Rendre les marchés du carbone plus accessibles

Mondial Publication Février 2018

En raison d’initiatives récentes du gouvernement fédéral, une politique sur la tarification du carbone sera mise en œuvre dans tout le Canada en 2018. La présente actualité fait suite à notre récente actualité sur la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, et elle décrit la manière dont les provinces s’adaptent à l’exigence fédérale selon laquelle elles doivent chacune élaborer leur propre régime de réglementation de la tarification du carbone d’ici le 1er janvier 2019.



En 2015, l’Accord de Paris (Accord) a été adopté dans le but de contenir l’élévation de la température de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Jusqu’à présent, 170 pays ont ratifié l’Accord. Au Canada, le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques (Cadre) a été créé peu après la ratification de l’Accord de Paris. Il propose une série de mesures pour réduire les émissions, dont la tarification obligatoire de la pollution par le carbone. 

Aux termes du Cadre, un modèle de tarification (modèle) a été adopté, lequel permet aux provinces de choisir leur approche pour fixer la tarification du carbone. Le gouvernement fédéral a récemment diffusé la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (Loi) pour recevoir des commentaires. Comme il est indiqué dans notre récente actualité sur ce sujet, cette Loi se veut un filet de sécurité au cas où les provinces ou les territoires n’élaborent pas leur propre modèle de réglementation conforme au modèle d’ici le 1er janvier 2019. Les provinces et les territoires ont donc trois options en ce qui concerne la tarification du carbone avant le délai fédéral : 

  • i. Adopter un système de tarification du carbone qui ne respecte pas le modèle ou n’adopter aucun système de tarification du carbone, auquel cas la loi fédérale qui sert de filet de sécurité s’appliquera dans cette province ou ce territoire et la taxe sur le carbone s’établira à 10 $ la tonne et augmentera de 10 $ par tonne par an pour s’établir à 50 $ la tonne en 2022. La loi fédérale qui sert de filet de sécurité comprend un régime de tarification fondé sur le rendement pour les émetteurs importants, qui est une forme de marché du carbone où ceux qui n’utilisent pas tous leurs droits peuvent échanger avec ceux dont les émissions dépassent la norme de l’industrie;
  • ii. Mettre au point leur propre taxe sur le carbone qui atteint ou dépasse ce qui est prévu dans le modèle (suivant les régimes de la Colombie-Britannique et de l’Alberta);
  • iii. Créer un système de plafonnement et d’échange (semblable aux régimes du Québec et de l’Ontario) qui atteint ou dépasse ce qui est prévu dans le modèle.

Les provinces et les territoires ont jusqu’au 30 mars 2018 pour indiquer l’option qu’ils ont l’intention de choisir. La Colombie-Britannique, l’Alberta, l’Ontario et le Québec ont mis en place des systèmes de tarification du carbone solides, et il est prévu que ces provinces ajusteront leur système pour répondre aux objectifs fédéraux en matière de tarification des gaz à effet de serre. La Saskatchewan a mis en place une politique nationale en matière d’émissions de gaz à effet de serre, mais elle a indiqué qu’elle n’entend pas respecter les objectifs fédéraux de tarification du carbone. Le Manitoba a proposé une politique de tarification du carbone qui ne respecte pas les objectifs fédéraux. Les autres provinces et territoires ont proposé ou devraient proposer des politiques de tarification du carbone qui peuvent ou non atteindre les objectifs fédéraux en matière de tarification.

Répercussions sur les entreprises

Pour les industries qui sont ou seront bientôt assujetties à un système de plafonnement et d’échange, la conformité est essentielle. Non seulement ces entreprises doivent s’inscrire et rendre compte efficacement de leurs émissions, mais elles devront comprendre le marché du carbone en place dans leur territoire afin de participer efficacement. La Loi de 2016 sur l’atténuation du changement climatique et une économie sobre en carbone de l’Ontario et la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec prévoient d’importantes amendes et autres sanctions en cas de contravention à la Loi. Des pénalités importantes sont à prévoir dans le cadre des exigences de conformité de tout programme de plafonnement et d’échange qui pourrait être élaboré ailleurs au pays.

