Le 7 avril 2022, la ministre des Finances a déposé le budget fédéral 2022 (budget 2022).

Certaines mesures fiscales clés proposées dans le budget 2022 visent les sociétés privées canadiennes. Si elles étaient promulguées, ces nouvelles mesures i) permettraient à davantage de sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) de taille moyenne de bénéficier de la déduction accordée aux petites entreprises, ii) modifieraient les dispositions nouvellement promulguées en vue de faciliter les transferts d’entreprise intergénérationnels tout en protégeant l’intégrité du système fiscal et iii) prévoiraient de nouvelles règles conçues pour prévenir la manipulation du statut de SPCC ou l’utilisation d’une société étrangère affiliée contrôlée d’une manière qui contournerait les régimes anti-report et d’intégration applicables au revenu passif des SPCC.

Vous trouverez ci-dessous un sommaire de ces nouvelles mesures.


Déduction accordée aux petites entreprises

La déduction accordée aux petites entreprises permet aux SPCC de faire passer leur taux d’imposition fédéral des sociétés de 15 % à 9 % à l’égard de la première tranche de 500 000 $ de leur revenu provenant d’une entreprise exploitée activement (plafond des affaires). Le plafond des affaires est toutefois assujetti à une réduction progressive sur une base linéaire si i) le capital imposable utilisé au Canada de la SPCC et de toute société associée se situe entre 10 et 15 millions de dollars (réduction du capital imposable) et si ii) le revenu de placement total rajusté de la SPCC et de toute société associée se situe entre 50 000 $ et 150 000 $ (réduction du revenu de placement). La réduction du plafond des affaires équivaut généralement au montant le plus élevé entre la réduction du capital imposable et la réduction du revenu de placement.

Le budget 2022 propose de porter la limite supérieure de réduction du capital imposable de 15 millions de dollars à 50 millions de dollars, ce qui permettrait ainsi à davantage de SPCC de taille moyenne de bénéficier de la déduction accordée aux petites entreprises. Cette nouvelle mesure n’affectera cependant pas les fourchettes applicables à la réduction du revenu de placement. En conséquence, les SPCC et les sociétés associées ayant un revenu de placement total dépassant 150 000 $ seraient incapables de réclamer la déduction accordée aux petites entreprises.

Si elle était promulguée, cette mesure s’appliquerait aux années d’imposition qui commencent à compter du 7 avril 2022.

Transferts d’actions intergénérationnels

Le projet de loi C-208 a reçu la sanction royale le 29 juin 2021 et modifiait la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (LIR) de façon à faciliter les transferts d’actions intergénérationnels (règles relatives aux transferts intergénérationnels). Le jour suivant la sanction royale, le ministère des Finances du Canada a précisé dans une déclaration publique que les règles relatives aux transferts intergénérationnels ne s’appliqueraient qu’à compter du 1er janvier 2022.

Dans une déclaration subséquente faite le 19 juillet 2021, le ministère des Finances est revenu sur sa position et a confirmé que les règles relatives aux transferts intergénérationnels avaient force de loi, mais a indiqué qu’elles renfermaient plusieurs échappatoires importantes qui pourraient permettre involontairement le dépouillement de surplus. Le communiqué confirmait également l’intention du gouvernement de proposer des modifications législatives traitant des problèmes tels que :

  • l’obligation de transférer le contrôle juridique et le contrôle de fait de la société exploitant l’entreprise du parent à son enfant ou à son petit‑enfant;
  • le niveau de propriété de la société exploitant l’entreprise que le parent peut conserver pendant une période raisonnable suivant le transfert;
  • les obligations et le calendrier pour que le parent transfère sa participation dans l’entreprise à la génération suivante;
  • le niveau de participation de l’enfant ou du petit‑enfant à l’entreprise suivant le transfert.

Le budget 2022 annonce un processus de consultation sur la façon dont les règles existantes pourraient être renforcées en vue de protéger l’intégrité du système fiscal tout en continuant de permettre les véritables transferts intergénérationnels d’entreprises. Bien qu’aucun projet de loi n’ait été publié avec le budget 2022, le gouvernement a annoncé son intention de déposer un projet de loi à l’automne 2022, après la conclusion du processus de consultation. 

SPCC en substance

Dans le but de prévenir certains stratagèmes de planification fiscale conçus pour éviter ou perdre le statut de SPCC, le budget 2022 introduit le nouveau concept de « SPCC en substance ».

Une SPCC en substance serait définie comme une société privée (autre qu’une SPCC) qui, à un moment donné d’une année d’imposition, i) est contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par un ou plusieurs particuliers résidant au Canada, ou ii) soit, si chaque action du capital-actions d’une société appartenant à un particulier résidant au Canada appartenait à un particulier donné, serait contrôlée par ce dernier. 

