Le 2 juin 2025, le Tribunal administratif du travail (le TAT) a rendu une décision importante concernant les services essentiels dans le cadre de la grève de neuf jours prévue par le Syndicat du transport de Montréal (CSN) (le Syndicat) contre la Société de transport de Montréal (la STM).


Les faits 

Le 28 mai 2025, le Syndicat informe le TAT de son intention de recourir à une grève de 9 jours, soir du 9 au 17 juin 2025, tout en s’engageant à maintenir certains services essentiels afin de garantir la santé et la sécurité publiques. 

La STM, qui gère un vaste réseau de transport en commun comprenant métro, autobus et transport adapté, doit garantir des services essentiels en cas de grève pour éviter de mettre en danger la santé ou la sécurité du public. 

Conformément au Code du travail1 (le Code), les parties doivent négocier les services essentiels à maintenir en cas de grève. Ainsi, le 30 mai 2025 lors d’une séance de conciliation tenue par le TAT, les parties ont convenu d’une entente, laquelle prévoit un fonctionnement limité mais ciblé du métro et des autobus pendant les heures de pointe et en fin de soirée, assurant ainsi le transport nécessaire pour les usagers se rendant au travail ou ayant des besoins essentiels. Le transport adapté étant maintenu à 100 %.

Retour sur la jurisprudence 

La question des services essentiels lors de grèves dans le secteur du transport collectif n’est pas nouvelle. Il y a près de 20 ans, en 2007, une situation similaire à celle-ci et impliquant les mêmes parties avait mené le Conseil des services essentiels (le CSE) à recommander le maintien du service de métro durant les heures de pointe et les fins de semaine, estimant que la proposition initiale du syndicat était insuffisante pour protéger la santé et la sécurité publiques2. Cette recommandation visait à garantir que la santé et la sécurité publiques ne seraient pas compromises, le CSE ayant jugé insuffisante la proposition initiale du syndicat qui prévoyait l’arrêt du métro la fin de semaine.

Plus récemment, dans une décision rendue en mai 20253, impliquant une fois de plus les mêmes parties, le TAT avait suspendu le droit de grève du Syndicat pour une journée de grève prévue un dimanche, jugeant que la fermeture complète du métro constituait une menace réelle et imminente pour la sécurité publique. Le TAT avait alors souligné l’interdépendance entre le réseau d’autobus et le métro, rappelant que plus de 90 % des lignes d’autobus sont conçues pour connecter avec le métro, qui en constitue l’épine dorsale4. Permettre la circulation des autobus sans le métro pourrait entraîner des situations dangereuses, comme l’ont démontré des incidents passés où la surcharge des autobus a mené à des interventions policières et à des agressions envers les chauffeurs par des usagers exaspérés5.

La décision du Tribunal administratif du travail

Le TAT, conformément au Code, doit s’assurer que les services essentiels négociés par les parties sont suffisants pour protéger la santé et la sécurité publiques. Le Code privilégie la négociation entre les parties, celles-ci étant les mieux placées pour déterminer les besoins réels.

Dans sa décision du 2 juin 2025, le TAT constate que l’entente respecte les précédents jurisprudentiels et assure le maintien des services de métro et d’autobus lors des périodes critiques. Enfin, il estime que ces mesures sont adéquates pour préserver la sécurité et la santé du public, tout en rappelant que les désagréments causés par une grève ne suffisent pas à justifier l’interdiction du droit de grève, tant que les mesures convenues sont suffisantes pour prévenir tout danger réel ou imminent; tel est le cas en l’espèce.

Il est intéressant de noter qu’en novembre 20246, le TAT avait statué que le Réseau de transport de la Capitale n’était pas assujetti à l’obligation de maintenir des services essentiels en cas de conflit de travail, illustrant ainsi que la qualification de service essentiel dépend du contexte et de la structure du réseau concerné.

Que retenir

La décision du TAT réaffirme l’importance de l’équilibre entre le respect du droit de grève, reconnu par la loi, et la nécessité de garantir la sécurité et la santé du public. Elle rappelle que, dans le secteur du transport collectif, la négociation et la collaboration entre les parties sont essentielles pour définir des mesures adaptées, permettant d’éviter que le conflit de travail ne mette en péril la population.

En somme, cette décision s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence qui cherche à concilier les droits fondamentaux des travailleurs avec l’intérêt supérieur du public, tout en adaptant les solutions aux réalités du terrain.


Notes

1   Code du travail, RLRQ, c. C-27, article 111.0.18. 

2  

Société de transport de Montréal c. Syndicat du transport de Montréal (CSN), 2007 CanLII 78619 (QC CSE).

3  

Société de transport de Montréal c. Syndicat du transport de Montréal (CSN), 2025 QCTAT 2070.

4  

Ibid, par. 48 et 49.

5  

Précité note 2, par. 53.

6   Réseau de transport de la Capitale c. Syndicat des salariés(ées) d'entretien du RTC, CSN inc., 2024 QCTAT 4157. 



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