Plus tôt cet été, le premier ministre Carney a annoncé que le Canada prendrait des mesures visant à protéger les producteurs d’acier canadiens contre le détournement des échanges commerciaux, à renforcer la résilience de la chaîne d’approvisionnement et à débloquer de nouveaux capitaux privés dans la production canadienne1. Ces mesures comprenaient l’instauration de contingents tarifaires (CT) et d’une surtaxe de 50 % sur certains produits de l’acier provenant de pays non-signataires d’un accord de libre-échange (ALE).
Ces mesures ont été modifiées le 1er août 2025 afin d’étendre l’application des CT et de la surtaxe de 50 % qui y est associée aux marchandises provenant des pays signataires d’un ALE, à l’exception des États-Unis et du Mexique, et d’allonger la liste des produits de l’acier visés2. Le gouvernement du Canada a également publié le Décret imposant une surtaxe sur les marchandises en acier et les marchandises en aluminium (le décret visant la Chine) imposant une surtaxe de 25 %, à compter du 31 juillet 2025, sur certains produits de l’acier et de l’aluminium provenant de la Chine.
Ces mesures de grande ampleur auront d’importantes répercussions sur les entreprises canadiennes qui s’approvisionnent en aluminium et en acier à l’étranger.
Le décret sur les contingents tarifaires et les surtaxes et la modification du 1er août
Le Décret imposant une surtaxe sur l’importation de certains produits de l’acier (le décret sur les CT/surtaxes) instauré en juin a établi des CT sur les importations de certains produits de l’acier provenant de pays non-signataires d’un ALE. Les CT définissent un volume d’importations (en tonnes) pour certains types de produits de l’acier (plats, allongés, tubulaires, semi-finis et en acier inoxydable) qui pourraient être importés au Canada chaque trimestre sans surtaxe imposée. Les importations dépassant les volumes trimestriels prévus dans les CT sont assujetties à une surtaxe de 50 %. À l’origine, le décret sur les CT/surtaxes s’appliquait uniquement aux pays non-signataires d’un ALE, exemptant les marchandises provenant de plus de 50 pays partenaires d’un ALE, comme l’Australie, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, Singapour, la Suède et le Vietnam.
La modification du 1er août 2025 a étendu l’application du système de CT et de la surtaxe de 50 % aux marchandises provenant de la plupart des pays signataires d’un ALE, à l’exception notable du Mexique et des États-Unis (les marchandises provenant du Canada, des États-Unis et du Mexique continuaient d’être exemptées du décret sur les CT/surtaxes).
La liste des produits de l’acier couverts a également été élargie de manière considérable pour y inclure certains lingots d’acier au carbone, billettes et lopins d’acier, tôles laminées à chaud, tôles de plancher, tôles d’acier, tôles laminées à froid, étain, acier revêtu, acier prépeint, barres d’armature, barres laminées à chaud, fils machine, barres finies à froid, acier de construction, fils d’acier, lingots d’acier inoxydable, billettes et lopins d’acier inoxydable, tubes de canalisation, matériel tubulaire pétrolier, tuyaux normalisés, tubes de canalisation de grand diamètre, tuyaux pour pilotis et profilés de charpente creux.
La modification du 1er août a également supprimé une disposition permettant de reporter les quantités inutilisées des CT, mais a ajouté une précision selon laquelle, si un bien assujetti à une surtaxe en vertu du décret sur les CT/surtaxes est également assujetti à toute autre surtaxe en vertu du Tarif des douanes, seule la surtaxe prévue par le décret sera applicable au bien; en d’autres termes, la surtaxe de 50 % n’est pas combinée à d’autres surtaxes.
Le calcul du CT applicable varie entre les pays signataires d’un ALE et les pays non-signataires d’un ALE, en plus d’être soumis à des dispositions transitoires. Les importateurs doivent détenir une licence d’importation spécifique pour déclarer que l’importation est soumise au CT et n’est donc pas assujettie à la surtaxe3.
Le décret visant la Chine
Le 31 juillet 2025, le Canada a mis en place une surtaxe de 25 % sur certains produits en acier fondus et coulés en Chine et sur certains produits en aluminium fondus et coulés en Chine4. Plusieurs exceptions s’appliquent, notamment pour les marchandises en provenance des États-Unis et pour les marchandises admissibles au classement en vertu des dispositions d’allégement tarifaire du chapitre 98 du Tarif des douanes.
