Dans son récent budget, le gouvernement du Canada a annoncé son intention d’apporter d’importantes modifications aux régimes canadiens entourant les crimes financiers, les échanges commerciaux et la concurrence, notamment aux lois sur les sanctions économiques. Cette actualité juridique résume les principales modifications proposées dans le budget 2025 se rapportant aux sanctions.
Pour d’autres analyses en lien avec le budget, il y a lieu de consulter nos actualités juridiques portant sur les modifications de la Loi sur la concurrence énoncées dans le budget et leurs incidences sur les institutions financières de manière plus générale.
Modifications touchant la Loi sur les mesures économiques spéciales du Canada
Principal instrument employé par le Canada pour mettre en œuvre des sanctions économiques autonomes, la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) fait l’objet de deux modifications proposées.
La première, qui stipule que le ministre des Finances doit être consulté à l’égard de tout nouveau décret ou règlement relatif aux sanctions1, vise à permettre de mesurer les répercussions plus larges que subirait le secteur financier avant de procéder à l’imposition de nouvelles sanctions. Cette mesure plaira vraisemblablement aux acteurs qui craignent que les sanctions entravent lourdement les investissements et les opérations en raison notamment des règles canadiennes relatives à la « propriété réputée » qui sont de grande portée. Toutefois, cette étape supplémentaire de consultation retardera davantage l’imposition de nouvelles sanctions autonomes, alors même que l’on reproche déjà au Canada son excès de strates bureaucratiques, qui contribuent à ralentir et à alourdir son régime de sanctions.
La deuxième modification serait plus lourde de conséquences en ce qu’elle autoriserait l’adoption de règlements exigeant que les institutions financières fournissent au ministre des Finances des renseignements sur les biens en leur possession ou sous leur contrôle et qui appartiennent à une personne, à une entité ou à un État étranger visé par des sanctions ou qui sont détenus ou contrôlés par ceux-ci ainsi que sur les bénéfices tirés de tels biens (p. ex., les intérêts sur les fonds gelés). Le ministre aurait la faculté d’ordonner que ces bénéfices soient versés au Receveur général au moyen d’un « prélèvement ciblé sur les bénéfices exceptionnels » afin de servir les objectifs de politique publique.
Ces modifications ne viseraient que la LMES; elles ne s’appliqueraient pas aux autres mesures législatives canadiennes relatives aux sanctions.
Meilleure concordance entre les régimes canadiens de sanctions et de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité
Ces nouveaux pouvoirs ministériels, notamment le prélèvement ciblé sur les bénéfices exceptionnels, font écho à la volonté du gouvernement de mieux faire concorder ses régimes de lutte contre la criminalité financière. L’exercice de ces pouvoirs ferait en sorte qu’il est plus facile de contraindre les institutions financières à fournir des preuves de violations potentielles de sanctions et à saisir les intérêts générés sur des fonds gelés.
Les modifications ne précisent pas les étapes procédurales à respecter, s’il en est, avant de contraindre les institutions financières à déclarer des renseignements ou des produits.
Depuis quelques années, on assiste à des initiatives qui visent à lutter contre le blanchiment d’argent lié au contournement de sanctions. L’an dernier, le gouvernement a instauré une nouvelle obligation de déclaration en matière de « contournement des sanctions » en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Renforcement des mesures d’application des sanctions en vue
Historiquement, le Canada ne s’est jamais montré aussi proactif que ses partenaires aux vues similaires pour ce qui est de l’application des lois relatives aux sanctions. On observe toutefois certains indices suggérant que le gouvernement entend adopter une position plus ferme. En mai 2025, la GRC a arrêté et inculpé un homme d’affaires canadien qui aurait prétendument violé les sanctions canadiennes interdisant le commerce et l’exportation de technologies vers la Russie. Plus récemment, le gouvernement a fait savoir qu’il entendait faire en sorte que les entreprises canadiennes participant sciemment à des stratagèmes de contournement des sanctions soient tenues responsables de leurs actes2.
Étant donné la concordance plus étroite entre le régime de sanctions du Canada et celui encadrant la lutte contre le blanchiment d’argent, et les nouveaux pouvoirs ministériels susmentionnés, les entreprises et les institutions financières canadiennes doivent continuer à faire preuve de vigilance. Afin d’atténuer tout risque potentiel lié aux sanctions, il est impératif de procéder à des vérifications préalables approfondies avant de conclure certaines opérations.