La Colombie-Britannique a annoncé qu’à la suite de la décision Yahey v British Columbia1 de 2021, elle s’était entendue avec cinq des Premières Nations signataires du Traité n° 8 relativement à la gestion des ressources naturelles de la province. Les accords, qui n’ont pas encore été rendus publics, prévoient des modifications importantes à la façon dont les ressources seront exploitées dans la province à court terme et dans les années à venir.


Éléments contextuels essentiels – décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en 2021

Les accords sont le fruit de négociations entamées dans la foulée de la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en 2021, qui avait donné raison aux Premières Nations de la rivière Blueberry contre la province. Cette dernière a décidé de ne pas faire appel.

Dans cette décision, la Cour, après avoir vivement critiqué de nombreux aspects du régime de réglementation de la province, avait conclu que les effets cumulatifs du développement industriel avaient gravement porté atteinte aux droits conférés par traité aux Premières Nations de la rivière Blueberry, leur retirant toute capacité concrète d’exercer leurs droits en vertu du Traité n° 8 sur leur territoire traditionnel. Plus précisément, elle avait estimé que les processus réglementaires de la Colombie-Britannique ne tenaient pas convenablement compte des effets cumulatifs ni ne prévoyaient des consultations suffisantes à cet égard et que la province n’avait pas mis en place de mécanismes d’application de la loi efficaces pour limiter la mise en valeur afin que les droits conférés par traité aux Premières Nations de la rivière Blueberry ne soient pas touchés par ces effets. La Cour a donc ordonné à la Colombie-Britannique et aux Premières Nations de la rivière Blueberry d’agir avec diligence afin de s’entendre sur une approche concertée de la gestion des ressources tenant compte des effets cumulatifs.

Les accords annoncés sont l’aboutissement de ces négociations ainsi que de nouvelles négociations avec quatre autres Premières Nations signataires du Traité n° 8 : Fort Nelson, Saulteau, Halfway River et Doig River. La province a confié qu’elle avait entamé des discussions avec trois autres Premières Nations signataires du Traité n° 8 : West Moberly, Prophet River et la Bande indienne de McLeod Lake.

Si davantage de précisions seront fournies au cours de prochaines semaines, les grandes lignes des accords ont été rendues publiques.

Accord de mise en œuvre des Premières Nations de la rivière Blueberry2

Le 18 janvier 2023, la Colombie-Britannique a annoncé un accord de mise en œuvre des Premières Nations de la rivière Blueberry (accord de mise en œuvre) qui comporte une composante financière visant des activités de remise en état et d’assainissement et la mise en place d’un cadre de gestion des ressources.

L’accord de mise en œuvre prévoit notamment ce qui suit :

  • Une limitation à plus court terme de l’exploitation des terres visées par le Traité n° 8 parallèlement à la mise en place d’un régime axé sur la gestion à long terme des effets cumulatifs;
  • Un plafonnement des nouvelles perturbations des sols sur le territoire des Premières Nations de la rivière Blueberry (à un maximum de 750 hectares par année);
  • La mise en place d’une [TRADUCTION] « gestion écosystémique » de l’aménagement du territoire et de la foresterie;
  • La mise en œuvre d’une « protection des terres » (y compris la protection de forêts anciennes) visant plus de 650 000 hectares situés sur des terres de grande valeur des Premières Nations de la rivière Blueberry;
  • La concrétisation de multiples plans d’utilisation des terres à l’échelle des bassins hydrographiques au cours des trois prochaines années;
  • Une cogestion de la faune, notamment des orignaux;
  • La concrétisation, dans les 15 prochains mois, d’un ensemble de plans de valorisation axés sur les activités du secteur du pétrole et du gaz naturel (PGN).

En matière de PGN plus particulièrement, l’accord de mise en œuvre prévoit également une collaboration entre la province, des entreprises et les Premières Nations de la rivière Blueberry ainsi que d’autres nations dans le cadre de plans de mise en valeur, dont les mesures suivantes :

  • Une délimitation de zones de protection permanente contre toute nouvelle mise en valeur;
  • Une restriction des perturbations liées à l’exploitation de PGN aux zones déjà mises en valeur, dans la mesure du possible;
  • Une réduction de moitié environ des nouvelles perturbations liées aux activités en matière de PGN par rapport aux années précédant la décision du tribunal;
  • La mise en place d’attentes en matière de planification stratégique et opérationnelle pour le secteur, applicables à toute nouvelle activité proposée;
  • La limitation de nouvelles perturbations liées aux activités en matière de PGN dans leur ensemble sur les terres visées par une revendication territoriale des Premières Nations de la rivière Blueberry, établie à 750 hectares, au fur et à mesure que de nouvelles activités d’aménagement et de réhabilitation détaillées seront mises en place et convenues3.

