Dans notre seconde publication (consultez ici) portant sur le projet de loi no 82, intitulé Loi concernant l’identité numérique nationale et modifiant d’autres dispositions (PL 82), nous avons examiné les répercussions de l’intégration de l’identité numérique nationale sur les organismes publics. Dans cette dernière publication de notre série, nous explorons les responsabilités du ministre de la Cybersécurité et du Numérique (ministre) en matière d’infrastructures et de télécommunications.


Vision globale

Comme nous l’avons mentionné dans notre première publication sur le PL 82 (consultez ici), le ministre est chargé de définir pour le gouvernement une vision globale des infrastructures et des services de télécommunications essentiels pour la conduite des affaires de l’État1. Dans cette optique, le PL 82 accorde plusieurs rôles et pouvoirs au ministre afin d’appuyer les organismes publics dans leur transformation numérique.

Conseiller et coordonnateur

Le ministre agit à la fois comme conseiller stratégique auprès du gouvernement et coordonnateur des actions des organismes publics2. Il peut également formuler des avis à l’intention des organismes publics afin d’encourager la mutualisation et l’optimisation des infrastructures et services de télécommunications3

À titre de rappel, les organismes publics sont tenus de recourir aux services de télécommunications qui sont déterminés par le ministre dans son offre de services en ressources informationnelles4. Par ailleurs, le ministre peut aussi offrir ces services à toute personne ou entité que le gouvernement désigne à cette fin5.

Prestataire de services en ressources informationnelles

Le ministre joue un rôle de premier plan en offrant des services en ressources informationnelles. Ces services incluent des infrastructures technologiques et des systèmes de soutien communs, conçus pour appuyer les organismes publics dans leur prestation de services et l’exercice de leurs fonctions. Pour renforcer cet appui, le ministre développe une expertise interne en matière d’infrastructures technologiques communes6. Ces fonctions s’inscrivent dans la continuité du rôle du ministre depuis sa création, à savoir de coordonner les actions de l’état québécois dans le domaine numérique7.

Le ministre doit favoriser l’utilisation accrue des infrastructures informatiques au sein des organismes publics, contribuant ainsi à améliorer la sécurité de l’information numérique et à assurer une meilleure disponibilité des services destinés aux citoyens et aux entreprises8. Ces infrastructures partagées, à la fois sécuritaires et performantes, constituent un levier essentiel pour une transformation numérique cohérente et efficace9.

Le ministre doit également formaliser par écrit son offre de services en ressources informationnelles10. Cette offre doit préciser la nature, l’étendue, les conditions d’utilisation ainsi que les responsabilités respectives du ministre et des utilisateurs11. L’ensemble de ces informations doit être publié sur le site Internet du ministère afin d’en assurer l’accessibilité12. Le ministre peut également répondre à des besoins particuliers exprimés par des organismes publics, sur demande13.

Dans ce cadre, le ministre assume plusieurs responsabilités clés liées aux services en ressources informationnelles, notamment :

  • garantir l’accessibilité des services en ressources informationnelles communs; 
  • veiller à leur adéquation avec les besoins des organismes publics;
  • optimiser les coûts qui y sont associés;
  • mettre en œuvre des processus de gestion de la relation avec la clientèle;
  • assurer la sécurité de l’information des organismes publics;  
  • contribuer à l’émergence de pratiques de gestion des technologies exemplaires et innovantes14.

Exploitant d’un réseau d’infrastructures

Le ministre est habilité à développer et exploiter, à des fins non commerciales, un réseau d’infrastructures de connectivité associé aux services de télécommunications offerts15. Par « infrastructure de connectivité », on entend toute infrastructure qui permet de communiquer à distance, notamment les systèmes informatiques, les antennes et les satellites16. De manière pratique, le ministre peut également acquérir, louer ou aliéner tout bien nécessaire au développement ou à l’exploitation de ce réseau17.

Dans cette perspective, les séances d’étude détaillée en commission du PL 82 révèlent la vision du ministre en matière de réseau d’infrastructures de connectivité18. Celle-ci s’inscrit dans celle ayant commencé à se manifester au cours des dernières années, dont l’Opération haute vitesse, lancée en 2018 en collaboration avec le gouvernement fédéral19. Le PL 82 vient consolider cette capacité d’intervention et ouvre la voie à de nouvelles initiatives au cours des prochaines années.

