Les entreprises agroalimentaires se fient habituellement sur les travailleurs étrangers temporaires pour répondre à leurs besoins de main-d’œuvre. La COVID-19 pose de nouveaux défis pour ces entreprises. Les enjeux logistiques sont nombreux, notamment ceux qui sont liés à l’obtention de permis de travail. Dans plusieurs cas, les travailleurs étrangers temporaires auront des difficultés à mener à terme les processus requis comme fournir des empreintes digitales ou passer un examen médical. Même s’ils ont obtenu une approbation, les travailleurs étrangers temporaires pourraient être confrontés à d’autres difficultés telles que trouver un vol d’avion ou se voir refuser l’accès à la frontière.

Une fois que les travailleurs étrangers temporaires entrent au Canada, les entreprises agroalimentaires qui les embauchent doivent tenir compte d’un certain nombre de nouvelles règles et lignes directrices liées à la COVID-19. La présente actualité résume certaines de ces règles et lignes directrices, énumère les risques auxquels les entreprises agroalimentaires font face et offre des solutions pratiques pour traverser cette période difficile.

Exigences du gouvernement fédéral

Les employés et les employeurs doivent respecter la Loi sur la mise en quarantaine (Loi), y compris le décret d’urgence numéro 2020-0175 qui exige que les travailleurs étrangers temporaires s’isolent pendant deux semaines à leur arrivée au Canada. Le gouvernement fédéral a fait parvenir une lettre aux employeurs des travailleurs étrangers temporaires les informant, notamment, que ceux-ci sont passibles d’une pénalité pouvant atteindre 750 000 $ s’ils ne respectent pas les exigences d’isolement volontaire. De plus, tout travailleur étranger temporaire qui expose autrui à des blessures graves en contrevenant intentionnellement ou par insouciance à la Loi ou à tout règlement pris en application de celle-ci est passible d’une amende maximale de 1 M$ et d’un emprisonnement maximal de trois ans, ou de l’une de ces peines.

Emploi et Développement social Canada (EDSC) a également publié des lignes directrices pour les employeurs de travailleurs étrangers temporaires concernant la COVID-19, comme il est indiqué ci-dessous. 

Lignes directrices pour tous les employeurs qui embauchent des travailleurs étrangers temporaires 

Mesures obligatoires. Aux termes des nouvelles lignes directrices, les employeurs qui embauchent des travailleurs étrangers temporaires doivent :

  • respecter toutes les lois et politiques relatives à la relation employeur-employé au cours de cette période;
  • surveiller la santé des travailleurs en isolement volontaire et de tout employé qui devient malade à tout moment;
  • prendre les dispositions nécessaires pour qu’un travailleur malade soit complètement isolé des autres et aviser immédiatement les responsables de la santé publique si un travailleur est malade;
  • s’assurer que tous les travailleurs ont accès aux ressources dont ils ont besoin pour avoir une bonne hygiène;
  • signaler à la police locale toute violation de la Loi;
  • suivre les plus récentes exigences de la santé publique ou les plus récentes directives du gouvernement du Canada et de la province/du territoire où ils exercent leurs activités;
  • suivre toutes les lois applicables de santé et sécurité fédérales et provinciales/territoriales, y compris les nouvelles dispositions liées au congé de maladie sans risque de perte d’emploi mises en place dans plusieurs provinces et territoires en raison de la pandémie de COVID-19;
  • verser aux travailleurs leur salaire et avantages réguliers pendant la période d’isolement volontaire : en ce qui concerne les travailleurs qui font partie du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, les dispositions du contrat applicable doivent être respectées et en ce qui concerne les autres travailleurs, au moins 30 heures par semaine doivent être payées au taux indiqué dans l’évaluation d’impact sur le marché du travail.