L’accord de mise en œuvre prévoit également un montage financier de 87,5 M$ pour les Premières Nations de la rivière Blueberry et un fonds de réhabilitation des terres de 200 M$ et le partage d’éventuelles recettes en redevances procurées par l’exploitation du pétrole et du gaz avec ces dernières. 

Bien que l’accord de mise en œuvre n’ait pas encore été rendu public, la Oil and Gas Commission of British Columbia a déjà publié un sommaire détaillé (en anglais) de sa participation à la mise en valeur en matière de PGN.

Document de consensus

Le 20 janvier 2023, la Colombie-Britannique a annoncé être parvenue à un consensus avec quatre autres Premières Nations signataires du Traité n° 8 [TRADUCTION] « afin d’adopter une approche concertée de la planification de l’utilisation des terres et des ressources et de proposer des solutions régionales qui profiteraient à l’ensemble des populations vivant dans le nord-est de la Colombie-Britannique et sur le territoire visé par le Traité n° 84». Cet ensemble d’initiatives concertées, appelé « document de consensus », engage de manière similaire la province à mettre en place des mesures afin de gérer les effets cumulatifs de l’exploitation des ressources sur les droits conférés par traité aux signataires, comme de nouveaux plans d’utilisation des terres et de nouvelles mesures de protection ainsi qu’une approche inédite de partage des revenus.

Nouveau cadre et points à retenir

Les grandes lignes de l’accord de mise en œuvre et du document de consensus, s’ils sont mis en œuvre dans leur intégralité, représentent un changement de cap important dans la gestion des ressources des territoires visés par les accords dans les années à venir.

Selon la province, les accords doivent ouvrir la voie à une future mise en valeur qui [TRADUCTION] « transformera la façon dont la province et les Premières Nations gèrent ensemble les terres, l’eau et les ressources et compensera les effets cumulatifs sur [le territoire visé par le Traité n° 8]5». Ainsi, les promoteurs peuvent s’attendre à ce qu’une consultation quant aux effets cumulatifs sur les droits conférés par traité soit expressément exigée lorsque des approbations doivent être obtenues; le nouveau régime de réglementation visera à évaluer les effets cumulatifs sur les droits conférés par traité aux Premières Nations de façon détaillée et des nouveaux mécanismes seront mis en place pour limiter la portée de la mise en valeur là où ces effets auront été repérés.

Principaux points à retenir

Bien que le résultat prévu puisse être adapté à la décision rendue par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire Yahey, les accords risquent à court terme de susciter une certaine incertitude en matière de réglementation dans le secteur, étant donné que les modalités mêmes du nouveau cadre devront être définies dans les années à venir. Reste notamment à déterminer ce qui suit :

  • La portée et les conditions d’une future mise en valeur ne sont pas encore entièrement connues à ce stade;
  • Les modalités d’allocation en vertu du plafonnement à 750 hectares et celles du calcul de l’empreinte des mises en valeur proposées restent à préciser;
  • Les répercussions (directes ou corrélatives) de la mise en valeur de terres privées seront constatées lors de la mise en œuvre des divers plans de gestion des bassins hydrographiques envisagés.

Les conséquences, dans leur intégralité, des accords annoncés par la Colombie-Britannique sur la mise en valeur et la gestion des ressources dans la province demeurent inconnues. Il convient de noter que, dans l’affaire Yahey qui a mené à la décision de la province de trouver une solution concertée aux enjeux liés aux effets cumulatifs du développement industriel, la Colombie-Britannique n’a pas plaidé que les infractions alléguées étaient justifiées ni fait appel de la décision de la Cour suprême. Nous ne disposons donc toujours que de peu d’indications sur la façon dont les tribunaux d’autres provinces ou territoires du Canada, cours d’appel ou autres, pourraient trancher la question des effets cumulatifs.



Personnes-ressources

Associé principal, cochef canadien, Entreprises responsables et durabilité
Associé

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