Le 23 novembre dernier, le ministre du Travail du Québec a déposé le projet de loi no 42, soit la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail1. Ce projet de loi propose des modifications à plusieurs lois du travail, dont la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles2 (la LATMP), le Code du travail3, la Loi sur les normes du travail4 (la LNT) et la Loi sur la santé et la sécurité du travail5 (la LSST), afin de renforcer la protection des travailleurs et des travailleuses en milieu de travail et de faciliter l’exercice des recours destinés à assurer cette protection.


Voici un aperçu des principales modifications envisagées par le projet de loi. Notez toutefois que celles-ci ne sont pas en vigueur, le projet de loi n’étant qu’au stade de la présentation.  

Une définition de « violence à caractère sexuel » ajoutée à la LSST

L’article 1 de la LSST introduira la définition suivante :

« violence à caractère sexuel » : toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirés, qu’elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre.6 

Comme cette définition englobe spécifiquement toutes les paroles et tous les propos à caractère sexuel, même s’ils sont isolés, il sera essentiel que les employeurs traitent sérieusement tout commentaire à connotation sexuelle qui pourrait survenir en milieu de travail.

Accidents de travail et maladies professionnelles

Nouvelles présomptions pour les victimes de violence à caractère sexuel

Afin d’alléger le fardeau de preuve de la survenance d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, les présomptions suivantes seront ajoutées7 :

  • Lorsqu’un travailleur ou une travailleuse est victime de violence à caractère sexuel de la part de son employeur, d’un de ses dirigeants s’agissant d’une personne morale, ou d’un·e collègue de travail du même établissement, toute blessure ou maladie résultant de cette violence sera présumée être survenue « par le fait » ou « à l’occasion du travail », à moins qu’elle ne survienne dans un contexte strictement privé. 
  • Toute maladie qui survient dans les trois mois suivant la violence à caractère sexuel subie par le travailleur ou la travailleuse sur les lieux du travail sera présumée être une « lésion professionnelle ». 

Ainsi, le travailleur ou la travailleuse victime de violence à caractère sexuel n’aura qu’à démontrer que les conditions d’application d’une de ces présomptions sont réunies afin que soit reconnue la lésion professionnelle. Il incombera ensuite à l’employeur de renverser cette reconnaissance. 

Infractions en cas d’accès au dossier médical 

Rappelons que le droit d’accès de l’employeur au dossier médical d’un travailleur ou d’une travailleuse que possède la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la CNESST) concernant une lésion professionnelle est déjà réservé exclusivement au professionnel ou à la professionnelle de la santé désigné·e par l’employeur. 

Le projet de loi précise que les informations que le professionnel ou la professionnelle de la santé désigné·e peut partager avec l’employeur lorsqu’il ou elle lui fait rapport au sujet d’un dossier médical devront être limitées à celles qui sont strictement nécessaires pour lui en fournir un résumé et un avis lui permettant d’exercer ses droits8.

La divulgation illégale d’informations par un professionnel ou une professionnelle de la santé ainsi que l’obtention ou la tentative d’obtention d’un dossier médical par un employeur constitueront des infractions passibles d’une amende de 1 000 $ à 5 000 $, dans le cas d’une personne physique, et de 2 000 $ à 10 000 $ dans le cas d’une personne morale9

Prolongation du délai de production d’une réclamation pour les victimes de violence à caractère sexuel

Le délai pour produire une réclamation à la CNESST pour une lésion ou une maladie professionnelle résultant de la violence à caractère sexuel sera prolongé de six mois à deux ans10

Exception à la règle d’imputation en cas de violence à caractère sexuel de la part de l’employeur

Lorsque la violence à caractère sexuel à l’origine de la lésion professionnelle aura été commise par l’employeur, un·e de ses représentant·es dans ses relations avec les travailleurs et les travailleuses ou un·e dirigeant·e de la personne morale, les coûts des prestations liées à cette lésion seront exclusivement assumés par l’employeur du travailleur ou de la travailleuse victime. Dans les autres cas, ces coûts seront imputables aux employeurs de toutes les unités11.

