent être injustifiés (et éventuellement contrevenir à la Loi sur la concurrence) lorsqu’une approche différente est disponible et permettrait l’entrée sur le marché ou l’investissement sans rendre la concurrence plus difficile pour les rivaux. Le Bureau prendra en compte les trois facteurs suivants lorsqu’il examinera si un contrôle de propriété visant des concurrents est justifié :
- Échéance. Le Bureau évaluera l’échéance au cas par cas, mais en règle générale, « [p]lus un contrôle de propriété visant des concurrents dure longtemps, moins il a de chances d’être justifié ».
- Zone géographique. Généralement, les contrôles de propriété visant des concurrents qui s’appliquent à plusieurs établissements ne seront pas justifiés.
- Produits et services. Les restrictions sur les produits ou services que les concurrents peuvent vendre devraient être tenues le plus possible au minimum.
- Certains contrôles pourraient ne pas répondre au critère applicable à la mise en application. Même lorsque les contrôles de propriété visant des concurrents ne sont pas justifiés, ils pourraient ne pas répondre au critère juridique en vertu de la Loi sur la concurrence. Le Bureau prendra des mesures d’application de la loi seulement si le contrôle répond au critère juridique. En résumé, il pourrait se produire des situations où une restriction visant la propriété ne favorise pas la concurrence, mais ne contrevient néanmoins pas à la Loi sur la concurrence.
- Le Bureau se soucie particulièrement des clauses restrictives. Le Bureau a souligné qu’il se soucie particulièrement des clauses restrictives, qui sont liées au terrain et souvent de longue durée. Il n’est pas enclin à considérer ces clauses comme étant justifiées en l’absence de « circonstances exceptionnelles » et a prévenu qu’elles seraient « davantage exposées à un examen minutieux ».
- Le Bureau évaluera si une entreprise a une position dominante au niveau local, régional ou sectoriel. L’approche qu’il adoptera à l’égard d’un cas donné dépendra de facteurs comme l’étendue de l’utilisation des contrôles de propriété et la manière dont la concurrence s’exerce dans ce secteur. Par exemple, si une entreprise met en place des contrôles de propriété visant des concurrents dans une région et que cela mène un nouveau détaillant à devoir développer une chaîne d’approvisionnement locale pour desservir plusieurs magasins, le Bureau sera plus enclin à analyser la position dominante au niveau régional qu’au niveau local. En revanche, quand la concurrence s’exerce à un niveau plus localisé, l’évaluation nécessitera une approche plus étroite quant à la définition du marché.
- Le Bureau a précisé son approche en matière d’application de la loi en vertu des dispositions d’abus de position dominante. Le Bureau a indiqué les questions qu’il pourrait poser lorsqu’il se penche sur l’effet des contrôles de propriété visant des concurrents en vertu des dispositions d’abus de position dominante. Il s’agit notamment de questions concernant l’état de la concurrence avant la mise en place des contrôles de propriété visant des concurrents, la question de savoir si les concurrents ont d’autres « options possibles » (et si ces autres options auraient une incidence négative sur leur capacité à livrer concurrence) et la question de savoir s’il existe des obstacles à l’entrée ou à l’expansion susceptibles de « renforcer les effets » des contrôles de propriété pertinents.
- Le Bureau pourrait chercher à obtenir des mesures correctives pour rétablir la concurrence ainsi que des sanctions administratives pécuniaires pour veiller à la conformité. Le Bureau a précisé que lorsqu’un contrôle est une pratique commerciale anticoncurrentielle et nuit à la fois à la concurrence, non seulement il « chercher[ait] probablement » à obtenir une ordonnance interdisant son utilisation ou son application, mais il pourrait également demander des mesures supplémentaires pour rétablir la concurrence et une sanction administrative pécuniaire. Si le contrôle en question est une clause restrictive, le Bureau est susceptible de demander une sanction administrative pécuniaire.
- Le Bureau a confirmé son approche en matière d’application de la loi en vertu des dispositions sur les collaborations anticoncurrentielles civiles. Le Bureau a modifié ses orientations antérieures pour refléter certains changements apportés aux dispositions de la Loi sur la concurrence sur les collaborations anticoncurrentielles civiles, qui dorénavant interdisent non seulement les accords anticoncurrentiels entre les concurrents, mais également les accords qui n’impliquent pas de concurrents si une partie importante de l’accord a pour objet d’empêcher ou de diminuer la concurrence sur un marché. Pour être visé par les dispositions sur les collaborations anticoncurrentielles, toutefois, l’accord doit avoir pour effet de diminuer sensiblement la concurrence. Le Bureau a laissé entendre qu’il se concentrerait sur la question de savoir si un accord de contrôle de propriété visant des concurrents a pour effet de diminuer sensiblement la concurrence, car si tel est le cas, l’un des objets importants de l’accord sera vraisemblablement de diminuer la concurrence.
En plus d’avoir publié des orientations mises à jour, le Bureau enquête sur les contrôles de propriété dans le secteur de l’épicerie depuis plus d’un an. Cette démarche semble avoir certains effets. Dans un engagement que le Bureau a décrit comme étant « une étape importante pour la concurrence dans le secteur de l’épicerie au Canada », Loblaw s’est engagée à mettre fin à ses contrôles de propriété dans l’ensemble du Canada. Le Bureau a publié une déclaration indiquant qu’il surveille de près la mise en œuvre de cet engagement par Loblaw et a confirmé que son enquête se poursuit, alors qu’il « continue de surveiller étroitement le secteur ».
Points à retenir
En conséquence des changements apportés à la Loi sur la concurrence et à la lumière des orientations du Bureau, les propriétaires et locataires de biens immobiliers commerciaux devraient revoir les contrôles de propriété existants et veiller à ce que les contrôles de propriété futurs ne soulèvent pas d’enjeux liés à la conformité.
Pour évaluer si un contrôle de propriété donné pourrait soulever des préoccupations en matière de conformité avec la législation sur la concurrence, les propriétaires et locataires de biens immobiliers devront tenir compte de l’effet concurrentiel éventuel du contrôle de propriété. Dans la plupart des cas, il sera prudent de rédiger les dispositions sur le contrôle de propriété avec soin et de façon plus limitée que par le passé.
Les autrices et auteur tiennent à remercier Jaden Love, étudiante d’été, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.