Ainsi, une société privée serait une SPCC en substance même si un non résident avait le droit d’acquérir la totalité de ses actions. Une règle anti évitement spécifique serait également introduite afin qu’une société soit réputée une SPCC en substance s’il est raisonnable de considérer que l’un des objets d’une « opération » (au sens du paragraphe 245(1) de la LIR), ou d’une série d’opérations, était de faire en sorte que la société ne se qualifie pas à titre de SPCC en substance. 

Cette nouvelle mesure ferait en sorte que le revenu de placement total gagné par une SPCC en substance soit imposé de la même manière qu’une SPCC (c’est à-dire à un taux d’imposition fédéral de 38⅔ %, dont 30⅔ % serait remboursable au moment de la distribution de revenu de placement sous forme de dividendes, conformément à la LIR). De plus, le revenu de placement gagné par une SPCC en substance serait ajouté à son « compte de revenu à taux réduit » de sorte que les distributions de ces revenus sous forme de dividendes ne donneraient pas à un actionnaire qui serait un particulier le droit à un crédit d’impôt pour dividendes bonifié.

Si elle est adoptée, cette mesure s’appliquerait aux années d’imposition se terminant à compter du 7 avril 2022, à l’exception de certaines années d’imposition qui prendraient fin en raison d’une acquisition de contrôle causée par la vente de la totalité, ou presque, des actions d’une société à un acheteur sans lien de dépendance aux termes d’une convention d’achat vente écrite intervenue avant le 7 avril 2022 pourvu que la vente ait lieu avant la fin de 2022.

Règles de REATB applicables aux SPCC et aux SPCC en substance

Les règles relatives au revenu étranger accumulé tiré de biens (REATB) empêcher les contribuables de bénéficier d’un report d’impôt en gagnant certains types de revenus au moyen de sociétés étrangères affiliées contrôlées en incluant la part de participation de l’actionnaire canadien dans le REATB de la société étrangère affiliée contrôlée au revenu de cet actionnaire canadien (même si aucune distribution n’a été faite par la société étrangère affiliée contrôlée). Si l’actionnaire canadien est une SPCC, le revenu est alors assujetti à un taux d’imposition fédéral de 38⅔ %, dont 30⅔ % est remboursable au moment de la distribution.  

Une telle inclusion au revenu au titre du REATB est assujettie à une déduction au titre de « l’impôt étranger payé » (généralement désigné par le terme « impôt étranger accumulé »), multipliée par un « facteur fiscal approprié ». En vertu de la législation actuelle, il existe deux « facteurs fiscaux appropriés » différents, un qui s’applique aux sociétés et à certaines sociétés de personnes (avec un facteur de 4) et un autre applicable aux particuliers (avec un facteur de 1,9). 

Le « facteur fiscal approprié » applicable à une société procure généralement une déduction égale au plein montant du revenu au titre du REATB lorsque le taux d’imposition étranger accumulé est d’au moins 25 % (alors que le taux d’imposition étranger accumulé d’une société étrangère affiliée contrôlée d’un particulier doit s’élever à au moins 52,63 % pour donner droit à une déduction similaire). De plus, l’inclusion de certains montants au titre du REATB fait généralement augmenter le « compte de revenu à taux général » d’une SPCC donnant ainsi à celle ci le droit de verser des dividendes déterminés, ce qui procure un avantage fiscal additionnel comparativement au revenu de placement gagné par une SPCC au Canada. 

Afin d’éliminer les incitatifs fiscaux que les SPCC et les SPCC en substance tireraient à gagner un revenu de placement au moyen d’une société étrangère affiliée contrôlée, le budget 2022 propose i) d’appliquer le « facteur fiscal approprié » des particuliers aux SPCC et aux SPCC en substance, ii) d’éliminer certains montants du « compte de revenu à taux général » des SPCC et iii) d’ajouter certains montants au compte de dividendes en capital des SPCC et des SPCC en substance, et ce, dans une tentative de permettre que le revenu assujetti à un taux d’imposition de 52,63 % ou plus soit transféré sans conséquence fiscale à un actionnaire particulier tout en veillant à ce que le revenu assujetti à un taux d’imposition inférieur fasse l’objet d’un niveau d’imposition approprié sur une base pleinement distribuée. 

Ces mesures, si elles sont adoptées, s’appliqueraient aux années d’imposition commençant à compter du 7 avril 2022. 

Les auteurs désirent remercier Michel Gosselin-Trépanier, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.

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