La Politique énergétique 2030 et la première étape de sa mise en œuvre

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Mondial Publication Avril 2017

Le 7 avril 2016, le gouvernement du Québec lançait la Politique énergétique 2030, L’énergie des Québécois – Source de croissance 1. La mise en œuvre de cette Politique est prévue en quatre étapes : d’abord, apporter des modifications au cadre légal québécois et, ensuite, adopter trois plans d’action pour couvrir les périodes 2016-2020, 2021-2025 puis 2026-2030. La première étape s’est réalisée par la sanction, le 10 décembre 2016, de la Loi concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 et modifiant diverses dispositions législatives 2(ci-après Loi de mise en œuvre).


Politique énergétique 2030

La nouvelle Politique énergétique vise l’atteinte des objectifs suivants :

  • privilégier une économie faible en carbone;

  • mettre en valeur de façon optimale les ressources énergétiques du Québec;

  • favoriser une consommation responsable;

  • tirer pleinement parti du potentiel de l’efficacité énergétique;

  • stimuler la chaîne de l’innovation technologique et sociale.

Pour atteindre ces objectifs, cinq cibles ont été fixées, en se basant sur les données de l’année 2013 :

  • améliorer de 15 % l’efficacité avec laquelle l’énergie est utilisée;

  • réduire de 40 % la quantité de produits pétroliers consommés;

  • éliminer l’utilisation du charbon thermique;

  • augmenter de 25 % la production totale d’énergies renouvelables;

  • augmenter de 50 % la production de bioénergie.

La Politique énergétique 2030 doit ainsi contribuer à l’atteinte de la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) fixée pour 2030 à 37,5 % sous le niveau de 19903. Si les cibles proposées par la Politique énergétique 2030 sont atteintes, cela permettra de réduire, en 2030, les émissions de GES de 18 % par rapport à celles émises en 1990, ce qui représenterait 16 Mt équivalent CO2. Ces réductions s’ajouteront à celles qui ont déjà été réalisées et qui, en 2014, étaient de 8 % sous le niveau de 19904, ainsi qu’aux autres réductions de GES provenant de sources non énergétiques.

Loi de mise en œuvre

La Loi de mise en œuvre est divisée en quatre chapitres : Chapitre I – Édiction de la Loi sur Transition énergétique Québec; Chapitre II – Gouvernance de la Régie de l’énergie et renouvellement de l’offre aux consommateurs; Chapitre III – Financement des infrastructures électriques d’un projet de transport collectif; et Chapitre IV – Édiction de la Loi sur les hydrocarbures. Il sera question des trois premiers chapitres de cette loi dans le présent texte.

Transition énergétique Québec

Une nouvelle loi a été adoptée, soit la Loi sur Transition énergétique Québec, laquelle crée l’organisme du même nom. Il s’agit d’une personne morale, mandataire de l’État, qui a pour mission de soutenir, de stimuler et de promouvoir la transition, l’innovation et l’efficacité énergétiques et d’en assurer une gouvernance intégrée. Transition énergétique Québec est administré par un conseil d’administration de neuf à quinze personnes nommées par le gouvernement.

C’est cet organisme qui assurera dorénavant la mise en œuvre de l’ensemble des programmes et des mesures nécessaires à l’atteinte des cibles en matière énergétique déterminées par le gouvernement et qui en assurera le suivi. Cette responsabilité incombait auparavant au ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles5.

Transition énergétique Québec doit élaborer, tous les cinq ans, un plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétiques faisant état des programmes et mesures qui seront mis en place par elle, les ministères, les organismes et les distributeurs d’énergie6 afin d’atteindre les cibles déterminées par le gouvernement. Le gouvernement établit également les orientations et objectifs que doit poursuivre Transition énergétique Québec en matière énergétique. Le plan directeur doit notamment contenir : un état de la situation énergétique au Québec et de la progression de sa transition; un résumé des programmes et mesures incluant les objectifs poursuivis par ceux-ci, la clientèle visée et leurs impacts sur les émissions de gaz à effet de serre; la désignation du responsable de la mise en œuvre de chaque programme et mesure; les prévisions budgétaires des ministères, organismes et distributeurs d’énergie pour la réalisation de leurs programmes et mesures ainsi que leur calendrier de réalisation; et l’apport financier des distributeurs d’énergie pour la réalisation du plan directeur.

Transition énergétique Québec doit consulter la Table des parties prenantes dans le cadre de l’élaboration et de la révision du plan directeur. Cette Table des parties prenantes est constituée d’un maximum de quinze personnes nommées par le conseil d’administration de Transition énergétique Québec et ayant une expertise particulière dans les domaines de la transition, de l’innovation et de l’efficacité énergétiques.

Le plan directeur est ensuite soumis au ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, lequel le soumet ensuite au gouvernement. Si le gouvernement juge le plan directeur conforme, Transition énergétique Québec le soumet à la Régie de l’énergie afin qu’elle approuve les programmes et mesures sous la responsabilité des distributeurs d’énergie ainsi que l’apport financier nécessaire à la réalisation de ceux-ci.

