Le 17 août dernier, la Cour d’appel fédérale a confirmé une décision visant à rejeter un recours collectif proposé fondé sur un prétendu complot des ligues nord-américaines de hockey de niveau junior majeur pour limiter les occasions professionnelles des joueurs de hockey canadiens.

Cette décision confirme que l’article 45 de la Loi sur la concurrence (« Loi ») ne s’applique pas aux « complots entre acheteurs » entre des concurrents en vue de l’achat ou de l’acquisition d’un produit ou d’un service (sous réserve d’une importante mise en garde dans le contexte du droit de l’emploi dont il est question ci-après). C’est également la première fois qu’un tribunal examine de manière approfondie la portée des dispositions moins connues sur le complot dans le milieu du sport professionnel de la Loi sur la concurrence.

D’un point de vue procédural, la décision fournit également des indications sur les requêtes en radiation d’un acte de procédure, important outil pour se débarrasser des recours collectifs non fondés en début d’instance.


Contexte

L'affaire Mohr v. National Hockey League et al. concernait un recours collectif proposé contre l’ensemble des ligues nord-américaines de hockey de niveau junior majeur, dont la LNH, la LAH, la ECHL, la LCH et Hockey Canada.

Le demandeur, un ancien joueur de hockey de la LCH, prétendait que les défenderesses, soit les ligues de hockey et Hockey Canada, avaient comploté pour limiter les possibilités pour les joueurs de hockey de niveau junior majeur canadiens de négocier avec la ligue de professionnels de leur choix et d’y jouer, contrevenant ainsi aux dispositions criminelles de l’article 48 de la Loi interdisant les complots relatifs au sport professionnel.

La LCH, ses ligues membres et Hockey Canada ont demandé la radiation de la procédure pour deux motifs principaux :

  • l’article 48 s’applique uniquement à des types précis d’accords entre des équipes ou des clubs au sein d’une même ligue sportive, et pas au complot « faisant intervenir plus d’une ligue » dont le demandeur alléguait l’existence;
  • l’article 45 de la Loi (les dispositions criminelles sur les complots) était inapplicable, car il concerne seulement certains accords entre concurrents afin de fixer les prix, de restreindre la fourniture ou d’attribuer des marchés liés à la « production ou [à] la fourniture » d’un produit ou d’un service; autrement dit, des « complots entre vendeurs ». En l’espèce, le demandeur prétendait qu’il y avait eu « complot entre acheteurs », c’est-à-dire que les ligues de hockey défenderesses avaient comploté sur les modalités d’acquisition ou de contrat visant le joueur de hockey de niveau junior majeur.
     

En première instance, le juge en chef Crampton de la Cour fédérale a accepté ces deux arguments et rejeté la demande du demandeur dans son intégralité sans autorisation de la modifier.

Décision en appel

Le demandeur a fait appel de la décision auprès de la Cour d’appel fédérale. Les juges ont à l’unanimité rejeté la demande et confirmé que les requêtes en radiation d’un acte de procédure étaient un important outil judiciaire qui permettait de filtrer les demandes de recours collectifs. 

Bien que la Cour d’appel fédérale ait exprimé son désaccord avec certains aspects de la décision de première instance, elle a convenu des deux points cruciaux susmentionnés : i) l’article 48 n’était pas applicable, car la disposition concerne uniquement certains accords au sein d’une ligue sportive donnée, alors que les allégations du demandeur visaient un complot faisant intervenir plus d’une ligue entre différentes ligues et Hockey Canada et ii) l’article 45 était lui aussi inapplicable, étant donné qu’il ne concernait pas ce prétendu « accord entre vendeurs ». Après avoir tiré ces conclusions, la Cour d’appel fédérale a déterminé que la demande n’avait raisonnablement aucune chance d’aboutir et a été dûment rejetée.

Principaux points à retenir

Cette décision confirme que le paragraphe 45(1) de la Loi ne s’applique pas aux accords entre acheteurs en vue de l’achat ou de l’acquisition d’un produit ou d’un service. Les accords entre acheteurs seront examinés (sous réserve de la mise en garde ci-après) aux termes des dispositions civiles de la Loi.

L’importante mise en garde qui accompagne cette affirmation est la suivante : en juin 2022, la Loi a été modifiée de façon à y inclure de nouvelles dispositions qui criminalisent expressément les accords de « fixation des salaires » et de « non-débauchage » entre employeurs. Ces dispositions, qui prendront effet le 23 juin 2023, interdiront les accords entre employeurs non affiliés pour « fixer, maintenir, réduire ou contrôler les salaires, les traitements ou les conditions d’emploi » et pour « ne pas solliciter ou embaucher les employés de l’autre employeur ». Lorsque ces dernières seront entrées en vigueur, la loi canadienne correspondra davantage à celle d’autres territoires, comme les États-Unis, où ces types d’accords entre employeurs sont déjà criminalisés. Elles ne s’appliqueront qu’à certains types d’accords entre employeurs non affiliés. En l’absence de relation employeur-employé (comme c’est le cas pour les joueurs de hockey de niveau junior majeur), les dispositions civiles de la Loi s’appliqueraient.

Cette décision confirme par ailleurs l’importance stratégique des requêtes procédurales, comme les requêtes en radiation d’un acte de procédure, au début de recours collectifs. En l’espèce, les défenderesses ont agi rapidement et avisé la Cour fédérale de leur intention de présenter leur requête à la première occasion, ce qui a convaincu cette dernière de la nécessité d’entendre la requête avant d’autoriser le recours collectif. Ainsi, les parties ont réalisé des économies de coût et de temps importantes.

Norton Rose Fulbright Canada a représenté avec succès la LCH et ses ligues membres, la WHL, la LHO et la LHJMQ, relativement à la requête en radiation d’un acte de procédure et devant la Cour d’appel fédérale.



Personnes-ressources

Associée
Associé
Associé principal
Associé, chef canadien, Droit antitrust et droit de la concurrence

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