Principaux points à retenir

  • Les entreprises qui bénéficient du Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE) seront tenues de publier un rapport annuel sur l’information relative aux changements climatiques et devraient s’inspirer des normes du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC) pour élaborer leur stratégie de communication à cet égard.
  • L’ajout au programme du CUGE de cette obligation de communication d’information relative aux changements climatiques concorde avec les politiques adoptées par le Canada en matière de changements climatiques et fait écho aux lignes directrices déjà publiées par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et la Banque du Canada qui réclamaient une information plus étoffée relativement aux changements climatiques et l’élaboration de scénarios à des fins d’analyse.
  • Les entreprises qui ne comptent pas se prévaloir du CUGE devraient se soucier de l’attention continue que portent le Canada et le monde entier aux risques et aux occasions associés aux changements climatiques et aux exigences de divulgation connexes. Elles devraient aussi évaluer la mesure dans laquelle leurs stratégies et pratiques en matière de communication de l’information sur les changements climatiques concordent déjà (ou non) avec les attentes des parties prenantes.

Demandes du CUGE et obligations connexes

Le CUGE annoncé récemment offre un financement intérimaire aux grandes entreprises actives dans tous les secteurs de l’économie canadienne, à l’exception du secteur financier (consultez ici le bulletin juridique de Norton Rose Fulbright déjà publié sur ce sujet pour obtenir plus de détails et connaître les exigences du programme).

Selon l’annonce initiale faite par le gouvernement fédéral le 11 mai 2020, les entreprises souhaitant se prévaloir du crédit auraient l’obligation de publier un rapport annuel sur l’information relative aux changements climatiques conformément aux normes de publication élaborées par le GIFCC mis sur pied par le Conseil de stabilité financière. 

Or, lorsque le gouvernement fédéral a publié ultérieurement le feuillet d’information sur le CUGE, celui-ci ne faisait plus référence aux normes du GIFCC. Le document précisait plutôt que les entreprises désirant obtenir du soutien devaient s’engager à publier un rapport annuel sur la divulgation financière relative aux changements climatiques dans lequel elles devaient souligner comment la gouvernance, les stratégies, les politiques et les pratiques de l’entreprise aideraient à gérer les risques et les occasions liés aux changements climatiques et contribueraient à la réalisation des engagements du Canada dans le cadre de l’Accord de Paris et de l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050. 

Bien que les grandes entreprises admissibles au CUGE consignent probablement déjà des informations relatives aux changements climatiques, ou disposent des outils appropriés pour ce faire, il reste à voir dans quelle mesure elles se prévaudront du programme. Certaines réactions initiales laissent entendre que le CUGE est considéré comme un « prêt de dernier recours » en raison des taux d’intérêt plus élevés et de la possibilité que le gouvernement prenne une participation dans l’entreprise ou vienne à exercer une surveillance à l’égard de celle-ci, et non en raison des obligations contraignantes liées à la publication de rapports sur le climat.  

Cadre du GIFCC

Bien que le feuillet d’information du gouvernement fédéral ne fasse plus explicitement mention du GIFCC, les entreprises songeant à se prévaloir du CUGE auraient tout intérêt à s’inspirer des normes élaborées par le GIFCC pour établir des paramètres de communication de l’information. Le GIFCC a pour mandat d’élaborer un ensemble uniforme d’informations à fournir à titre volontaire relativement aux risques financiers associés aux changements climatiques, qui prend en compte les risques physiques et ceux liés à la responsabilité et à la transition. Le cadre du GIFCC est également constitué d’un ensemble de recommandations ayant trait à la gouvernance, à la stratégie, à la gestion des risques ainsi qu’aux mesures et objectifs d’une société sur le plan de la communication d’information relatives au climat. 