Mesures recommandées : Les employeurs qui embauchent des travailleurs étrangers temporaires doivent :

  • fournir aux travailleurs des renseignements sur la COVID-19 au plus tard leur premier jour d’isolement volontaire dans une langue que le travailleur comprend, par écrit ou verbalement selon le cas;
  • communiquer quotidiennement avec les travailleurs en isolement volontaire (y compris ceux qui deviennent malades après la première période d’isolement volontaire) pour s’informer des symptômes et consigner les réponses dans un journal;
  • communiquer avec le consulat approprié si un employé présente des symptômes de la COVID-19. Les employeurs peuvent obtenir des documents rédigés dans plusieurs langues en communiquant avec l’Agence de la santé publique du Canada au 1 833 784-4397 ou à l’adresse phac.covid19.aspc@canada.ca.

Mesures facultatives. L’employeur peut retenir les déductions contractuelles forfaitaires (c.-à-d. assurance-emploi, logement, transport, etc.) selon les exigences applicables au volet du programme.

Mesures interdites. Même si l’employé en fait la demande, les employeurs ne peuvent pas :

  • déduire de la paie de l’employé les coûts associés à la période d’isolement volontaire (bien que l’employeur puisse retenir les déductions contractuelles forfaitaires);
  • autoriser l’employé à travailler ou à effectuer d’autres tâches pendant la période d’isolement volontaire, sauf les employés considérés comme fournissant un service essentiel par l’administrateur en chef de la santé publique.

Lignes directrices à l’intention des employeurs qui offrent le logement aux travailleurs étrangers temporaires

Mesures obligatoires. En plus des exigences ci-dessus, les employeurs qui fournissent le logement doivent : 

  • loger les travailleurs en isolement volontaire dans des logements distincts de ceux qui ne sont plus assujettis à l’isolement volontaire; 
  • s’assurer que le logement permet aux travailleurs de conserver une distance de deux mètres entre eux en tout temps, et entre les lits et dans les installations partagées comme la cuisine, la salle de bain et les espaces communs; 
  • fournir tout le nécessaire de nettoyage aux travailleurs afin que ceux-ci puissent maintenir des procédures de nettoyage adéquates relatives à la COVID-19; 
  • pendant la période d’isolement volontaire, s’assurer que le logement permet au travailleur d’éviter le contact avec des personnes âgées (65 ans et plus) ou des personnes ayant des problèmes de santé qui sont à risque de contracter la maladie sous une forme grave.

Mesures recommandées. Les employeurs qui fournissent le logement devraient :

  • afficher de l’information sur la propagation de la COVID-19 dans le logement dans une langue que le travailleur comprend, notamment de l’information sur les pratiques exemplaires pour l’entretien de la salle de bain et des autres installations sanitaires; 
  • s’assurer que les surfaces sont nettoyées et désinfectées régulièrement (au moins tous les jours pour les espaces communs); 
  • tenir un registre de nettoyage; 
  • prendre des photos datées des installations pour en démontrer la conformité.

Mesures facultatives. Les employeurs qui fournissent le logement peuvent : 

  • loger ensemble des travailleurs en isolement volontaire, mais notez que le compteur est remis à zéro chaque fois que de nouveaux travailleurs arrivent dans ce logement; 
  • permettre aux travailleurs de nettoyer leur propre espace de vie et les espaces communs, comme il s’agit de soins essentiels; 
  • embaucher du personnel pour nettoyer les espaces communs. 

Nouvelles responsabilités pour les entreprises agricoles

La Loi, le décret d’urgence susmentionné et les directives résumées ci-dessus créent de nouvelles obligations pour les entreprises agricoles qui embauchent des travailleurs étrangers temporaires, notamment les suivantes : l’obligation de payer les employés pendant la période d’isolement volontaire de deux semaines et de s’assurer que les employés ne travaillent pas pendant cette période, la mise en œuvre de procédures accrues en matière d’hygiène et de nettoyage et, pour les employeurs qui fournissent un logement, l’augmentation éventuelle du nombre de logements ou le paiement de chambres d’hôtel pour permettre aux travailleurs de respecter les exigences. 

Cependant, pour donner une plus grande souplesse aux employeurs et réduire leur fardeau administratif, le gouvernement du Canada a augmenté la durée d’emploi maximale permise de un à deux ans pour les travailleurs étrangers temporaires à rémunération peu élevée. De plus, le gouvernement fédéral a récemment annoncé qu’il remettra aux employeurs 1 500 $ pour chaque travailleur étranger temporaire embauché afin de compenser les coûts associés à l’obligation de payer les travailleurs pendant la période d’isolement volontaire. 