L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a indiqué que, aux fins du décret visant la Chine, les marchandises contiennent de l’acier fondu et coulé en Chine si l’acier brut, ou une partie de l’acier brut, qu’elles contiennent a d’abord été produit à l’état liquide dans un fourneau destiné à la fabrication d’acier et coulé dans son premier état solide (qui peut prendre la forme d’un produit semi-fini ou fini d’aciérie) en Chine.
Entre-temps, les marchandises contiennent de l’aluminium fondu et coulé en Chine si, selon le cas :
- le plus grand volume ou, le cas échéant, le deuxième volume en importance d’aluminium primaire contenu dans les marchandises a été produit en Chine;
- l’aluminium contenu dans les marchandises a été le plus récemment liquéfié et moulé à l’état solide en Chine.
Ce ne sont pas tous les produits contenant de l’acier et de l’aluminium chinois qui sont visés. La liste des produits en acier et en aluminium d’origine chinoise visés est énoncée aux parties 1 et 2, respectivement, de l’annexe du décret sur la Chine. La liste comprend certains produits de fer et d’acier du chapitre 72 (p. ex. lingots, fer laminé à plat et acier inoxydable, barres et tiges de fer, etc.) ainsi que certains articles de fer ou d’acier classés au chapitre 73 (p. ex. planches en fer ou en acier; éléments de voies ferrées en fonte, fer ou acier, y compris les rails; tuyaux de canalisation; et tiges de forage).
En ce qui a trait à l’aluminium, la liste comprend certains alliages d’aluminium; barres et profilés en aluminium; fils en aluminium; plaques, tôles et bandes en aluminium; tôles, tubes et bandes en aluminium; et accessoires de tuyauterie (p. ex. raccords, coudes, manchons).
Les importateurs de ces marchandises doivent fournir une preuve, sur demande de l’ASFC, que leurs produits ne contiennent pas d’acier ou d’aluminium provenant de la Chine; en d’autres mots, un renversement du fardeau de la preuve s’applique. Si l’importateur ne fournit pas les documents requis, les marchandises seront réputées être d’origine chinoise et la surtaxe qui doit s’appliquer s’appliquera.
Même si les factures commerciales et les rapports seront initialement acceptés, à compter du 22 septembre 2025, l’ASFC n’acceptera qu’un certificat comme preuve attestant que l’acier et l’aluminium ne proviennent pas de la Chine (p. ex. un certificat d’essai en usine, un certificat d’essai des matériaux, un certificat de conformité ou un certificat d’analyse chimique)5.
Programmes d’exonération des droits et de drawback des droits
Les Programmes d’exonération des droits et de drawback des droits seront offerts aux importateurs canadiens pour les surtaxes payées ou dues en raison du décret sur les CT/surtaxes ou du décret visant la Chine sur les importations, sous réserve des dispositions de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique.
Points à retenir
Les surtaxes prévues par le décret sur les CT/surtaxes et le décret visant la Chine peuvent entraîner des coûts plus élevés pour les entreprises canadiennes qui utilisent de l’acier et de l’aluminium importés. Les entreprises devraient examiner attentivement l’origine de leurs matériaux et déterminer si des surtaxes seront exigibles à l’importation, en plus des droits antidumping ou compensateurs qui s’appliquent aux importations de produits de l’acier et de l’aluminium en vertu de la Loi sur les mesures spéciales d’importation. Les entreprises canadiennes qui ont des ententes d’approvisionnement en vigueur pour les importations d’acier et d’aluminium doivent évaluer d’urgence si les nouvelles mesures s’appliquent ou non et, le cas échéant, qui doit acquitter les surtaxes. Si les nouvelles mesures rendent impossible le maintien d’une entente d’approvisionnement, les dispositions en cas de défaut doivent être examinées.
À plus long terme, les utilisateurs finaux canadiens d’acier et d’aluminium étrangers devraient envisager d’ajuster leurs chaînes d’approvisionnement pour se procurer de l’acier et de l’aluminium au Canada ou dans d’autres territoires afin d’éviter des coûts plus élevés lorsque des droits antidumping ou des surtaxes sont applicables.
L’exigence de fournir des documents afin d’attester que les importations d’acier et d’aluminium sont exemptées du décret visant la Chine incombe aux importateurs, qui doivent eux-mêmes fournir des preuves suffisantes. Si les entreprises canadiennes importent elles-mêmes des produits d’acier et d’aluminium, elles doivent s’assurer que la documentation nécessaire est fournie par leurs fournisseurs afin d’éviter des frais supplémentaires.
Les auteurs tiennent à remercier Michèle-Lise Lepage, étudiante, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.