Afin de lutter contre l’évasion fiscale, les activités criminelles, le blanchiment d’argent, la corruption et le financement du terrorisme, de nouvelles lois ont été adoptées au fédéral et dans de nombreuses provinces canadiennes prévoyant l’obligation pour les sociétés fermées de tenir un registre des personnes qui exercent un « contrôle important » sur une société par actions (registre).

La récente augmentation du nombre de lois sur la transparence fait suite à l’engagement pris en 2017 par les ministres des Finances fédéral, provinciaux et territoriaux d’améliorer la transparence liée à la propriété véritable des sociétés afin de faire concorder le cadre réglementaire canadien avec les principes du G20 concernant les propriétaires véritables ultimes. La présente actualité décrit les principales exigences de la législation fédérale ainsi que celle de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et du Québec et souligne certaines des principales différences entre le Québec et les autres territoires.


Points importants à retenir 

Les entreprises canadiennes devraient connaître ce qui suit.

  • Les sociétés fermées constituées ou prorogées en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) doivent tenir un registre depuis le 13 juin 2019.
  • Les sociétés fermées constituées ou prorogées en vertu de la Business Corporations Act (Colombie-Britannique) (BCBCA) doivent tenir un registre depuis octobre 2020.
  • Les sociétés fermées constituées ou prorogées en vertu de la Loi sur les sociétés par actions (Ontario) (LSAO) devront tenir un registre à compter du 1er janvier 2023.
  • Le Québec a adopté une approche différente en matière de transparence des entreprises. Plutôt que de modifier sa législation sur les sociétés, le Québec a sanctionné le 8 juin 2021 le projet de loi 78, Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises (projet de loi 78). Il est actuellement prévu que l’obligation de tenir un registre devrait entrer en vigueur en mars 2023. Le projet de loi 78 modifie la Loi sur la publicité légale des entreprises (LPL). L’approche québécoise est unique en ce sens que :
    • elle s’applique à toutes les « entreprises » tenues de s’inscrire en vertu de la LPL, et non seulement aux sociétés par actions;
    • le terme « entreprise » est défini au sens large. Toutes les entreprises devront tenir un registre des individus qui sont des bénéficiaires ultimes, qu’il s’agisse d’une société par actions ou de tout autre type d’entreprise, telle qu’une société de personnes ou une fiducie, bien que les émetteurs assujettis, les organismes à but non lucratif, les institutions financières, les personnes morales de droit public et les associations au sens du Code civil du Québec n’auront pas à déclarer leurs propriétaires véritables ultimes; et
    • le terme « entreprise » est défini de manière à inclure les sociétés par actions fermées, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite, les sociétés de personnes et les fiducies constituées au Québec ainsi que dans un territoire autre que le Québec, mais qui sont domiciliées au Québec, exercent une activité au Québec ou possèdent des biens immobiliers au Québec. Les personnes sont présumées exercer une activité ou exploiter une entreprise au Québec si elles ont une adresse au Québec ou possèdent, directement ou par l’intermédiaire d’un représentant, un établissement ou une case postale ou utilisent une ligne téléphonique au Québec, ou accomplissent un acte dans le but d’en tirer profit au Québec.
  • Les entreprises doivent s’assurer qu’elles sont conformes aux lois sur les sociétés qui les régissent ainsi qu’aux lois du Québec dans la mesure où elles exercent des activités dans la province qui déclenchent l’obligation de tenir un registre.
  • Outre les provinces mentionnées ci-dessus, le Manitoba, Terre-Neuve et l’Île-du-Prince-Édouard ont adopté des lois similaires, tandis que la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan ont introduit des lois similaires qui n’ont pas encore été promulguées.

