Le 30 mai 2022, il y aura 25 ans que la Loi type sur l’insolvabilité internationale (Loi type) a été adoptée par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international dans le but de rendre le traitement des insolvabilités transfrontalières plus efficace. Depuis, la Loi type a été adoptée dans 50 territoires seulement.

Heureusement, le Canada fait partie de ces territoires, la Loi type y ayant été adoptée en 2009. Communément appelées la « partie IV » (en conséquence des dispositions composant la « partie IV » de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC)), les nouvelles dispositions de la Loi type ont remplacé ce qui constituait auparavant l’article 18.6 de la LACC. Bien que l’article 18.6 ait longtemps servi aux fins de la reconnaissance des procédures étrangères, la promulgation de la partie IV a simplifié encore plus la restructuration de nombreuses entreprises multinationales et cette partie est devenue un outil important et pertinent au moment d’entreprendre la restructuration d’un groupe international de sociétés.

Même si elle s’inspire fortement de la Loi type, la partie IV renferme un certain nombre de facteurs distinctifs ainsi que des pratiques reconnues (et attendues) qui la rendent on ne peut plus canadienne. Certains de ces facteurs sont présentés ci-dessous.

  • Traitement des groupes de sociétés : Les tribunaux ont jugé que le lieu des principales affaires (LPA) d’une filiale canadienne se trouve ailleurs (même si elle a un siège social canadien), particulièrement lorsque la filiale canadienne s’en remet principalement à sa société mère étrangère pour ce qui est des fonctions de soutien administratif, de gestion ou autres.

     

  • Critère élevé à l’égard de la contravention à l’« ordre public » : En vertu de la partie IV, le tribunal jouit d’un vaste pouvoir pour rendre toute ordonnance qu’il juge nécessaire afin de protéger les biens d’un débiteur ou les intérêts d’un ou de plusieurs créanciers, pourvu que cette ordonnance ne contrevienne pas à l’« ordre public ». Bien que les limites de cette disposition n’aient pas encore été mises à l’épreuve, les tribunaux canadiens ont été enclins à reconnaître des ordonnances étrangères accordant un redressement qui contreviendraient autrement aux principales parties de la LACC, ce qui comprend notamment la reconnaissance des mécanismes de type « roll-up DIP ». (dans certaines circonstances).

     

  • Incidences sur les parties prenantes canadiennes : Les tribunaux accordent autant d’importance au fait de comprendre tout préjudice indu qui pourrait affecter les parties prenantes canadiennes qu’aux objectifs de courtoisie et de facilitation de la restructuration. Peu de jurisprudence existe à ce sujet, mais il s’agit d’une préoccupation fondamentale du tribunal lorsqu’il statue sur des demandes et des requêtes en vertu de la partie IV. Cela a été particulièrement le cas, par exemple, lorsque les actifs canadiens n’avaient pas été grevés intégralement antérieurement ou lorsque l’entreprise canadienne avait par ailleurs une valeur d’entreprise en soi. Cette question pourrait également se poser dans les cas où les lois se rapportant à la priorité de certaines réclamations n’ont pas été reconnues dans le cadre du traitement des réclamations en vertu d’un plan.

     

  • Communication et coopération transfrontalières : Le Canada et les États-Unis font preuve de coopération et de courtoisie depuis longtemps, tant de façon formelle que de façon informelle. Bien que des protocoles officiels portant sur la communication entre les tribunaux aient été adoptés dans certains cas, les tribunaux encouragent la coordination entre les tribunaux compétents même en l’absence d’un protocole officiel. Dans d’autres cas, le tribunal a adopté des protocoles à l’égard d’aspects de fond plus importants, comme la compétence et le droit applicable, pour régler des réclamations transfrontalières.

     

  • Nomination d’un agent d’information : Bien que ce ne soit pas prévu dans la partie IV, il est généralement attendu que le débiteur propose un « agent d’information » indépendant qui agira en tant que mandataire du tribunal dans le cadre d’une procédure en vertu de la partie IV. S’il propose qu’il n’y ait pas d’agent d’information dans le cadre d’une procédure, le requérant doit justifier sa demande. L’agent d’information est généralement un syndic autorisé en insolvabilité qui pourrait par ailleurs agir en qualité de « contrôleur » nommé par le tribunal dans le cadre d’une procédure plénière en vertu de la LACC. Les tribunaux se fient beaucoup à l’analyse de l’agent d’information, particulièrement en ce qui a trait aux aspects financiers et aux autres aspects liés aux flux de trésorerie ainsi que pour tout préjudice disproportionné que pourraient subir les parties prenantes canadiennes en conséquence du redressement demandé.

Nous avons la chance inouïe au Canada de disposer de tribunaux commerciaux très avertis qui entendent des affaires se rapportant aux restructurations de sociétés. Les dispositions de la partie IV ont contribué à codifier davantage le vaste pouvoir qu’ont les tribunaux de faire preuve de courtoisie et d’accorder des recours étendus et créatifs, s’il en existe, lorsque les circonstances le justifient. Même si les principes de courtoisie et les dispositions législatives concernant les procédures étrangères existaient bien avant l’adoption de la Loi type au Canada, il va sans dire que ces dispositions ont permis de faciliter les restructurations internationales et ont entraîné un certain degré de prévisibilité et de certitude pour les débiteurs, créanciers et autres parties intéressées de l’étranger.

Ressources additionnelles :

  • « A Divine Comity: A Canadian Perspective on the Balance Between International Cooperation and the Preservation of National Autonomy », www.iiiglobal.org
  • « Operating Part IV Proceedings: How to Advise A Company in Chapter 11 », I.I.C. Art., vol. 5-6?

 



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