Le plan directeur entre en vigueur après l’approbation du gouvernement et l’avis de la Régie de l’énergie. Les ministères, organismes et distributeurs d’énergie doivent réaliser les programmes et les mesures dont ils sont responsables en vertu du plan directeur. Transition énergétique Québec peut contribuer financièrement à un programme ou à une mesure par une subvention ou un prêt; dans ce dernier cas, par l’intermédiaire d’Investissement Québec.

Les activités de Transition énergétique Québec sont financées par : la quote-part annuelle des distributeurs d’énergie déterminée par la Régie de l’énergie; les sommes provenant du Fonds vert mises à sa disposition en vertu d’une entente conclue avec le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques; les sommes provenant du Fonds de transition énergétique mises à sa disposition7; et les autres sommes qu’il peut recevoir.

Les dispositions de la Loi sur Transition énergétique Québec sont entrées en vigueur le 1er avril 2017, sauf certaines dispositions entrées en vigueur le 9 janvier 2017.

Modifications à la Loi sur la Régie de l’énergie et à la Loi sur les produits pétroliers

La Loi sur la Régie de l’énergie 8 est modifiée, depuis le 10 décembre 2016, afin que le plan d’approvisionnement que doit soumettre le titulaire d’un droit exclusif de distribution de gaz naturel tienne également compte : a) de la marge excédentaire de capacité de transport que le titulaire estime nécessaire pour favoriser le développement des activités industrielles, cette marge ne pouvant excéder 10 % de la quantité de gaz naturel que ce titulaire prévoit livrer annuellement; et b) de la quantité de gaz naturel renouvelable déterminée par règlement du gouvernement. Une définition de « gaz naturel renouvelable » a d’ailleurs été ajoutée à la Loi sur la Régie de l’énergie et se lit ainsi : « méthane de source renouvelable ayant les propriétés d’interchangeabilité lui permettant d’être livré par un réseau de distribution de gaz naturel ».

Selon le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles9, le fait de permettre aux distributeurs de gaz naturel, soit Gaz Métro et Gazifère, une surcapacité de transport maximale correspondant à 10 % des volumes de distribution prévus, facilitera certains projets industriels nécessitant un approvisionnement en gaz naturel. En effet, les réseaux actuels de distribution de gaz naturel sont à capacité maximale et tout ajout nécessite des investissements majeurs. Les nouveaux clients devaient donc préalablement conclure une entente avec les sociétés de transport de gaz naturel et fournir des garanties financières à la hauteur des investissements requis pour construire les nouvelles infrastructures. Ces garanties financières pouvaient parfois nuire au financement des projets et des délais pouvaient survenir quant à la finalisation des nouvelles infrastructures requises. En permettant une surcapacité de transport, une nouvelle clientèle peut être approvisionnée rapidement et cela lui évite le problème des garanties financières. Les coûts de cette mesure seront assumés par la clientèle utilisant le service de transport des distributeurs. Ces coûts pourront toutefois être minimisés si les distributeurs sont en mesure de revendre le surplus de capacité sur le marché secondaire.

Quant à l’obligation de tenir compte de la quantité de gaz naturel renouvelable dans le plan d’approvisionnement, cela permettra, selon le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles10, d’accélérer le développement de projets de production de gaz naturel renouvelable au Québec. En effet, auparavant, le montant facturé pour le gaz naturel renouvelable ne pouvait être plus élevé que celui du gaz naturel d’origine fossile. Dorénavant, les distributeurs devraient conclure des contrats avec des producteurs de gaz naturel renouvelable et ceux-ci pourraient bénéficier d’un prix bonifié qui permettrait de rentabiliser certains projets qui ne le seraient pas autrement. Le coût supplémentaire sera assumé par les consommateurs.

La Loi sur les produits pétroliers 11 a également été modifiée en date du 10 décembre 2016 afin d’octroyer au gouvernement le pouvoir de déterminer par règlement des normes et des spécifications relatives à tout produit pétrolier, qui peuvent notamment inclure des normes de qualité et prohiber ou exiger la présence de certains éléments dans un produit pétrolier et prescrire la quantité ou la proportion acceptable de ceux-ci. Il est également précisé qu’un règlement fixant des normes d’intégration de carburants renouvelables à l’essence et au carburant diesel ne peut être pris par le gouvernement qu’à la suite d’une recommandation conjointe du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles et du ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

Ces modifications à la Loi sur les produits pétroliers ont pour objectif la fixation par le gouvernement du Québec de cibles d’intégration de carburants renouvelables dans l’essence et le carburant diesel. Le gouvernement du Canada a déjà ses propres exigences en la matière en vertu du Règlement sur les carburants renouvelables12; le minimum de carburant renouvelable est ainsi fixé à 5 % dans l’essence et à 2 % dans le carburant diesel13 pour le fournisseur principal14. La Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et l’Ontario ont aussi adopté leurs propres normes réglementaires pour la teneur en carburants renouvelables dans les carburants fossiles, normes qui sont équivalentes aux normes fédérales ou les dépassent.

