Publication
Loi sur la laïcité de l’État : la Cour d’appel du Québec statue sur sa constitutionnalité
La Loi sur la laïcité de l’État (Loi) a fait couler beaucoup d’encre depuis son adoption en juin 2019.
Auteur:
Canada | Publication | novembre 2019
Dans un arrêt très récent1, la Cour d’appel du Québec a confirmé l’application de la Continuous Trigger Theory en droit québécois afin d’allouer les dommages entre plusieurs assureurs responsabilité sur plusieurs périodes d’assurance lorsque la preuve établit que le dommage est survenu de façon graduelle dans le temps. En général, l’application de cette théorie aura comme conséquence pour l’assuré de bénéficier alors d’un montant total d’assurance plus élevé.
Entre 1996 et 2000, Multiver (2006) ltée (Multiver) et Groupe Bocenor inc. (Bocenor) (représentée par la demanderesse en reprise d’instance Crewcut Investments Inc. dans le cadre du litige) ont acheté de Cover, GMB et Royal un produit entrant dans la fabrication d’unités de vitrage scellées, soit l’intercalaire Inex, qui est composé d’un plastique blanc moulé par extrusion.
Au bout de quelques années, les clientèles de Multiver et de Bocenor se sont plaintes d’une détérioration rapide de l’intercalaire Inex qui, lorsqu’il était exposé au soleil, jaunissait et causait l’apparition d’une buée chimique sur la surface interne des vitres de l’unité scellée. Devant ce constat, Bocenor et Multiver ont donc dû remplacer de nombreuses unités écoulées auprès de leur clientèle. Dans le cas de Multiver, les demandes de remplacement attribuables à l’apparition de buée chimique se sont étalées de 2003 à 2012 et, dans le cas de Bocenor, de 2004 à 2011.
Bocenor et Multiver ont alors intenté un recours contre Cover, GMB et Royal afin de rechercher leur responsabilité à titre de vendeurs professionnels. Elles ont réclamé des défenderesses les sommes qu’elles avaient perdues ou qu’elles avaient dû débourser pour corriger la défectuosité affectant l’intercalaire Inex, le plus souvent en remplaçant les unités de vitrage scellées auprès de leurs clientèles, sommes qui s’élevaient à plusieurs millions de dollars pour chacune.
La responsabilité civile de GMB était assurée comme suit : d’abord par Lombard, pour les dommages matériels survenus entre le 1er juillet 1995 et le 30 mars 2004, puis par Aviva, qui couvrait la période du 30 mars 2004 au 30 mars 2008 selon les mêmes termes. C’est cette dernière qui a pris fait et cause pour GMB dans le cadre du litige, puis GMB (et Aviva) ont appelé Lombard en garantie afin que celle-ci assume une part des dommages réclamés, soit ceux qui étaient survenus de 1995 à 2004.
Deux jugements ont été rendus en première instance, celle-ci ayant été scindée pour traiter d’abord de la responsabilité puis subséquemment du quantum des dommages.
D’abord, suivant son analyse de la preuve, l’honorable Yves Alain, j.c.s., a conclu que Royal et GMB étaient solidairement responsables des dommages qu’elles avaient causés à Multiver en raison du vice de qualité de l’intercalaire Inex et, dans le cas de Bocenor, que la responsabilité solidaire pour les dommages qui lui furent causés était dévolue à Royal, GMB et Cover. Toutefois, ce premier jugement ne partage pas la responsabilité entre les défenderesses.
C’est dans son jugement sur le quantum que l’honorable Danielle Blondin, j.c.s., détermine que, dans le cas de la réclamation de Multiver, la condamnation solidaire doit être divisée en parts égales entre Royal et GMB. Il en est de même en ce qui concerne le dossier Bocenor, mais cette fois entre Royal, GMB et Cover. Selon elle, leur participation ne peut être différenciée lorsque l’on envisage les dommages causés par le produit Inex défectueux3.
Au final, la juge Blondin accorde près de 5 millions de dollars en dommages à Multiver, mais rejette la réclamation de Bocenor, sauf pour les frais d’expertise, vu l’inadmissibilité de la preuve de dommages présentée par celle-ci.
