Un nouveau règlement visant l’accession à des paiements plus rapides et à un processus de règlement accéléré des différends pendant l’exécution des travaux entrera en vigueur le 8 septembre 2025 (Règlement), marquant ainsi un tournant majeur pour les intervenants de l’industrie de la construction. 

Inspiré du projet pilote mis en place en 2018, ce nouveau cadre vise à assurer une meilleure liquidité financière aux entrepreneurs et aux sous-traitants en imposant des délais de paiement stricts et en offrant un mécanisme de règlement accéléré des différends afin d’éviter que les activités en chantier ne soient ralenties ou paralysées.

Ce Règlement sera d’application immédiate pour tous les contrats et sous-contrats publics de construction visés par un appel d’offres lancé le ou après le 8 septembre 2025 et comportant une dépense égale ou supérieure à 750 000 $ pour un ouvrage se rapportant à un bâtiment ou comportant une dépense égale ou supérieure à 2,5 M$ pour un ouvrage de génie civil.


Le Règlement met en place deux nouveaux régimes complémentaires : 1) un processus de paiements rapides et 2) un processus de règlement rapide des différends.

Régime de paiements rapides 

Demandes de paiement et changements

Le premier volet du Règlement instaure un régime de paiements rapides. Le processus de paiements rapides sera enclenché par la transmission d’une demande de paiement par l’entrepreneur et/ou ses sous-traitants selon les modalités prévues au Règlement et les exigences contenues aux documents contractuels. Les demandes de paiement ainsi transmises seront réputées valides si elles ne font pas l’objet d’un refus dans les délais prévus. 

La valeur d’un changement contractuel devra désormais être fixée par l’organisme public (à défaut d’entente avec l’entrepreneur) dans un délai rapide et les sommes recevables devront être payées dans les délais prévus au Règlement, assurant ainsi aux entrepreneurs et aux sous-traitants une meilleure prévisibilité financière. 

En effet, la demande de paiement pourra inclure des travaux résultant d’un changement relatif à la portée des travaux prévus au contrat ou aux conditions d’exécution de celui-ci. Si le prix du changement n’a pas été convenu entre les parties ou déterminé par l’organisme public au moment où la demande de paiement est transmise, l’organisme ne pourra pour ce seul motif refuser de payer un montant au titre du changement. L’organisme devra procéder à la détermination du prix du changement et ne pourra refuser de payer que la partie du montant réclamé par l’entrepreneur pour le changement qui excède le prix ainsi déterminé.

De la même façon, un sous-traitant peut réclamer dans sa propre demande de paiement la valeur d’un changement non encore déterminée. L’entrepreneur pourra refuser de payer une partie du montant ainsi réclamé s’il est en désaccord avec la valeur des travaux établie par le sous-traitant, mais ne pourra refuser de payer le montant réclamé pour le changement pour le seul motif que sa valeur n’a pas été convenue avec l’organisme public ou déterminée par celui-ci. Pour éviter de devoir payer immédiatement la valeur du changement réclamée par le sous-traitant sans être assuré d’en être lui-même compensé, l’entrepreneur devra donc logiquement intégrer dans sa propre demande de paiement à l’organisme public le prix qu’il estime payable pour le changement concerné. Cela emportera obligation pour l’organisme de procéder à la détermination du prix du changement et d’en aviser l’entrepreneur dans le délai prévu s’il entend refuser en tout ou en partie le paiement demandé. 

Ces nouvelles règles auront assurément pour effet d’accélérer considérablement les délais de traitement des demandes de changements. Les donneurs d’ouvrage publics devront procéder à la détermination du prix d’un changement dans un délai de moins d’un mois de la réception d’une demande de paiement incluant la valeur de ce changement. 

Afin de bien visualiser les étapes et les délais du processus de paiements rapides, un exemple concret est disponible ici .

Déductions et retenues

Le Règlement prévoit également la possibilité pour un organisme public, un entrepreneur ou un sous-entrepreneur d’appliquer des déductions aux demandes de paiement.

