L’usage de la langue française au Québec est principalement réglementé par la Charte de la langue française (Charte), qui a été modifiée en 2022 par la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (Loi 96) afin « d’assurer la vitalité et l’avenir de la langue française au Québec »1. Cependant, ces modifications ont incité le gouvernement du Québec à préparer et à publier le 10 janvier 2024 un projet de règlement (Projet de règlement) ayant pour principal objectif de modifier le Règlement sur la langue du commerce et des affaires (Règlement) et de préciser certaines obligations linguistiques des entreprises faisant affaire au Québec2.


Inscription sur les produits – Articles 51 et 51.1 de la Charte

La règle de base édictée par la Charte est que « [t]oute inscription sur un produit […] doit être rédigée en français »3. Cependant, ce texte français peut être assorti de traductions si celles-ci ne l’emportent pas sur l’inscription française4. De plus, quelques exceptions permettent de déroger à ce principe, notamment la nouvelle exception sur les marques de commerce déposées au sens de la Loi sur les marques de commerce (LMC).

Les marques de commerce déposées

À la suite des modifications apportées par la Loi 96, la Charte devrait bientôt permettre l’utilisation d’une marque de commerce figurant dans une langue autre que le français, sans obligation de traduction, lorsqu’elle est déposée conformément à la LMC et que l’entreprise n’a pas déposé une version correspondante en français5. Cette exemption doit entrer en vigueur le 1er juin 2025 et sera élargie par le Projet de règlement afin de couvrir non seulement les marques déposées, mais aussi celles en cours d’enregistrement6. Cependant, cette exception ne s’étend pas au « générique » ou « descriptif » contenu dans une marque de commerce, des concepts maintenant définis dans le Projet de règlement7.

« Logiciel embarqué »

Le Projet de règlement prévoit également que l’obligation d’affichage en français s’étendra maintenant à l’inscription sur un produit qui s’affiche pour l’utilisateur au moyen d’un logiciel embarqué (embedded software)8

Affichage public et publicité commerciale – Articles 58 et 58.1 de la Charte

Dans le domaine de l’affichage public et de la publicité commerciale, la Charte prévoit que tout texte doit être affiché en français, mais qu’il peut être accompagné d’une traduction pourvu que le français y figure de façon nettement prédominante9. Le Projet de règlement prévoit certaines modifications et précisions relatives à cette obligation. 

Les marques de commerce déposées

Encore une fois, la Loi 96 a modifié la Charte afin de permettre l’utilisation des marques de commerce déposées lorsqu’aucune version correspondante en français ne se trouve au registre de la LMC10. Cependant, dans le cadre de l’affichage public, les marques en cours d’enregistrement ne seront pas exemptées.

Cette nouvelle flexibilité est aussi limitée lorsque l’affichage public est visible depuis l’extérieur d’un local. Dès lors, l’obligation d’affichage du français de façon « nettement prédominante » s’applique impérativement11, et tout slogan, générique ou descriptif de produit devra être traduit12.

Définition des notions de « local » et de « de façon nettement prédominante »

Le Projet de règlement apporterait certaines précisions aux obligations relatives à l’affichage public et à la publicité commerciale. Tout d’abord, la notion de « local » sera définie comme étant tout affichage sur un immeuble, une borne ou une structure indépendante13.

De plus, le Projet de règlement abroge le Règlement précisant la portée de l’expression « de façon nettement prédominante » pour l’application de la Charte14. Dès l’adoption du Projet de règlement, cette obligation sera remplie lorsque le français a un impact visuel beaucoup plus important que le texte rédigé dans une autre langue. L’impact visuel est beaucoup plus important lorsque le texte rédigé en français est deux fois plus grand que celui rédigé dans une autre langue et que sa visibilité est au moins équivalente à celle du texte rédigé dans une autre langue15.

Publications commerciales — Médias sociaux et sites Internet

Le Projet de règlement vient modifier l’article 52 de la Charte afin de soumettre explicitement les médias sociaux et les sites Internet au régime des publications commerciales16. Cette addition ne devrait pas modifier les obligations relatives à cet article puisque l’Office québécois de la langue française soutenait déjà une position semblable17, mais cette précision permettra de retirer tout doute entourant sa portée.

Contrat d’adhésion

L’article 55 de la Charte stipule qu’une version française d’un contrat d’adhésion doit impérativement être remise à l’adhérent avant que ce dernier puisse adhérer à un contrat d’adhésion rédigé autrement qu’en français. Le Projet de règlement définit maintenant l’expression « document se rattachant au contrat18»  et précise les obligations relatives aux contrats conclus par téléphone19 ou tout moyen technologique20.

Conclusion

Le Projet de règlement, sans rehausser substantiellement les obligations en lien avec la langue française, vient préciser les modalités applicables aux entreprises voulant faire affaire au Québec. Il est important de rappeler qu’il ne s’agit, pour l’instant, que d’un projet de règlement proposé par le gouvernement québécois et il est donc susceptible d’être modifié d’ici son adoption. À titre informatif, toute personne intéressée peut soumettre des commentaires sur le Projet de règlement au ministère de la Langue française avant le 26 février 2024. Aucun échéancier précis quant à son entrée en vigueur n’est disponible, mais le Projet de règlement précise que les changements ci-haut devraient tous entrer en vigueur le quinzième jour qui suit la date de sa publication à la Gazette officielle du Québec21.

L’auteur tient à remercier Simon Mayrand et William Lavigne, stagiaires, pour leur aide dans la préparation de la présente actualité juridique.


Notes

3  

Charter, s. 51.

4   Id., s. 51. 

5  

Id., s. 51.1.

6  

Draft Regulation, s. 9, future s. 27.4 of the Regulation.

7   Id., s. 9, future para. 27.2(2) of the Regulation.

8  

Id., s. 9, future s. 27.1 of the Regulation.

9   Charter, s. 58.

10  

Id., s. 58.1, para. 1.

11  

Id., art. 58.1, para 2.

12  

Draft Regulation, s. 9, future s. 27.10 of the Regulation.

13   Id., s. 9, future s. 27.8 of the Regulation.

14   Id., s. 11. 

15  

Id., s. 9, future ss. 27.7 and 27.9 of the Regulation.

16   Id., s. 9, future s. 27.5 of the Regulation.

18  

Draft Regulation, s. 9, future para. 27.6(1) of the Regulation.

19  

Id., s. 9, future para. 27.6(2) of the Regulation.

20  

Id., s. 9, future para. 27.6(3) of the Regulation.

21   Id., s. 12.



Personne-ressource

Avocat senior

Publications récentes

Abonnez-vous et restez à l’affût des nouvelles juridiques, informations et événements les plus récents...