Le 7 juillet 2021, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) a publié un projet de règlement modifiant le Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques (RCAMHH) dans la Gazette officielle du Québec1. Cette actualité effectuera un survol du RCAMHH et des modifications qui y sont prévues. 


 

Entrée en vigueur du RCAMHH 

Le 20 septembre 2018, le RCAMHH est entré en vigueur au Québec. Le RCAMHH s’intégrait dans le nouveau cadre légal et réglementaire mis en place par le MELCC avec la modernisation de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) et l’adoption de la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques (LCCMHH). Ce nouveau cadre vise les travaux effectués dans les milieux humides et hydriques afin d’en assurer la conservation et d’atteindre l’objectif d’aucune perte nette établi par le MELCC2.

Concrètement, le RCAMHH prévoit les règles applicables au régime de compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques prévu dans la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). En effet, la LQE prévoit que tous les travaux en milieux humides et hydriques doivent faire l’objet d’une autorisation ministérielle conditionnelle au paiement d’une contribution financière, sauf lorsqu’ils en sont exemptés par règlement. Ces règles visent à favoriser la gestion des milieux humides et hydriques afin, d’une part, d’éviter les pertes de ces milieux ou de minimiser les impacts sur ceux-ci ou, d’autre part, de prévoir des mesures de compensation dans le cas où il n’est pas possible d’éviter de porter atteinte à ces milieux3.

Ainsi, le RCAMHH précise la méthode de calcul de la contribution financière à verser pour tous les travaux ayant préalablement obtenu une autorisation ministérielle. Ce calcul prend en compte divers facteurs et variables, dont le coût associé à la création ou à la restauration d’un milieu humide ou hydrique, la superficie du projet envisagé, la valeur du terrain, le niveau d’impact ainsi que le type d’activité4

Activités soustraites au paiement d’une contribution financière et remplacement de celle-ci sous le RCAMHH

Le RCAMHH prévoit que certaines activités limitées sont soustraites au paiement d’une contribution financière, notamment :

  • les projets qui entraînent une perte de superficie d’un milieu humide ou hydrique égale ou inférieure à 30 m2;
  • les travaux qui visent à améliorer les fonctions écologiques d’un milieu humide ou hydrique;
  • les travaux d’entretien ou de stabilisation d’un émissaire ou d’une installation de prélèvement d’eau;
  • les travaux relatifs à un ouvrage de stabilisation d’un talus au moyen de phytotechnologies exécutés dans la rive ou le littoral d’un lac ou d’un cours d’eau;
  • les travaux de rechargement de plage qui visent à contrer les effets de l’érosion; et
  • l’établissement et l’exploitation d’une cannebergière ou d’une bleuetière5.

Le RCAMHH prévoit également des activités où la contribution financière peut être remplacée par des travaux visant la restauration ou la création d’un milieu humide ou hydrique effectués par l’initiateur des travaux. Ces activités sont prévues explicitement dans le RCAMHH, soit : 

  • les travaux relatifs à une infrastructure routière, à une piste cyclable, à un sentier pédestre, à une installation de gestion ou de traitement des eaux visées à l’article 32 de la LQE ou à un réseau de transport et de distribution d’électricité, lorsqu’ils sont exécutés par un ministère, par un organisme public ou par certaines entités prévues au RCAMHH;
  • les travaux d’exploration visés par le Règlement sur les substances minérales autres que le pétrole, le gaz naturel et la saumure;
  • les travaux d’exploitation de substances minérales autres que le pétrole, le gaz naturel et la saumure;
  • la mise en culture d’une parcelle destinée à la production maraîchère ainsi que l’agrandissement d’une telle parcelle; et
  • les travaux exécutés dans un parc industriel, au sens que donne à cette expression l’article 32 de la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations, ou dans le cadre de l’aménagement d’un tel parc6.

Afin de remplacer la contribution financière prévue, l’initiateur des travaux doit déposer un plan des travaux visant la restauration ou la création d’un milieu humide ou hydrique7 .

Modifications au RCAMHH et leurs impacts

Le projet de règlement modifiant le RCAMHH découle de l’obligation prévue au RCAMHH de revoir ce règlement deux ans après son entrée en vigueur et par la suite tous les cinq ans sur la base de l’évolution des connaissances scientifiques et techniques applicables en cette matière8. Le projet de règlement a pour objectif annoncé9 d’assurer davantage de prévisibilité, d’équité et de cohérence dans l’encadrement des milieux humides et hydriques et il propose surtout certains allégements pour des ministères, des organismes publics ou des municipalités. Il est important de souligner que l’objectif principal du RCAMHH demeure le financement des travaux de restauration et de création de milieux humides et hydriques afin de compenser les pertes causées par des projets dans de tels milieux. Le calcul de la contribution financière est légèrement modifié de manière à mieux représenter le contexte régional et les préoccupations des MRC. Les principaux changements apportés au RCAMHH sont l’ajout de soustractions à la contribution financière, de même que l’inclusion de nouvelles activités admissibles au remplacement de la contribution10.

