Approbation de quittances en faveur de tiers en vertu de la LACC : la Cour réduit le fardeau de preuve dans Aquadis

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Mondial Publication Septembre 2018

Un contrôleur nommé en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) peut intenter un recours en dommages contre des tiers au nom de la société débitrice en vue de maximiser la valeur des actifs de cette dernière au profit de ses créanciers.

Lorsqu’une transaction intervient avec certaines défenderesses, ces dernières insisteront habituellement pour obtenir une quittance complète approuvée par la cour. Les tribunaux approuveront généralement une quittance si elle est juste et raisonnable dans les circonstances et si les droits (tant procéduraux que substantiels) des défenderesses non visées par le règlement sont protégés.

Dans une décision récente, les critères d’approbation d’une quittance en faveur d’un tiers ont toutefois été considérablement abaissés. Dans l’affaire Aquadis1, la Cour a effectivement approuvé une entente de règlement i) accordant une quittance à certaines défenderesses qui n’avaient pas contribué au règlement, ii) n’offrant aucune protection procédurale aux parties non visées par le règlement et iii) offrant une protection limitée aux droits substantiels des parties non visées par le règlement.

Les faits

La société débitrice 9323-7055 Québec inc. (anciennement connue sous le nom d’Aquadis International inc.) exploitait une entreprise de vente en gros d’accessoires de plomberie. Cette entreprise a cependant connu de graves difficultés financières lorsque les assureurs de propriétaires, ayant subi des dommages importants causés par certains robinets défectueux fournis par Aquadis, ont intenté des recours subrogatoires contre cette dernière. La valeur de ces recours était évaluée à environ 22 M$. De plus, le contrôleur évaluait la valeur des recours futurs potentiels à environ 25 M$ additionnels.

Dans le but de maximiser la valeur des actifs d’Aquadis, le contrôleur a intenté des recours contre le fabricant et le distributeur des robinets ainsi que leurs assureurs respectifs. La Cour a aussi autorisé le contrôleur à intenter des recours contre les détaillants qui avaient vendu les robinets aux consommateurs, non pas au nom de la société débitrice insolvable (qui ne disposait d’aucun recours contre les détaillants), mais au nom des créanciers de celle-ci (c’est-à-dire les sociétés d’assurance de biens ayant déposé des recours subrogatoires contre Aquadis).

Le contrôleur a par la suite reçu des offres de règlement de la part des assureurs du fabricant et du distributeur et a demandé à la Cour d’approuver les ententes de règlement. Les détaillants se sont cependant opposés à cette demande au motif que les ententes accordaient une quittance au fabricant et au distributeur même s’ils n’avaient pas contribué financièrement au règlement.

Les détaillants alléguaient également que les modalités des offres allaient à l’encontre de leur droit de présenter un recours récursoire contre le fabricant et le distributeur. Pour contrer ce dernier argument, les offres ont été modifiées par l’ajout d’une clause prévoyant que la responsabilité éventuelle des détaillants serait réduite de toute somme qu’ils auraient pu récupérer auprès du fabricant ou du distributeur n’eût été du règlement.

La décision

La Cour a rejeté les arguments des détaillants et a approuvé les offres de règlement, soulignant que les offres découlaient d’un processus équitable et qu’elles étaient dans l’intérêt des créanciers. Le fait que le fabricant et le distributeur étaient quittancés même s’ils ne contribuaient pas financièrement au règlement (seuls leurs assureurs contribuaient aux règlements) n’a pas été jugé suffisamment important pour priver les créanciers du bénéfice des montants de règlement.

La Cour a également jugé que la clause ajoutée aux ententes, bien qu’imparfaite, était valide dans les circonstances puisqu’elle était conforme au principe de l’article 1531 du Code civil du Québec (CcQ)2 et aux dispositions similaires prévues dans les ententes de type Pierringer. La Cour en est venue à cette conclusion malgré le fait que l’application de la clause aux réclamations futures éventuelles (évaluées à 25 M$ par le contrôleur) était extrêmement problématique et que, contrairement à la situation prévalant habituellement dans des ententes de type Pierringer, la responsabilité entre les différentes défenderesses n’était pas solidaire dans les circonstances. Le fait que les offres de règlement ne protégeaient aucunement les droits procéduraux des détaillants n’a fait l’objet d’aucune considération par la Cour.

Les conséquences

La décision dans Aquadis démontre que les tribunaux peuvent être parfois disposés à réduire le fardeau de preuve en ce qui a trait aux conditions d’approbation des offres de règlement prévoyant des quittances en faveur de tiers. Il semble que dans la mesure où le tribunal estime que l’offre de règlement est dans l’intérêt des créanciers et de la restructuration ou liquidation de la société débitrice, les critères qui ont été développés par la jurisprudence établie peuvent être appliqués avec plus de souplesse et au détriment des droits substantiels et procéduraux des défenderesses qui ne sont pas parties à l’entente des tierces parties.

Les répercussions de la décision Aquadis sont toutefois difficiles à prévoir. Même si la permission d’en appeler du jugement de première instance a été rejetée pour la Cour d’appel au motif que les ententes de règlement avaient déjà été exécutées au moment où elle a été saisie du dossier, la Cour d’appel a ajouté ce qui suit : [TRADUCTION] « […] cette Cour ne s’est pas penchée sur l’incidence des quittances globales dans le cadre de règlements partiels (par opposition à des règlements globaux) et la jurisprudence dans le reste du Canada n’est pas fermement établie. » Il sera donc intéressant de voir si les tribunaux canadiens suivront la décision Aquadis ou s’ils s’en tiendront plutôt aux critères plus stricts élaborés dans la jurisprudence antérieure.

Notes


Notes

1
Arrangement relatif à 9323-7055 Québec inc. (Aquadis International Inc.), 2018 QCCS 2945, permission d’appel à la Cour d’appel refusée (15 août 2018), Montréal 500-09-027630-185 [Aquadis].

2
Article 1531 du CcQ : « Le débiteur solidaire qui, par le fait du créancier, est privé d’une sûreté ou d’un droit qu’il aurait pu faire valoir par subrogation, est libéré jusqu’à concurrence de la valeur de la sûreté ou du droit dont il est privé. »



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