Le 17 novembre, le gouvernement du Canada a lancé une consultation dans le cadre de l’examen de la Loi sur la concurrence (Loi) et a publié un document de travail présentant plusieurs propositions en vue de moderniser la Loi. Cet examen, qui est le premier examen complet de la Loi depuis 2007, fait suite à des examens semblables du droit de la concurrence menés aux États Unis, dans l’Union européenne, au Royaume-Uni et en Australie. Il fait également suite à l’annonce faite plus tôt cette année par le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie (ministre) de la volonté de procéder à un examen complet de la Loi et du cadre stratégique en matière de concurrence au Canada. Les premières modifications ciblées visant la Loi ont été adoptées en juin 2022, et ce n’était que le début1. Il est fort probable que cette consultation mène à d’importants changements touchant la Loi et son application.


Au moment de l’annonce de l’examen, le ministre a indiqué que le gouvernement envisageait de modifier considérablement le régime de la concurrence canadien et les grands thèmes de la consultation ont été dévoilés. La portée de l’examen englobe tant les dispositions substantives de la Loi que le rôle et les pouvoirs du Bureau de la concurrence (Bureau). Dans la première phase de la consultation, les parties sont invitées à transmettre leur rétroaction en réponse au document de travail d’ici le 27 février 20232. Par contre, la façon dont les choses se dérouleront par la suite est moins claire.  

Nous continuerons de suivre les prochaines étapes du processus de consultation et de surveiller le moment où les modifications à la Loi pourraient être déposées. En 2009 et en 2022, d’importantes modifications à la Loi ont été intégrées à la loi d’exécution du budget – une façon de faire qui suscite d’ordinaire beaucoup moins d’attention que des modifications législatives de fond pouvant toucher considérablement la façon dont les entreprises font des affaires au Canada. Les modifications éventuelles à la Loi mentionnées dans le document de travail pourraient avoir de larges ramifications pour l’économie canadienne. Conséquemment, les sociétés auraient tout intérêt à bien connaître les étapes et le moment de l’adoption de celles-ci.

Domaines d’examen proposés et modifications éventuelles 

Le document de travail décrit les changements de fond qui pourraient être apportés dans de nombreux domaines du droit canadien de la concurrence.

Examen des fusions

  • Réviser les règles entourant les préavis de fusion pour mieux déceler les fusions anticoncurrentielles.
  • Porter le délai de prescription visant la période d’examen pour les fusions ne devant pas faire l’objet d’un avis à trois ans ou création d’un lien entre ce délai et une déclaration volontaire pour les fusions qui ne répondent pas au seuil au-delà duquel le préavis de fusion est exigé.
  • Assouplir les conditions pour l’obtention de mesures provisoires lorsque le commissaire conteste une fusion et demande une injonction.
  • Restreindre l’application de la défense fondée sur les gains en efficience aux situations dans lesquelles la fusion ne causerait pas de préjudices aux consommateurs ou aux fournisseurs. 
  • Revoir les critères pour l’application de mesures correctives à l’égard de fusions, par exemple pour assurer une meilleure protection contre les préjudices concurrentiels potentiels ou mieux tenir compte des effets des fusions sur les marchés du travail. 

Abus de position dominante

  • Inclure les comportements dominants de facto dans la définition des notions de domination ou de domination conjointe pour englober les agissements d’entreprises qui ne sont pas individuellement en position évidente de domination, mais qui exercent ensemble une influence anticoncurrentielle sensible sur le marché.
  • Adopter des présomptions ou des règles très claires à l’égard des entreprises ou des plateformes dominantes en ce qui concerne leurs comportements ou acquisitions afin d’harmoniser davantage le droit de la concurrence au Canada avec celui d’autres territoires tout en évitant des mesures d’application excessives.
  • Simplifier le critère pour déterminer s’il convient d’utiliser une ordonnance corrective, par exemple se pencher sur la pertinence de l’intention ou des effets concurrentiels comme c’est actuellement le cas. 
  • Regrouper les dispositions relatives aux comportements unilatéraux en une seule disposition traitant de l’abus de position dominante ou de pouvoir sur le marché ou réorienter les dispositions relatives aux comportements unilatéraux autres que l’abus de position dominante pour servir d’autres objectifs de la Loi, comme l’équité sur le marché.