Les entreprises qui ne sont pas assujetties à un système de plafonnement et d’échange ont la possibilité de faire une demande de participation volontaire. Plusieurs raisons peuvent pousser une entreprise à s’inscrire comme participant volontaire, dont l’investissement ou la spéculation et l’avantage d’être exonéré du prix du carbone que les distributeurs de carburant imposeront à leurs clients. Si la projection selon laquelle le marché du carbone mondial atteindra 2 000 milliards de dollars se concrétise, même en partie, les entreprises qui maîtriseront ces programmes complexes pourront en tirer des bénéfices.

Enfin, l’accent est de plus en plus mis sur les compensations carbone mondiales (appelées des « réductions mises en réserve » en Ontario). Il s’agit de projets qui réduisent les émissions de carbone indirectement ou qui améliorent la résilience de l’environnement aux répercussions négatives des changements climatiques. Lorsqu’ils sont approuvés par l’autorité compétente, ces projets peuvent générer des crédits qui peuvent également être échangés, comme c’est le cas en Ontario et au Québec. De tels projets sont bénéfiques pour l’environnement et génèrent des avantages économiques pour leurs promoteurs.

Les marchés du carbone de l’Ontario et du Québec

Un marché du carbone est un marché pour échanger des émissions de carbone. La forme la plus populaire de marché du carbone est ce que l’on appelle un régime de plafonnement et d’échange de droits d’émission, où les gouvernements fixent un plafond sur les émissions de carbone totales par industrie, lequel est par la suite réduit annuellement. Au fur et à mesure que les plafonds deviennent astreignants, les entreprises sont invitées à utiliser les ressources de manière rationnelle et à adopter d’autres pratiques qui réduisent leurs émissions. Les entreprises hautement efficientes peuvent vendre une partie de leurs émissions « économisées » à des entreprises moins efficientes, ce qui permet à ces dernières d’atteindre leurs cibles en matière d’émissions tout en favorisant l’innovation.

Le programme de plafonnement et d’échange de l’Ontario

En Ontario, le programme de plafonnement et d’échange comporte les trois aspects suivants :

1. Plafond fixé par le gouvernement

Le gouvernement établit un budget de droits d’émission annuel en tonnes métriques de dioxyde de carbone (CO2) à l’échelle de l’économie . De même, le gouvernement établit des étalons par industrie pour récompenser les participants les plus efficients de chaque industrie. À l’heure actuelle, le programme de plafonnement et d’échange de droits est obligatoire en Ontario pour les trois industries suivantes (Participants assujettis) :

  • les importateurs d’électricité;
  • les installations de gaz nature ou les distributeurs de gaz naturel qui produisent annuellement au moins 25 000 tonnes de CO2;
  • les distributeurs de combustible qui vendent plus de 200 litres de combustible par année.

2. Système de réglementation et de contrôle

Les participants assujettis doivent s’inscrire au système de suivi des droits d’émission (CITSS) – le même système de suivi qu’utilisent le Québec et la Californie. Les émissions déclarées sont vérifiées par un tiers, et le ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique (Ministère) est chargé de la surveillance globale du programme en Ontario. Il faut aussi savoir que certaines industries qui produisent plus de 10 000 tonnes et moins de 25 000 tonnes de CO2 sont tenues de déclarer leurs émissions même si elles ne sont pas un participant assujetti dans le cadre du programme de plafonnement et d’échange. 

3. Droits d’émission et échange

Au départ, il existe des droits d’émission gratuits (qui diminuent avec le temps) et des droits d’émission qui peuvent être achetés lors de ventes aux enchères parrainées par le gouvernement ou par le biais d’opérations sur le marché secondaire. Le gouvernement de l’Ontario se réserve la possibilité de créer des droits d’émission supplémentaires lorsque les prix dépassent un plafond préétabli. Sur le marché, les participants assujettis peuvent acheter des crédits de réduction d’émissions ou des réductions mises en réserve, ou les deux. Les crédits de réduction d’émissions sont des crédits qui peuvent être échangés entre les participants de l’industrie ou d’autres participants inscrits non issus de l’industrie, alors que les réductions mises en réserve constituent des « outils de conformité » accordés aux entités par le Ministère pour les projets qui réduisent, captent, stockent ou éliminent les émissions non captées aux termes du système de plafonnement et d’échange. Les participants peuvent compenser jusqu’à 8 % de leurs émissions en achetant des réductions mises en réserve.

