Est-ce que le non-respect d’une garantie de performance peut constituer une perte assurable en droit québécois? La Cour supérieure se prononce

Mondial Publication Septembre 2018

Le 17 mai 2018, le juge Danye Daigle de la Cour supérieure du Québec a rejeté une demande de type Wellington intentée par LeProhon inc. (LeProhon) à l’encontre de son assureur Federated Insurance Company of Canada (Assureur). Cette décision de la Cour supérieure du Québec dans 9071-3975 Québec inc. c. Leprohon inc.1 se révèle pertinente pour plusieurs raisons, mais plus particulièrement quant aux enseignements de la Cour sur l’application des garanties d’assurance d’une police d’assurance de la responsabilité civile générale (Police CGL) et d’une police d’assurance de la responsabilité professionnelle de type « erreurs et omissions » (Police E&O) lorsque la raison première d’une réclamation découle du défaut par l’assuré de respecter les obligations d’une lettre de garantie de performance.


La nature de la réclamation sous-jacente et la négation d’application des garanties d’assurance

La demanderesse 9071-3975 Québec inc. (Lucyporc) exerce ses activités dans le domaine de la transformation de la viande de porc. Après l’exécution de travaux par LeProhon pour le compte de Lucyporc, cette dernière a intenté un recours à l’encontre de LeProhon alléguant principalement le non-respect des obligations contenues dans une lettre de garantie de performance jointe au contrat intervenu entre LeProhon et Lucyporc.

L’Assureur, ayant reçu un avis du recours, a cependant refusé de prendre fait et cause pour LeProhon en vertu des polices d’assurance émises, au motif que la réclamation de Lucyporc, reposant sur le défaut de LeProhon de rencontrer la garantie de performance, ne déclenchait pas l’application des garanties d’assurance des polices d’assurance.

La non‑application des garanties d’assurance

Après avoir rappelé les principes généraux applicables dans le contexte d’une demande de type Wellington, la Cour a passé en revue les polices d’assurance émises par l’Assureur au bénéfice de LeProhon pour déterminer si les garanties d’assurance de celles-ci étaient susceptibles de s’appliquer.

La Police E&O

Après une analyse du libellé de la Police E&O, la Cour a conclu que, puisque la réclamation de Lucyporc faisait référence à des retards, des refus de compléter les travaux ainsi qu’au défaut de respecter une garantie de performance, celle-ci tombait expressément sous les exclusions prévues à la Police E&O, notamment l’exclusion visant les « garanties expresses du fabricant ».

La Police CGL

La Police CGL prévoyait que les dommages matériels devaient découler d’un sinistre afin de déclencher l’application des garanties d’assurance. Le terme sinistre était défini de la manière usuelle à la Police CGL, soit comme étant « tout accident, ainsi que l’exposition continuelle ou répétée à des risques essentiellement de même nature » 2.

La Cour a déterminé, en s’appuyant sur les enseignements de la Cour suprême du Canada sur les notions de « sinistre » et d’« accident » dans l’arrêt Progressive Homes, que le non-respect d’une garantie de performance ne constitue pas un accident ou une exposition continue à certaines conditions, et ce, même en procédant à une interprétation large et libérale de la Police CGL. Par conséquent, la Cour a conclu que les garanties d’assurance de la Police CGL n’ont pas été déclenchées par la réclamation.

Conclusion

Somme toute, cette décision souligne qu’un assuré ne peut offrir une garantie de performance à un cocontractant en pensant pouvoir se rabattre sur sa couverture d’assurance en cas de défaut. Les tribunaux doivent examiner les raisons pour lesquelles un assuré ne respecte pas ses engagements en vertu d’un contrat afin de déterminer si la perte est due à un sinistre assurable, sans quoi les assureurs seraient liés par n’importe quel engagement de leur assuré. Tel qu’il est soigneusement résumé par la Cour, « La nature et les objectifs du contrat d’assurance seraient ainsi dénaturés3. »

La présente décision n’a pas fait l’objet d’un appel.

L’auteur désire remercier Sandrine Raquepas, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.

Notes

1 2018 QCCS 3434.

2 Ibid, para 48.

3 Ibid, para 60.



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