Ainsi, un entrepreneur pourra déduire du montant payable à un sous-traitant toute somme réclamée pour des travaux qui ont fait l’objet d’un avis de refus en amont de la chaîne contractuelle, à condition d’en aviser ce sous-traitant dans les délais par l’envoi d’une copie de l’avis de refus sur lequel se fonde la déduction ainsi que d’un avis écrit précisant la valeur monétaire de la déduction. 

De même, lorsqu’un contrat ou un sous-contrat prévoit une clause pénale, le montant de la pénalité pourra être déduit du paiement à effectuer. 

L’organisme public a par ailleurs l’obligation de déduire, à même les paiements dus à l’entrepreneur, les montants correspondant à ses dettes fiscales.

Le Règlement autorise une retenue contractuelle maximale de 10 % pour garantir l’exécution des travaux. Cette retenue doit être prévue au contrat et l’entrepreneur peut l’appliquer à ses sous-traitants.

D’autres situations peuvent donner lieu à l’application d’une retenue par l’organisme public, par exemple pour : 1) satisfaire aux réserves afférentes aux vices et malfaçons de l’ouvrage; 2) réparer tout dommage causé par un entrepreneur ou un sous-traitant; 3) s’assurer que les créances des sous-traitants seront acquittées; 4) acquitter les créances des personnes, autres que les sous-traitants, qui peuvent faire valoir une hypothèque légale de la construction; ou 5) compenser le défaut par l’entrepreneur de transmettre les divers documents requis pour la libération du paiement final. Hormis pour le dernier cas, l’entrepreneur pourra fournir une sûreté suffisante garantissant l’exécution de ses obligations pour éviter l’application d’une retenue (par exemple, lorsqu’applicable, un cautionnement, un dépôt ou une garantie bancaire). 

Le Règlement vient aussi encadrer la réception de l’ouvrage. Il est notamment prévu que lorsqu’un entrepreneur considère que l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine et que l’organisme public tarde à le recevoir, il peut transmettre un avis écrit pour demander sa réception. L’organisme public dispose de 60 jours pour accepter ou refuser en motivant sa décision. S’il ne répond pas dans ce délai, l’ouvrage est réputé reçu et les sommes retenues pour garantir la bonne exécution des travaux deviennent exigibles à compter de la demande de paiement subséquente, sujet à des réserves applicables quant aux vices ou malfaçons apparents.

Soulignons enfin que le Règlement prévoit que l’organisme public pourrait ne pas être tenu au paiement d’une somme retenue « si l’entrepreneur n’exécute pas l’obligation qui est à l’origine de cette retenue à l’intérieur d’un délai raisonnable suivant la date à laquelle il est informé d’une telle retenue ». L’organisme pourrait alors utiliser cette somme pour exécuter lui-même ou faire exécuter l’obligation de l’entrepreneur par un tiers.

Exclusions du régime

La principale exclusion vise les contrats publics de construction conclus en situation d’urgence. Toute réclamation monétaire visant à compenser la perte de profits, la perte de productivité ou la perte d’une occasion d’affaires en relation avec un changement de la portée des travaux ou des conditions d’exécution d’un contrat ou d’un sous-contrat public est également exclue de la portée du Règlement.

Régime de règlement rapide des différends

Le deuxième volet du Règlement instaure un régime de règlement rapide des différends. Ce processus est enclenché par la transmission d’une demande d’intervention. Pour qu’une demande soit recevable, les parties doivent avoir déjà tenté préalablement de régler leur différend à l’amiable. Elles pourront ensuite soumettre à un tiers décideur accrédité une telle demande dans les délais de notification prévus au Règlement.

Une demande d’intervention peut notamment porter sur la validité d’une demande de paiement, sur le bien-fondé d’un refus de paiement, d’une déduction ou d’une retenue, sur l’existence ou la valeur d’un changement relatif à la portée des travaux ou des conditions d’exécution, sur l’exigibilité d’une somme d’argent ou sur toute autre question d’application ou d’interprétation du contrat ou du cadre normatif applicable.

Dans tous les cas, le recours au tiers décideur ne peut être exercé si le différend fait déjà l’objet d’une procédure judiciaire ou arbitrale. 