Le plafond limite le nombre de tonnes de carbone que les entreprises et les institutions peuvent émettre. Les entreprises doivent disposer de suffisamment de droits d’émission (crédits) pour compenser leurs émissions. En règle générale, pour se conformer à cette exigence, les entreprises peuvent : investir dans des technologies propres pour devenir plus efficientes; passer à des carburants à plus faible teneur en carbone; ou acheter des crédits additionnels (échange). Il est important de noter qu’en vertu de la loi ontarienne, chaque dollar recueilli par le biais du système de plafonnement et d’échange doit être réinvesti dans des projets qui réduisent la pollution par les gaz à effet de serre, notamment le transport en commun, les incitatifs pour les véhicules électriques et la rénovation de logements sociaux.

Le système de plafonnement et d’échange du Québec

Le système de plafonnement et d’échange du Québec a été adopté au moyen de modifications apportées à la Loi sur la qualité de l’environnement en 2009. Le système du Québec est en place depuis le 1er janvier 2013. Le système de l’Ontario a été adapté pour tenir compte des caractéristiques du système de plafonnement et d’échange du Québec et de celui de la Californie pour créer un lien entre ces régimes et, ainsi, créer un marché du carbone unique binational composé de trois territoires en date du 1er janvier 2018.

Marchés du carbone internationaux

La Californie dirige le quatrième marché du carbone en importance au monde qui met en jeu sept différents gaz à effet de serre (GES). En Californie, le programme d’échange s’applique aux grandes centrales électriques, aux installations industrielles et aux distributeurs de carburant, lesquels représentent 85 % des émissions de GES de l’État. Selon la réglementation, ces entités doivent faire rapport de leurs émissions tous les ans par l’intermédiaire du système CITSS. Le programme est mis en œuvre par le California Air Resources Board (CARB), et les entités doivent s’inscrire auprès de celui-ci pour participer à des ventes aux enchères de droits d’émission. En vertu des lois de la Californie, la fraude, ou toute tentative de manipuler le marché, est passible de pénalités civiles et pénales.

Selon le gouvernement de la Californie, il est prévu que système de plafonnement et d’échange de la Californie réduira les émissions de GES de 16 % entre 2013 et 2020. Cet objectif sera atteint grâce à un plafond qui diminue de 3 % par année entre 2015 et 2020. À long terme, il est prévu que le plafond diminuera de manière plus prononcée, avec un objectif de réduction des émissions de 40 % d’ici 2030. D’ici 2021, la Californie fixera un prix plafond ferme et un nombre illimité de droits d’émission seront disponibles à ce prix.

Comme les lois de l’Ontario et du Québec, les lois de la Californie exigent que l’État dépense les revenus qu’il tire des ventes aux enchères sur des projets environnementaux privilégiant la qualité de l’air, ainsi que sur des programmes qui profitent aux collectivités défavorisées. Les programmes de l’Ontario et du Québec sont maintenant liés au système californien, et les trois territoires tiennent des ventes aux enchères conjointes; les entreprises en Ontario, au Québec et en Californie qui sont assujetties à leurs programmes de plafonnement et d’échange respectifs peuvent acheter des droits d’émission et des réductions mises en réserve émis dans un autre territoire à leurs propres fins de conformité.

La Chine fait son entrée sur un marché mondial en croissance

Le 19 décembre 2017, la Chine a fait le premier pas pour lancer officiellement ce qui deviendra le plus grand marché du carbone au monde. Le marché chinois est estimé au lancement à 1,7 fois la taille du système d’échange de quotas d’émissions de l’Union européenne, qui est en application depuis 2005. Au lancement, la Chine se joint à d’autres pays de l’Asie comme la Corée du Sud, Tokyo et la Nouvelle-Zélande pour mettre en œuvre un programme national de plafonnement et d’échange de droits d’émission.

Sur le plan international, l’échange de droits d’émission a généré 30 milliards de dollars (américains) de recettes publiques en 2016 grâce à la mise aux enchères de quotas (droits d’émission). Selon les estimations, ce marché devrait atteindre 2 000 milliards de dollars d’ici 2020, et le carbone devrait devenir l’une des matières premières les plus échangées dans le monde. Si ces projections se réalisent, même en partie, de nombreuses possibilités s’offriront aux entreprises qui ont agi rapidement pour devenir des acteurs avertis et bien informés sur ces marchés, tant au Canada qu’à l’étranger.

Les auteurs souhaitent remercier Andrew Stewart, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité.



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