Collaborations entre concurrents

  • Établir un mécanisme de déclaration obligatoire ou un processus d’autorisation volontaire pour les types d’accords qui pourraient poser problème. 
  • Réintroduire la collusion entre acheteurs (au-delà de la seule coordination concernant la main-d’œuvre) dans la disposition de la Loi sur le complot criminel, ou envisager un régime civil per se pour ce comportement (c. à d. sans exigence que le comportement nuise à la concurrence).
  • Permettre l’examen des collaborations qui nuisent à la concurrence en vertu des dispositions civiles, même si elles n’interviennent pas entre des concurrents directs.
  • Élargir les dispositions civiles sur la collaboration entre concurrents pour décourager les formes intentionnelles de comportements anticoncurrentiels en instaurant des sanctions pécuniaires et en prévoyant l’examen de la conduite passée. 
  • Compte tenu de la difficulté d’appliquer des concepts comme « accord » et « intention » à des procédés liés à l’IA, déduire la présence d’accords plus facilement pour les comportements relevant de la justice civile, par exemple dans le cas des comportements produits par des algorithmes.

Pratiques commerciales trompeuses

  • Munir la Loi d’outils d’application supplémentaires adaptés aux formes modernes de commerce, peut-être en envisageant de mieux définir dans la Loi les comportements faux ou trompeurs. 

Exécution et application de la Loi

  • Augmenter l’efficacité de l’exécution et de l’application du droit de la concurrence, par exemple,
    • donner au Bureau une plus grande marge de manœuvre pour prendre des décisions au moyen d’une collecte de renseignements simplifiée ou d’une capacité de première instance à autoriser ou à empêcher certaines formes de comportements;
    • autoriser les procédures civiles d’exécution comme solutions de rechange aux poursuites criminelles, par exemple en cas de comportement supposant une coordination entre acheteurs pour laquelle le gouvernement propose d’instaurer un régime civil per se; et
    • permettre que les parties privées obtiennent une indemnisation pour les dommages subis du fait d’un comportement susceptible de faire l’objet d’un examen civil non lié à une fusion. 
  • Donner au Bureau la possibilité d’obliger les entreprises à lui fournir des renseignements à l’extérieur du contexte de l’application de la loi, par exemple aux fins d’études de marché.

Il ne fait plus de doute que, après plus d’une décennie d’accalmie, un vent de changement souffle maintenant sur les lois en matière de concurrence au Canada. L’étendue des réformes et la rapidité avec laquelle elles seront mises en œuvre demeurent les principaux points d’interrogation. Il faudra équilibrer, d’une part, le désir brûlant des parties intéressées (le Bureau notamment) de rendre l’application plus facile et d’augmenter l’avantage du Bureau dans le cadre de discussions de règlement et, d’autre part, le besoin d’éviter les mesures d’application excessives et le manque de prévisibilité pour les entreprises. De plus, il semble y avoir une forte volonté de s’inspirer des changements apportés ailleurs sans vouloir nécessairement en mesurer toutes les conséquences.  

Les changements éventuels envisagés par le gouvernement comprennent des propositions qui réduiraient le fardeau de la preuve et établiraient des présomptions de préjudice que les entreprises devront réfuter, sans trop se soucier de l’importance d’éviter les mesures d’application excessives. Bien que la volonté de réviser la Loi et le cadre d’application du droit canadien de la concurrence soit louable, il importe que le gouvernement s’appuie sur des faits et de solides objectifs stratégiques plutôt que de vouloir changer à tout prix.   

Norton Rose Fulbright surveille étroitement l’évolution de la situation dans ce domaine et vous transmettra une analyse plus détaillée des réformes éventuelles à venir.




Personnes-ressources

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Associé, chef canadien, Droit antitrust et droit de la concurrence

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