Normes du travail

Obligations accrues en matière de prévention et de gestion du harcèlement psychologique

L’obligation de l’employeur en matière de prévention et de gestion du harcèlement psychologique sera élargie pour inclure le harcèlement provenant de « toute personne », y compris, par exemple, un de ses clients ou de ses fournisseurs12. Les exigences en matière de politique de prévention et de « prise en charge » des situations de harcèlement psychologique que l’employeur doit mettre en place seront également accrues par l’intégration d’éléments précis à inclure dans cette politique13

À défaut de se conformer à ces obligations légales14, l’employeur pourrait faire l’objet de sanctions financières importantes. Pour une première infraction, une amende de 600 $ à 6 000 $ s’appliquera, tandis qu’en cas de récidive, elle pourra atteindre jusqu’à 12 000 $15

Application limitée des clauses d’amnistie aux situations de violence en milieu de travail

Une nouvelle disposition limitera les effets des clauses d’amnistie en cas de violence en milieu de travail. Il sera permis à l’employeur de tenir compte de mesures disciplinaires antérieures imposées à un·e salarié·e en raison d’un comportement de violence physique ou psychologique, incluant la violence à caractère sexuel, au moment d’imposer une nouvelle sanction pour un tel comportement, et ce, même en présence d’une clause d’amnistie16

Cette disposition aura donc préséance sur le texte d’une convention collective négociée entre l’employeur et le syndicat en cas de comportements répétés de violence physique, psychologique ou à caractère sexuel. 

Confidentialité des ententes de règlement à la suite d’une plainte pour harcèlement psychologique

Lorsqu’une plainte pour harcèlement psychologique est réglée hors cour, la transaction et quittance contient généralement une clause par laquelle les parties s’engagent à maintenir la confidentialité des pourparlers et des modalités du règlement. Or, les parties pourront désormais convenir de la levée de cet engagement de confidentialité et déterminer le moment où celle-ci prendra effet17.

Santé et sécurité

Certaines dispositions du projet de loi no 42 s’harmoniseront avec les changements législatifs apportés par la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail18 qui sont à venir19

Par ailleurs, il convient de souligner que l’obligation de l’employeur de prévenir et de faire cesser la violence à caractère sexuel est déjà intégrée à la LSST20. Le projet de loi ajoutera toutefois que l’employeur devra « prendre toute autre mesure que peut déterminer un règlement » pour remplir cette obligation21. On peut donc anticiper qu’un règlement ultérieur viendra préciser davantage la manière dont l’employeur pourra concrètement s’acquitter de cette obligation, ce qui sera crucial pour éviter d’éventuelles poursuites pénales en cas de non-respect ainsi que des sanctions financières importantes22.

Conclusion

Cet aperçu des modifications législatives envisagées par le projet de loi no 42 témoigne de la volonté du ministre du Travail de renforcer la protection des travailleurs et des travailleuses contre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel au travail. Actuellement à la phase de la présentation, le projet de loi devra encore franchir plusieurs étapes avant d’être promulgué en tant que loi. S’il est adopté, il imposera notamment des obligations plus contraignantes aux employeurs en matière de prévention et de protection, assorties de sanctions plus sévères en cas de non-respect. Nous suivrons de près son cheminement législatif et vous tiendrons informés de tout fait nouveau. 


Notes

1   Bill 42: An Act to prevent and fight psychological harassment and sexual violence in the workplace (National Assembly) (43-1) – Introduction.

2  

CQLR c A-3.001.

3  

CQLR c C-27.

4  

CQLR c N-1.1.

5  

CQLR c S-2.1.

6   Bill 42, section 33.

7  

Ibid., section 4.

8  

Ibid., section 7.

9   Ibid., section 16.

10  

Ibid., sections 9 to 11.

11   Ibid., section 12. 

12   Ibid., section 18. 

13  

Ibid., section 18.

14   Act respecting labour standards, sections 81.19 and 81.20.

15  

Bill 42, sections 27 and 28.

16  

Ibid., section 20.

17   Ibid., section 25. 

18  

In fact, when drawing up their prevention programs or action plans, employers must take into account their policies to prevent and manage situations of psychological harassment, in addition to analyzing and identifying psychosocial risks associated with sexual violence (Bill 42, sections 35 and 36).

19  

LQ 2021, c. 27.

20   Act respecting occupational health and safety, subparagraph 51(16).

21  

Bill 42, section 34.

22   Act respecting occupational health and safety, sections 236 and 237.



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