Le Règlement prévoit des modalités strictes de notification d’une demande d’intervention et de réponse qui visent à garantir que tous les intervenants de la chaîne contractuelle concernés soient informés et impliqués rapidement. Par exemple, lorsqu’une demande d’intervention découle d’une déduction appliquée par l’entrepreneur à un sous-traitant conformément au régime de paiements rapides, le défaut par l’entrepreneur de notifier la demande d’intervention à l’organisme public dans le délai prescrit emporte obligation pour celui-ci de payer au sous-traitant la somme équivalente à la déduction, sous réserve de son droit de la réclamer ultérieurement à l’organisme public.

Déroulement de l’intervention

Le nom du tiers décideur est choisi d’un commun accord ou par tirage au sort en cas de désaccord. Les honoraires du tiers décideur sont assumés à parts égales entre les parties au différend.

Une fois le tiers décideur désigné, les parties doivent soumettre leur exposé détaillant leurs prétentions. Le processus se veut expéditif et dans le respect du principe de proportionnalité. Sauf exception, la procédure se déroule oralement et les témoignages se font par déclarations écrites. Il n’est pas permis pour une partie d’être représentée par avocat dans le cadre de ce processus. 

La décision doit être rendue dans les 50 jours suivant la nomination du tiers décideur. La décision est confidentielle et met fin à l’intervention. Une partie tenue au paiement d’une somme d’argent aux termes d’une décision dispose de 20 jours suivant la notification de celle-ci pour s’exécuter.

Un schéma montrant les étapes et les délais associés au processus d’intervention selon les circonstances est disponible ici .

Ce processus étant ouvert à tous les intervenants de la chaîne contractuelle, une partie qui ne respecte pas le délai prescrit pour répondre à une demande d’intervention provenant de son cocontractant s’expose à se voir imposer une décision rendue par le tiers décideur la concernant.

De plus, une partie qui serait réputée s’être désistée de sa demande d’intervention, en raison par exemple du non-respect des délais, sera forclose de soumettre de nouveau une telle demande au tiers décideur ultérieurement.

Le processus de règlement d’un différend devant un tiers décideur n’empêche en rien les parties de recourir aux tribunaux de droit commun ou à l’arbitrage. D’ailleurs, une décision rendue par le tiers décideur, bien que mettant fin au processus d’intervention, ne met pas nécessairement un terme au différend entre les parties puisque le Règlement prévoit qu’une telle décision peut être déposée dans le cadre d’un recours ultérieur entrepris devant un tribunal de droit commun ou un arbitre, si ce recours porte sur le même différend et implique les mêmes parties. La décision rendue par le tiers décideur lie les parties jusqu’à ce que, le cas échéant, un jugement rendu par un tribunal ou une sentence arbitrale n’intervienne sur le même objet. Dans l’intervalle, les parties au différend doivent se conformer à la décision ainsi rendue. À défaut, l’exécution forcée de la décision peut être recherchée. Le paiement d’une somme d’argent conformément à une décision rendue par le tiers décideur n’emporte aucune reconnaissance de dette ou renonciation au droit d’en réclamer le remboursement total ou partiel dans le cadre d’une action en justice ou d’un arbitrage.

Ce nouveau processus devra être bien maîtrisé par tous les intervenants de la chaîne contractuelle et faire l’objet de suivis serrés par les équipes de projet.

Conclusion

L’application du Règlement sera progressive : d’abord pour les contrats les plus importants dès septembre 2025, puis pour l’ensemble des contrats publics d’ici 2027. Ce nouveau cadre aura une incidence majeure sur la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction. Tous les acteurs (donneurs d’ouvrage, entrepreneurs, sous-traitants et professionnels mandatés par les donneurs d’ouvrage) devront adapter rapidement leurs pratiques afin d’intégrer les nouvelles obligations relatives aux demandes de paiement et aux paiements, de même que celles concernant le mécanisme de règlement accéléré des différends. Les équipes de projet gagneront à être formées dès maintenant pour assurer la conformité aux nouvelles règles, minimiser les risques et tirer pleinement parti des avantages conférés par ce nouveau cadre. Une approche proactive permettra non seulement de protéger les intérêts de chacun, mais aussi de bénéficier d’une plus grande prévisibilité financière et d’une exécution plus fluide des chantiers publics.



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