Dans le cadre du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, le gouvernement fédéral a récemment annoncé les balises qui encadreront le nouveau programme de Subvention d’urgence du Canada pour le loyer (SUCL), lequel se substitue au programme d’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (« AUCLC ») et se veut un programme distinct de celui-ci. Le projet de loi C-9, publié le 2 novembre dernier et établissant le nouveau programme de SUCL, a reçu la sanction royale le 19 novembre. Le programme de SUCL et le programme de Subvention salariale d’urgence du Canada (« SSUC ») ont en commun plusieurs caractéristiques sur le plan législatif et définitionnel. Pour de plus amples renseignements sur le programme de SSUC, veuillez consulter nos bulletins antérieurs publiés le 12 avril et le 23 juillet 2020.

Survol du programme de SUCL

Le programme de SUCL fournira une aide financière directe aux entités touchées par la pandémie de COVID-19 actuelle. Comme c’est le cas pour le programme de SSUC, il n’est pas nécessaire que l’entité démontre un lien entre la pandémie et sa baisse de revenu, bien qu’une partie de la subvention vise à soutenir tout particulièrement les entités ayant été touchées par les décrets de fermeture prononcés par les autorités de santé publique.

La SUCL peut servir à financer certaines dépenses engagées à l’égard d’un « bien admissible » (p. ex. le loyer et, dans le cas des entités propriétaires, certains paiements d’intérêts hypothécaires, coûts d’assurance, impôts fonciers et autres taxes similaires payés à l’égard d’un bien admissible). Les dépenses admissibles aux termes du programme de SUCL, appelées « dépenses de loyer admissibles », doivent avoir été payées par l’entité qui réclame la subvention de loyer même si ces dépenses ne sont pas toutes reliées à des baux.

L’entité dont le bien admissible est utilisé principalement pour gagner un revenu de location ne touchera pas, de façon générale, une subvention pour le loyer dans le cadre du programme de SUCL, à moins que le revenu de location ne soit gagné par une partie avec qui elle a un lien de dépendance et qui n’utilise pas le bien à cette fin. La SUCL ne peut être accordée dans le cas de biens constituant des « établissements domestiques autonomes ». Ces exclusions semblent rendre inadmissibles à la SUCL la plupart des locateurs commerciaux et ceux qui travaillent à domicile.

Qui peut faire une demande?

Le programme de SUCL et le programme de SSUC partagent plusieurs des mêmes critères d’admissibilité. Une organisation qui répond à la définition d’« entité admissible » aux termes du programme de SSUC (notamment les particuliers, les sociétés imposables, certaines sociétés de personnes, les organismes à but non lucratif et les organismes de bienfaisance enregistrés) sera admissible au programme de SUCL si (en plus de satisfaire à certaines exigences énoncées dans la demande) l’entité i) avait un compte de paie ou faisait appel à un fournisseur de services de la paie en date du 15 mars 2020 ou ii) avait un numéro d’entreprise le 27 septembre 2020 et fournit, à l’appui de sa demande, des registres et autres renseignements à la satisfaction de l’Agence du revenu du Canada (ARC). D’autres exigences prescrites par règlement relativement au programme pourraient s’ajouter à une date ultérieure. L’expression « locataire admissible » désigne une entité admissible à la SUCL, ce qui pourrait prêter à confusion puisque l’entité en question ne loue pas nécessairement un bien d’un locateur. 

La période d’application

Selon ce qui est envisagé actuellement, le programme de SUCL serait en vigueur pour des périodes de quatre semaines et serait d’application rétroactive au 27 septembre 2020 jusqu’au 19 décembre 2020 (ce qui correspond aux « périodes d’admissibilité » prévues aux termes du programme de SSUC). Le programme peut potentiellement être reconduit pour des périodes additionnelles jusqu’au 30 juin 2021, sous réserve d’ajustements possibles.

Volets de la SUCL

La SUCL est destinée aux locataires admissibles ayant subi une baisse de revenu au cours de la période d’admissibilité pertinente, laquelle baisse est calculée de la même manière qu’aux fins du programme de SSUC. La SUCL comprend deux volets :

  1. Subvention de base. À l’instar de la subvention salariale accordée aux termes du programme de SSUC, le montant de la subvention de base prévue par le programme de SUCL est calculé selon une échelle mobile d’après la baisse de revenu subie par le locataire admissible au cours de la période pertinente. La subvention de base maximale dont peut se prévaloir un locataire admissible est calculée en fonction d’une subvention à hauteur de 65 % des dépenses de loyer admissibles payées à l’égard de biens admissibles, jusqu’à concurrence de 75 000 $ par bien admissible (p. ex., 65 % x 75 000 $ = un paiement de 48 750 $ par bien admissible au titre de la SUCL). Ce montant pourrait être accordé au locataire admissible ayant subi une baisse de revenu d’au moins 70 %. Un locataire admissible, de concert avec toutes les entités admissibles avec lesquelles il est affilié au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (Loi de l’impôt), peut réclamer collectivement la subvention de base pour des dépenses de loyer admissibles pouvant atteindre 300 000 $ à l’égard de tous les biens admissibles par période d’admissibilité.
  2. Indemnité de confinement. Le programme de SUCL comprend une subvention complémentaire sous forme d’indemnité de confinement compensatoire qui peut intervenir lorsqu’un locataire admissible a subi une baisse de revenu au cours de la période d’admissibilité et est visé par certaines « restrictions sanitaires » imposées en réponse à la pandémie de COVID-19. L’indemnité de confinement complémentaire correspond à 25 % des dépenses de loyer admissibles payées à l’égard de biens admissibles, jusqu’à concurrence de 75 000 $ par bien admissible (p. ex., 25 % x 75 000 $ = un paiement de 18 750 $ par bien admissible au titre de la SUCL). Cette subvention compensatoire est établie au prorata en fonction de la proportion de la période d’admissibilité au cours de laquelle le bien admissible est visé par la restriction sanitaire. Contrairement au volet que représente la subvention de base, le volet associé à l’indemnité de confinement n’est pas plafonné.