Activités soustraites au paiement d’une contribution financière 

Parmi les modifications proposées au RCAMHH, lesquelles cherchent à répondre à certaines préoccupations soulevées par divers groupes d’intervenants, notamment aux niveaux municipal et agricole11, se trouve la révision des activités soustraites au paiement d’une contribution financière. Notons, notamment :

  • une différenciation entre les milieux humides boisés et les milieux ouverts : ainsi, les projets qui entraînent une perte de superficie d’au plus 300 m2 en milieux humides boisés seront soustraits au paiement de la contribution financière, alors que la limite de 30 m2 demeure pour les milieux humides ouverts pour bénéficier de la soustraction à la contribution; 
  • une soustraction pour les travaux visant à maintenir et à rétablir les fonctions écologiques des milieux humides et hydriques, et plus uniquement pour ceux visant leur amélioration;
  • un élargissement de la soustraction initialement prévue pour les travaux de stabilisation d’un talus, lorsque ceux-ci sont relatifs à une voie publique;
  • un élargissement de la soustraction initialement prévue concernant le rechargement de plage pour contrer les effets de l’érosion; et
  • un élargissement de la soustraction initialement prévue uniquement pour l’exploitation d’une cannebergière ou d’une bleuetière afin d’inclure tout aménagement d’une nouvelle parcelle destinée à la culture de végétaux non aquatiques et de champignons12.

Admissibilité au remplacement de la contribution financière 

Le projet de règlement modifiant le RCAMHH propose également l’élargissement de l’admissibilité au remplacement de la contribution financière par des travaux de restauration et de création de milieux humides et hydriques. L’admissibilité est notamment élargie :

  • à toute nouvelle parcelle destinée à la culture de végétaux non aquatiques et de champignons;
  • à l’ensemble des parcs industriels plutôt que réservée seulement aux parcs industriels répondant à la définition que donne à cette expression la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations;
  • au drainage sylvicole et aux autres activités d’aménagement forestier réalisées dans l’un des milieux spécifiquement mentionnés dans le projet de règlement; et 
  • à tous travaux dans la rive ou la plaine inondable d’un lac ou d’un cours d’eau lorsqu’ils sont exécutés par un ministère, par un organisme public ou par une entité qui a autorité sur le territoire visé13

Le projet de règlement prévoit une nouvelle procédure concernant l’admissibilité au remplacement de la contribution financière. Le demandeur qui souhaite en bénéficier devra dorénavant déposer une demande au ministre à cet effet, accompagnée d’un plan des travaux de restauration ou de création de milieux humides et hydriques, tout en s’assurant que les travaux respectent les objectifs qui y sont énumérés. La demande au ministre devra aussi être accompagnée d’une évaluation de la pertinence du ou des sites choisis pour la réalisation des travaux14

Modification du calcul de la contribution financière 

Enfin, le projet de règlement modifie deux variables du calcul de la contribution financière : le facteur R, qui représente le niveau de pression anthropique, de même que la variable vt, qui représente la valeur du terrain, par m2, calculée selon la valeur moyenne des terrains vagues sur le territoire de la MRC concernée15.  

La modification de la formule de contribution financière est proposée afin d’éliminer les écarts entre des municipalités situées dans la même MRC et de réduire les coûts de compensation là où la pression de développement est plus faible, soit les municipalités à l’extérieur des Basses-terres du Saint-Laurent et celles qui ont une abondance de milieux humides. Par contre, peu de modifications à la méthode de calcul de la contribution financière mèneront à une réduction du coût de la contribution financière, lorsque celle-ci est exigible16

De façon générale, le projet de règlement propose certains allégements qui devront être accueillis favorablement, surtout par les acteurs agricoles, municipaux et gouvernementaux. La période de consultation publique à l’égard de ce projet de règlement est ouverte jusqu’au 20 août 2021.   

L’auteur désire remercier Arvin Khodayari et Chanel Provost, étudiants d’été, pour leur aide dans la préparation de cette actualité juridique.  


Notes

1   Projet de règlement modifiant principalement le Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques et d’autres dispositions réglementaires (projet), (2021) GOQ. II, 3913. 

2   Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques (en ligne) : https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/milieux-humides/reglement-compensation-mhh.htm

3   Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ, c Q-2, art 46.0.1. 

4   Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques, RLRQ c Q-2, r 9.1, art 6. 

5   Ibid, art 5. 

6   Ibid, art 10 al 1.  

7   Ibid, art 10 al 2. 

8   Ibid, art 14. 

9   Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Analyse d’impact réglementaire : Projet de règlement modifiant principalement le Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques et d’autres dispositions réglementaires, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2021, à la p 3, (en ligne) : https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/milieux-humides/air-prcamhh.pdf 

10   Ibid à la p 1. 

11   Ibid à la p 2. 

12   Ibid aux p 4-6, 28-30. 

13   Ibid aux p 26 et 27. 

14   Supra note 1, art 6. 

15   Supra note 9 à la p 19. 

16   Ibid aux p 19-22. 



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