Les normes du GIFCC gagnent en popularité depuis la publication de leur version initiale en 2017, comme en fait foi un sondage récent de Comptables professionnels agréés du Canada (CPA) qui révèle que 98 % de l’ensemble des entreprises publient actuellement de l’information relative au climat dans au moins l’une des quatre catégories recommandées du GIFCC. Étant donné l’utilisation et l’influence grandissantes du cadre du GIFCC, et l’appui que lui ont accordé les autorités de réglementation et les banques au Canada, les entreprises devraient songer à avoir recours au cadre pour les aiguiller dans leur communication d’information sur les changements climatiques. En outre, comme les investisseurs institutionnels insistent de plus en plus pour que les risques climatiques soient pris en compte et que la divulgation soit normalisée, le fait qu’il soit fait mention du GIFCC dans le programme du CUGE pourrait favoriser la normalisation des obligations canadiennes en matière de communication d’information sur le climat. 

L’obligation d’information sur le climat prévue par le CUGE se veut le prolongement des indications fournies antérieurement

L’ajout au programme du CUGE d’une obligation de communication d’information sur le climat et le renvoi aux normes du GIFCC témoignent de l’intérêt continu que suscite la normalisation de l’information relative aux changements climatiques. Au cours de la dernière année, les ACVM ont publié l’Avis 51-333 du personnel des ACVM, Indications en matière d’information environnementale et l’Avis 51-354 du personnel des ACVM, Rapport relatif au projet concernant l’information fournie sur le changement climatique qui insistent sur l’importance de la communication d’information sur les risques majeurs liés aux changements climatiques (consultez ici le bulletin juridique de Norton Rose Fulbright déjà publié sur ce sujet).

Les indications récentes formulées par les ACVM et l’analyse réalisée récemment par la Banque du Canada dont les conclusions sont présentées dans sa Revue du système financier (consultez également le bulletin juridique de Norton Rose Fulbright ici) et dans son Document d’analyse du personnel de même que les observations du Groupe d’experts sur la finance durable du Canada confirment que l’obligation de communication d’information sur le climat prévue par le CUGE est loin de constituer une simple préoccupation ponctuelle. Le document d’analyse du personnel publié le mois dernier souligne que les banques centrales intensifient leurs efforts pour évaluer les risques liés au climat et insiste sur la valeur qu’offre l’analyse de scénarios liés au climat pour établir des prévisions de scénarios hypothétiques.

Un point qu’il convient de mentionner en ce qui a trait aux obligations de communication d’information sur le climat qui doivent être remplies aux fins de l’octroi du CUGE : les entreprises doivent indiquer les mesures qu’elles prennent pour favoriser l’atteinte des objectifs précis fixés pour le Canada par le gouvernement fédéral pour 2050. Bien que les normes du GIFCC fassent état des objectifs de l’Accord de Paris, les indications des ACVM n’avaient jamais, jusqu’ici, fait mention de l’objectif fixé par le gouvernement canadien de zéro émission nette d’ici 2050. Par conséquent, les sociétés devraient se pencher sur ces nouvelles exigences, car elles pourraient être annonciatrices d’un changement de politiques au Canada.

Pour l’heure, on ignore si d’autres initiatives touchant les politiques climatiques seront mises en œuvre pendant la pandémie ou par la suite, mais force est de constater que ce type de divulgation semble bien implanté. Même si les entreprises décident de ne pas se prévaloir du CUGE, elles devraient néanmoins se préparer aux conséquences que posent les risques physiques et les risques de transition associés aux changements climatiques et prendre des dispositions pour faire rapport sur les risques climatiques relevés, en abordant notamment la gouvernance interne, les stratégies, les politiques et les pratiques visant à atténuer ces risques et à tirer parti des occasions qui se présenteront. 

Cette question revêt de plus en plus d’intérêt pour les parties prenantes, y compris les investisseurs, et les lignes directrices sur le sujet se font aussi de plus en plus nombreuses. En se penchant sur cette question dès maintenant, les entreprises seront mieux en mesure d’élaborer des plans stratégiques et de promouvoir la résilience en vue de l’après-pandémie de COVID-19. Les entreprises qui choisiront, finalement, de souscrire un prêt aux termes du CUGE pourraient également voir, en l’obligation de communication d’information sur les changements climatiques, une occasion d’élaborer ou d’améliorer leurs stratégies relatives au climat.



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