Caractéristiques de base

Bien que les règles diffèrent légèrement d’un territoire à l’autre, elles contiennent toutes les mêmes caractéristiques de base. La LCSA prévoit ce qui suit :

  • les particuliers ayant un contrôle important ultime d’une société fermée doivent être identifiés et les renseignements à leur sujet doivent être consignés au registre, y compris le nom du particulier, son territoire de résidence aux fins de l’impôt et la façon dont il se qualifie à titre de particulier ayant un contrôle important de la société;
  • de façon générale, la notion de contrôle important est définie comme étant le fait pour un particulier :
    • de détenir ou de contrôler, directement ou indirectement :
      • des actions de la société conférant 25 % ou plus des droits de vote se rattachant aux actions en circulation de la société; ou 
      • des actions de la société équivalant à 25 % ou plus de la valeur marchande des actions en circulation de la société; ou 
    • d’exercer une influence directe ou indirecte, le cas échéant, ayant pour résultat le contrôle de fait de la société (y compris le droit ou le contrôle indirect du droit de nommer ou de révoquer une majorité des administrateurs de la société).

Des définitions similaires existent dans d’autres territoires canadiens. La propriété indirecte obligera une société de vérifier au-delà de l’actionnaire inscrit l’identité du ou des particuliers qui sont les actionnaires ultimes qui exercent un contrôle important.

Qui peut accéder au registre?

En vertu de la LCSA, de la LSAO et de la BCBCA, un registre n’est généralement pas accessible au public. Toutefois, pour les sociétés assujetties à la LCSA, les actionnaires et les créanciers peuvent accéder aux renseignements dans certaines circonstances. En vertu de la BCBCA, de la LCSA et de la LSAO, le contenu d’un registre doit être accessible aux autorités chargées de l’application de la loi et aux autorités réglementaires ou fiscales ou divulgué à celles-ci, si certaines conditions sont réunies.

En vertu de la BCBCA et de la LSAO, un registre doit être mis à la disposition du directeur sur demande en vertu de la loi sur les sociétés pertinente. Les modifications de la LCSA introduites en avril 2022, mais qui ne sont pas encore en vigueur, obligent les sociétés constituées en vertu de la loi fédérale à envoyer une copie du registre au directeur en vertu de la LCSA après sa constitution et par la suite chaque année ou chaque fois que des modifications sont apportées au registre. De plus, le directeur en vertu de la LCSA sera autorisé à divulguer des copies du registre à la police, à l’Agence du revenu du Canada et au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) dès que les modifications apportées à la LCSA seront en vigueur.

Au Québec, le registre sera accessible au public en ligne et permettra de faire des recherches par prénom et nom de famille, bien que certains renseignements personnels tels que les dates de naissance et les adresses résidentielles (si une adresse professionnelle est accessible au public) soient exclus de la version publique du registre. Il devrait être possible de faire des recherches en mars 2024, soit un an après l’entrée en vigueur prévue de l’obligation de déclarer les bénéficiaires ultimes au Québec. Il reste à voir si le gouvernement fédéral et les autres provinces ou territoires adopteront un registre en libre accès.

Application

Compte tenu de la politique mondiale qui sous-tend l’instauration d’exigences en matière de registre de propriété véritable, le défaut de s’y conformer ne sera probablement pas considéré comme une simple tenue de registres bâclée, et l’entreprise en défaut pourrait faire l’objet d’une surveillance réglementaire provenant de divers horizons. Les sanctions pour la non-tenue d’un registre sont importantes. En vertu de la LCSA, par exemple, les administrateurs et les membres de la haute direction qui violent les règles et les actionnaires qui omettent de fournir les renseignements nécessaires pour permettre à la société de se conformer à ses obligations sont passibles d’une amende pouvant aller jusqu’à 200 000 $, d’un emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois ou les deux. Au Québec, le Registraire des entreprises pourra également imposer une sanction administrative qui prévoit la radiation d’office des entreprises ainsi que des sanctions pénales.



Personnes-ressources

Associée directrice, bureau de Québec
Associée
Associée
Associée principale
Associé

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