Modifications liées à la COVID-19 qui touchent les employés du secteur agroalimentaire en général

Divers paliers de gouvernement répondent rapidement à la COVID-19 en lançant de nouvelles mesures législatives qui touchent les employés, y compris les travailleurs étrangers temporaires. Par exemple, la Colombie-Britannique a modifié sa loi intitulée Employment Standards Act (en anglais seulement) pour exiger que les employeurs offrent des congés non payés où l’emploi est protégé liés à la COVID-19 aussi longtemps que l’employé en a besoin. De plus, les employeurs doivent dorénavant offrir des congés non payés où l’emploi est protégé pouvant atteindre trois jours aux employés qui ne peuvent pas travailler en raison d’une maladie ou d’une blessure quelconque – une règle permanente qui ne constitue pas seulement une mesure d’urgence temporaire. 

L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a aussi demandé aux employeurs du secteur agroalimentaire de favoriser la distanciation physique et a reconnu qu’il est possible que les entreprises agroalimentaires ne puissent pas toujours laisser une distance de deux mètres entre les employés. Cependant, s’il est impossible de mettre en place de telles mesures, l’ACIA a demandé aux employeurs d’appliquer des pratiques d’hygiène plus strictes et de consulter les lignes directrices relatives à la prise de décisions fondées sur les risques pour les lieux de travail et les entreprises

Une liste détaillée des modifications liées à la COVID-19 dont les employeurs doivent tenir compte est disponible sur le site Web d’EDSC.

Conséquences de la non-conformité et risques associés à celle-ci

Le gouvernement du Canada a récemment confirmé qu’il pourrait faire des inspections des employeurs et que ceux qui ne se conforment pas aux exigences d’isolement volontaire de 14 jours pourraient être passibles de sanctions pécuniaires de 500 $ à 100 000 $ pour chaque violation, jusqu’à un maximum de 1 M$ par année, voir leur nom affiché publiquement et être frappés d’une interdiction de participer au programme des travailleurs étrangers temporaires, notamment de manière permanente. 

De plus, la Loi elle-même prévoit des sanctions pénales pour les dirigeants, administrateurs ou mandataires d’une personne morale qui ont ordonné ou autorisé la perpétration d’une infraction à la Loi ou y ont consenti ou participé. Bien qu’aucune accusation pénale n’ait encore été portée, les employeurs doivent comprendre que le gouvernement est habilité à prendre de telles mesures.

Parmi les autres conséquences, mentionnons celles-ci :

  • les risques pour la santé et la sécurité des employés;
  • les questions liées à l’exploitation (y compris la fermeture) et la publicité négative; 
  • des litiges coûteux et longs.

Solutions et vision pour l’avenir

En cette période d’incertitude et compte tenu du contexte juridique et réglementaire qui évolue rapidement, les entreprises agroalimentaires doivent s’assurer de respecter les nouvelles règles et lignes directrices sur les travailleurs étrangers temporaires en se tenant au fait des nouvelles modifications apportées aux lois et aux règlements, en mettant en œuvre de nouvelles politiques et procédures pour assurer la conformité et en recourant aux programmes de soutien mis à la disposition par le gouvernement, y compris le montant offert par travailleur étranger temporaire en isolement volontaire, la subvention salariale d’urgence et les programmes de report de prêts par l’intermédiaire de Financement agricole Canada, au besoin. Compte tenu du grand nombre de groupes qui demandent une plus grande supervision par le gouvernement, les entreprises agroalimentaires qui suivent les lignes directrices protégeront les travailleurs étrangers temporaires des préjudices et atténueront les risques possibles pour leur entreprise, y compris l’atteinte à la réputation.

Pour obtenir des renseignements sur les autres programmes d’aide offerts par le gouvernement, veuillez consulter notre guide.

L’auteure désire remercier Preston Brasch, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.



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