Cela dit, plusieurs défis subsistent, notamment en ce qui concerne l’optimisation du réseau déjà en place. Pour y remédier, une meilleure mutualisation des infrastructures est envisagée afin de favoriser un déploiement plus efficace et d’éviter les redondances20. Par ailleurs, dans une optique de souveraineté numérique, le Québec projette la création de centres de données en infonuagique hébergés localement21. Ces efforts s’inscrivent dans une stratégie plus large de sécurité des infrastructures critiques, en complémentarité avec les orientations fédérales en matière de cybersécurité et de résilience du système de télécommunications canadien.

Courtier en infonuagique et technologies spécialisées

Le ministre agit comme courtier en matière de technologies spécialisées au bénéfice des organismes publics22. Ce rôle, qu’il exerçait déjà à l’égard des services en infonuagique, est élargi par le PL 82 afin d’inclure les technologies spécialisées. À ce titre, il est responsable de développer un catalogue d’offres regroupant ces services et conçu pour répondre aux besoins des organismes publics qui pourront ainsi bénéficier de l’accompagnement du ministre dans l’adoption et l’utilisation de ces solutions23. La notion de technologies spécialisées inclut, entre autres, les biens et services relatifs aux progiciels de gestion intégrée, visant à optimiser les processus organisationnels, ainsi que les solutions en cybersécurité24.

Les organismes publics peuvent ainsi contracter de gré à gré pour l’achat de biens ou de services infonuagiques ou en technologies spécialisées, à condition qu’un appel d’intérêt ait été lancé par le ministre, et qu’une entente-cadre existe avec le fournisseur ou le prestataire de services25. D’autres conditions doivent être remplies26. Notamment, l’une d’elles stipule que la durée du contrat ne peut dépasser trois ans, renouvellement compris27. De plus, l’organisme public doit s’assurer que le bien ou le service choisi est le plus avantageux, en tenant compte des critères de sécurité, de conformité, de niveaux de service et de performance28. L’évaluation peut se baser sur le prix, ou, avec l’accord du dirigeant de l’organisme public, sur d’autres critères comme la compatibilité technologique, l’accessibilité et l’assistance technique29.

Conclusion

En fournissant des services en ressources informationnelles et en développant des infrastructures technologiques sécurisées et performantes, le ministre souhaite contribuer à améliorer l’efficacité et l’efficience des services publics. Les organismes publics pourront ainsi tirer parti de ces initiatives pour moderniser leurs processus, améliorer la qualité de leurs services et mieux répondre aux attentes des citoyens. Ils seront également en mesure de se préparer activement aux évolutions technologiques à venir, favorisant ainsi une gestion plus agile et sécurisée de leurs ressources informationnelles.


Notes

1  

Art. 3 PL 82.

2  

Art. 3 PL 82.

3  

Art. 3 PL 82.

4  

Art. 3 PL 82.

5  

Art. 5 PL 82.

6  

Art. 1 PL 82.

7   Art. 1 Loi sur le ministère de la cybersécurité et du numérique, RLRQ, c. M-17.1.1.

8  

Art. 1 PL 82.

9  

Art. 1 PL 82.

10   Art. 1 PL 82.

11   Art. 1 PL 82. 

12  

Art. 1 PL 82.

13  

Art. 1 PL 82.

14  

Art. 2 PL 82.

15   Art. 3 PL 82.

16  

Art. 3 PL 82.

17   Art. 3 PL 82.

18  

Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 43e législature, 1re session, vol. 47, no 65 (13 février 2025) à 15 h 20 (intervention de M. Bélanger, ministre de la Cybersécurité et du Numérique).

19  

Québec, L’organisation et ses engagements, Opération haute vitesse [en ligne], https://www.quebec.ca/gouvernement/ministeres-organismes/sihv/operation-haute-vitesse.

20  

Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 43e législature, 1re session, vol. 47, no 65 (13 février 2025) à 15 h 30 (intervention de M. Bélanger, ministre de la Cybersécurité et du Numérique).

21  

Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 43e législature, 1re session, vol. 47, no 65 (13 février 2025) à 15 h 40 (intervention de M. Bélanger, ministre de la Cybersécurité et du Numérique).

22  

Art. 4 PL 82.

23  

Art. 4 PL 82.

24  

Art. 2 PL 82.

25   Art. 36 PL 82.

26  

Art. 36 PL 82.

27   Art. 36 PL 82.

28  

Art. 36 PL 82.

29  

Art. 36 PL 82.



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