Finalement, pour départager la part des dommages que doit assumer chacun des deux assureurs de GMB, la juge Blondin réitère que c’est le moment de la survenance du dommage qui est déterminant, en l’espèce le moment de la survenance du jaunissement de l’intercalaire Inex et de la buée chimique subséquente, qui se distingue du moment où les clients de Multiver et Bocenor ont présenté leur réclamation et du moment où les unités de vitrage scellées défectueuses ont été remplacées.
Interprétant ces notions à la lumière du droit des assurances tel qu’il évolue au Québec et ailleurs au Canada, la juge opte pour l’application de la Continuous Trigger Theory pour allouer les dommages entre Lombard et Aviva dans le temps, de 1996 à 2008, une théorie rendue nécessaire parce qu’il était impossible de déterminer précisément à quel moment les dommages (jaunissement et buée chimique) s’étaient produits puisqu’ils avaient été causés par un processus graduel.
Devant la preuve administrée, l’application de la Continuous Trigger Theory conduit la juge Blondin à condamner Lombard à 64,44 % de l’ensemble des dommages causés à Multiver et Bocenor et Aviva au reste.
La Cour d’appel confirme tant le jugement Alain sur la responsabilité que le jugement Blondin sur le partage de responsabilité et sur le quantum, rejetant ainsi tous les moyens d’appel des défenderesses-appelantes, notamment voulant que les juges de première instance auraient fait des erreurs manifestes dans leur appréciation de la preuve d’expert administrée de part et d’autre.
La Cour commence son analyse sur la question du partage des dommages entre assureurs en énumérant les quatre (4) théories développées par le droit des assurances pour déterminer quelle police d’assurance est déclenchée en cas de dommages continus, soit :
La Cour note que le choix de la théorie à appliquer découle de la détermination de la question à savoir à quel moment les dommages matériels sont survenus. Or, la norme d’intervention en appel sur cette question est sévère.
La Cour conclut que l’appelante ne dispose d’aucun argument pour réfuter les conclusions de faits de la juge sur cette question. En effet, la première juge a procédé, selon la Cour, à une véritable recherche du début de la survenance des dommages, mais la preuve n’a tout simplement pas permis de déterminer avec suffisamment de précisions ce moment puisque le dommage en question n’apparaissait pas soudainement, mais graduellement.
Compte tenu de la décision de la juge, la Cour d’appel estime que celle ci a eu raison de suivre les enseignements de l’arrêt Alie v Bertrand & Frère Construction Co. Ltd. de la Cour d’appel de l’Ontario5 ainsi que la décision de la Cour supérieure du Québec rendue dans le cadre des dossiers de la pyrite/pyrrhotite dans la région de Trois Rivières6. Dans ces affaires, les tribunaux avaient jugé convenable d’avoir présumé que la date de départ du dommage était la même dans tous les cas puisque, en raison de la surabondance du nombre de défauts en l’espèce, il aurait été déraisonnable de procéder individuellement pour chaque produit endommagé. La Cour estime qu’il était efficace et conforme aux principes de proportionnalité pour la première juge de procéder ainsi.
Avant la décision de la Cour supérieure dans l’affaire Deguise, les tribunaux québécois n’avaient jamais pris position sur laquelle des trigger theories devait s’appliquer dans la province de Québec ni même sur le fait que ces théories pouvaient être importées en droit québécois. Avec ce récent arrêt de la Cour d’appel, il est raisonnable de penser que la tendance jurisprudentielle penche désormais vers une application uniforme de la Continuous Trigger Theory en droit québécois. Cependant, il ne faut pas oublier que cette théorie ne sera applicable que dans la situation où il est impossible en preuve de situer précisément la survenance du dommage à l’intérieur de l’une ou l’autre des périodes de polices d’assurance en jeu.
Publication
La Loi sur la laïcité de l’État (Loi) a fait couler beaucoup d’encre depuis son adoption en juin 2019.
Publication
Le 13 mars dernier, le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID) a publié deux exposés-sondages sur les normes canadiennes.
Publication
Le 6 mars 2024, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États Unis a adopté des règles définitives, à la suite d’un vote 3-2, qui ont pour effet d’obliger les personnes inscrites nationales et étrangères ainsi que les émetteurs fermés étrangers à communiquer de l’information liée aux changements climatiques dans leurs déclarations d’inscription et rapports annuels (les règles définitives).
Abonnez-vous et restez à l’affût des nouvelles juridiques, informations et événements les plus récents...
© Norton Rose Fulbright LLP 2023