En adoptant des normes québécoises, le gouvernement du Québec entend s’assurer que les volumes de carburants renouvelables sont entièrement mélangés à l’intérieur de la province. Le Québec entend tout d’abord adopter les mêmes normes que la réglementation fédérale, puis les hausser progressivement en fonction de la capacité de production des carburants renouvelables15.

Modifications à la Loi sur Hydro-Québec

La Loi sur Hydro-Québec16 est modifiée afin de permettre à Hydro-Québec d’accorder une aide financière à un organisme de transport en commun, à la Caisse de dépôt et placement du Québec ou à l’une de ses filiales pour défrayer les coûts du matériel fixe nécessaire à l’électrification de services de transport collectif. L’aide financière doit être autorisée par le gouvernement, sur recommandation conjointe du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles et du ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Cette disposition est entrée en vigueur le 10 décembre 2016.

Conclusion

En adoptant la Loi de mise en œuvre, l’Assemblée nationale a doté le gouvernement du Québec du cadre législatif nécessaire pour la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030. Des règlements ainsi que le premier plan d’action censé couvrir les années 2016 à 2020 doivent toutefois encore être adoptés. La mise en œuvre réussie de cette Politique est notamment requise pour atteindre la cible de réduction des émissions de GES fixée pour 2030 à 37,5 % sous le niveau de 1990.

Notes

1. http://politiqueenergetique.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/politique-energetique-2030.pdf.

2. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2016C35F.PDF.

3. Décret 1018-2015 du 18 novembre 2015.

4. Selon le dernier inventaire des émissions de GES disponible pour le Québec.

MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES. Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2014 et leur évolution depuis 1990, 2016, 32 pages. http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/changements/ges/2014/Inventaire1990-2014.pdf.

5. Les articles 69 à 71 de la Loi de mise en oeuvre modifient la Loi sur le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (RLRQ, c M-25.2) en supprimant les paragraphes 14 et 14.1 de l’article 12 de cette loi relatifs à l’efficacité et à l’innovation énergétiques ainsi que le volet efficacité et innovation énergétiques du Fonds des ressources naturelles.

Les articles 60 à 65 de la Loi de mise en oeuvre modifient aussi la Loi sur l’efficacité et l’innovation énergétiques (RLRQ, c E-1.3), renommée Loi sur les normes d’efficacité énergétique et d’économie d’énergie de certains appareils fonctionnant à l’électricité et aux hydrocarbures, dont l’application continue de relever du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles. Les deux premières sections du chapitre I de cette loi relatives aux pouvoirs du ministre en matière d’efficacité et d’innovation énergétiques sont abrogées. Le contenu de la loi se résume maintenant essentiellement au pouvoir de fixer par règlement des normes d’efficacité énergétique et d’économie d’énergie pour certains appareils; aucun tel règlement n’existe pour le moment.

Les articles 80, 81, 82, 84, 85, 87 et 88 de la Loi de mise en oeuvre prévoient des mesures de transition pour ce qui relevait auparavant du Bureau de l’efficacité et de l’innovation énergétiques et du rôle du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles en matière d’efficacité et d’innovation énergétiques vers Transition énergétique Québec.

6. « Distributeur d’énergie » est défini à l’article 7 de la Loi sur Transition énergétique Québec et comprend notamment Hydro-Québec ainsi qu’un distributeur de gaz naturel et un distributeur de carburants et de combustibles au sens précisé dans la loi.

7. Le Fonds de transition énergétique est prévu à l’article 250 de la Loi de mise en oeuvre qui modifie la Loi sur le ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Cet article est entré en vigueur le 1er avril 2017 en vertu du décret 226-2017 du 22 mars 2017. Les sommes qui sont portées au Fonds de transition énergétique sont notamment les droits et redevances en vertu de la Loi sur les hydrocarbures (cette loi n’est pas en vigueur) et le montant des amendes en vertu de la Loi sur les normes d’efficacité énergétique et d’économie d’énergie de certains appareils fonctionnant à l’électricité et aux hydrocarbures.

8. RLRQ, c R-6.01.

9. MINISTÈRE DE L’ÉNERGIE ET DES RESSOURCES NATURELLES. Analyse d’impact réglementaire, Loi concernant la mise en oeuvre de la Politique énergétique 2030 et modifiant diverses dispositions législatives, juin 2016.

10. Ibid.

11. RLRQ, c P-30.01.

12. DORS/2010-189.PAGE 5

13. Ces normes s’appliquent au Québec depuis le 15 décembre 2010 pour l’essence et depuis le 1er janvier 2013 pour le carburant diesel.

14. Le fournisseur principal est soit le propriétaire de l’installation où l’essence ou le carburant diesel est produit ou la personne qui loue, exploite, contrôle, dirige ou gère l’installation, ou encore, dans le cas d’essence ou de carburant diesel importé, l’importateur.

15. MINISTÈRE DE L’ÉNERGIE ET DES RESSOURCES NATURELLES. Analyse d’impact réglementaire, Loi concernant la mise en oeuvre de la Politique énergétique 2030 et modifiant diverses dispositions législatives, juin 2016.

16. RLRQ, c H-5.



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