Autres éléments clés du nouveau programme de SUCL

  • Aucune restriction quant à la taille de l’entreprise. Alors que le programme d’AUCLC n’était destiné qu’aux propriétaires de petites entreprises dont le loyer mensuel brut par emplacement était d’au plus 50 000 $, la SUCL ne viserait pas uniquement les petites entreprises, mais serait étendue aux entités de toutes tailles pourvu qu’elles remplissent les critères d’admissibilité.
  • Soutien direct pour le loyer. Il convient de noter que la SUCL sera accordée directement aux entités touchées. En effet, la SUCL procurera une aide financière aux locataires admissibles sans que ces entités aient à faire une demande par l’intermédiaire de leurs locateurs. Par conséquent, les locateurs et locataires ne seront pas tenus de conclure entre eux des ententes de réduction du loyer comme c’était le cas pour les demandes d’AUCLC. Les locataires pourraient toujours envisager de conclure de telles ententes pour aider à éponger l’écart lié aux obligations au titre du loyer non couvertes par la SUCL.
  • Restrictions sanitaires. Une restriction sanitaire s’entend généralement d’un décret ou d’une décision qui est pris en réponse à la pandémie de COVID-19 aux termes duquel certaines ou toutes les activités de l’entité admissible prenant place au bien admissible, ou afférentes au bien admissible, doivent cesser pendant une période d’au moins une semaine.
  • Des subventions au lieu de prêts-subventions. À la différence du programme d’AUCLC, la SUCL ne prendra pas la forme de prêts-subventions consentis aux propriétaires d’immeubles commerciaux admissibles. Le programme de SUCL prévoit plutôt le versement d’une subvention à l’entité qui engage certaines dépenses et sera administré par l’ARC
  • Mécanisme d’octroi des subventions et traitement fiscal. Le montant de la SUCL qui est versé à un locataire admissible sera réputé constituer un paiement d’impôt en trop de sa part en vertu de la Loi de l’impôt au cours de la période d’admissibilité applicable. L’impôt dont est redevable le locataire admissible sera réduit en conséquence ou un remboursement d’impôt sera payable au locataire admissible et lui sera remis par l’ARC. Comme c’est le cas pour le programme de SSUC, le montant de la SUCL reçu sera considéré comme une aide gouvernementale et entrera dans le calcul du revenu du locataire admissible; toutefois, l’inclusion de cet élément devrait généralement être contrebalancée par une déduction équivalente au titre des dépenses de loyer admissibles, ce qui se soldera par une incidence neutre sur le plan de l’impôt. L’ARC commencera à traiter les demandes le 30 novembre 2020, et si le locataire admissible est inscrit au dépôt direct, il devrait commencer à recevoir des paiements dans les trois à huit jours qui suivent le dépôt de sa demande.

Dans quel contexte les mesures anti-évitement s’appliquent-elles?

La loi contient des règles anti-évitement pouvant s’appliquer si une entité admissible prend, ou omet de prendre, des mesures, menant à une réduction du revenu admissible ou à une augmentation des dépenses de loyer admissibles. Si l’un des objectifs principaux motivant cette action ou inaction peut être raisonnablement considéré comme ayant pour but d’augmenter le montant de la SUCL reçue, la personne présentant la demande se verra refuser la SUCL et pourrait être passible d’une pénalité correspondant à 25 % du montant réclamé. Par conséquent, les personnes présentant une demande de SUCL doivent veiller à ne pas déclencher par inadvertance l’application des règles anti-évitement et devraient consulter leurs conseillers juridiques relativement à toute opération future pouvant faire intervenir ces mesures.

Nouveaux défis

La loi semble avoir pris en compte certaines des contraintes du programme d’AUCLC, puisqu’elle a notamment éliminé l’exigence voulant que les propriétaires d’immeubles fassent une demande pour le compte de leurs locataires (le contrôle du processus de demande étant désormais dévolu aux locataires) de même que les restrictions relatives à la taille de l’entreprise. Ainsi, en plus de se révéler plus direct et accessible, ce programme semble mieux répondre aux besoins des locataires. Un défi évident réside dans l’aspect temporel (à savoir le décalage entre le paiement des dépenses admissibles et la réception de la SUCL) et le problème de liquidités potentiel auquel les locataires admissibles peuvent toujours être confrontés. Comme le programme de SUCL semble soulever certaines questions fiscales précises, nous encourageons les personnes qui présenteront une demande à exercer une certaine vigilance compte tenu des incidences fiscales potentiellement défavorables.

Les auteurs désirent remercier Richard Li, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.



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