Au Canada, les produits de santé naturels (PSN) représentent un marché important comme en font foi les revenus annuels de plus de 5 G$ CA générés par ceux ci1. Plus de 70 % des Canadiens indiquent avoir déjà utilisé un PSN2. Malgré l’omniprésence des PSN, il n’est pas toujours évident de savoir ce qui les distingue des produits connexes, comme les produits pharmaceutiques, les aliments et les cosmétiques. Cependant, les frontières juridiques séparant les PSN des produits connexes peuvent revêtir une importance cruciale pour les fabricants : en effet, l’appartenance à l’une ou l’autre des catégories détermine le fardeau réglementaire dont ils doivent s’acquitter pour fabriquer et commercialiser leurs produits.

Les frontières juridiques entre les PSN et les produits connexes ont été mises en lumière par la jurisprudence dans le cadre de litiges intervenus entre des fabricants et Santé Canada, l’autorité de réglementation. Dans la plus récente décision en la matière, la Cour d’appel fédérale (CAF) a maintenu la conclusion de Santé Canada selon laquelle RESOLVE, un produit d’aide au sevrage tabagique proposé, ne constituait pas un PSN selon la preuve scientifique disponible.


Comment définit-on un produit de santé naturel?

Les PSN s’entendent généralement d’une catégorie de produits de santé en vente libre définis par la loi. Les PSN échappent aux descriptions plus simples. Par exemple, bien qu’il soit exact d’affirmer que les ingrédients médicinaux contenus dans les PSN se retrouvent dans la nature, la même affirmation pourrait s’appliquer à de nombreuses drogues sur ordonnance (comme le paclitaxel) et substances désignées (comme la psilocybine). En outre, les ingrédients médicinaux contenus dans un PSN peuvent, dans certains cas, être obtenus à partir d’une synthèse chimique et non à partir d’une source naturelle. 

Légalement, tous les PSN sont des « drogues » au sens de la Loi sur les aliments et drogues3, puisqu’ils sont, comme les autres drogues, des substances présentées comme pouvant servir « au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l’être humain » ou « à la restauration, à la correction ou à la modification des fonctions organiques chez l’être humain »4. Par conséquent, les PSN constituent un sous ensemble de drogues doté de sa propre réglementation régissant leur vente, leur fabrication, leur emballage, leur étiquetage et leur importation pour la vente (Règlement sur les produits de santé naturels).

Des critères d’inclusion ou d’exclusion permettent de distinguer les PSN des autres drogues :

  • Critères d’inclusion : Un PSN doit être un remède traditionnel, un remède homéopathique ou une substance visée par l’annexe 1 du Règlement sur les produits de santé naturels (ou une combinaison de ces substances)5. L’annexe 1 comprend des catégories distinctes de substances (comme les vitamines, les acides aminés et les minéraux). Elle comporte également une vaste catégorie générale englobant les substances suivantes : « plante ou matière végétale, algue, bactérie, champignon ou matière animale autre qu’une matière provenant de l’humain » de même qu’un « extrait ou isolat » et un « duplicat synthétique » de ces substances.
  • Critères d’exclusion : Un PSN ne doit pas être une drogue sur ordonnance6. Il ne doit pas non plus contenir une substance visée par l’annexe 2 du Règlement sur les produits de santé naturels, qui comprend certains antibiotiques, certains médicaments biologiques figurant à l’annexe D de la Loi sur les aliments et drogues, des substances administrées par voie d’injection et substances désignées.

Comment tracer la frontière entre les PSN et les autres drogues?

La façon d’appliquer la définition légale des PSN aux produits utilisés dans la vraie vie n’est pas toujours évidente. La question de savoir si un produit est ou non un PSN peut « faire l’objet d’un débat scientifique »7.  

Ce débat a été abordé dans une décision récente de la CAF, soit The Winning Combination Inc. c. Canada (Procureur général), 2025 CAF 101 (en anglais seulement pour le moment). La CAF a maintenu la décision de Santé Canada selon laquelle le produit RESOLVE, fabriqué par The Winning Combination Inc. (TWC), ne répondait pas à la définition de PSN et qu’une licence de mise en marché de PSN ne pouvait donc pas être délivrée pour ce produit. La décision de la CAF semble mettre fin au litige vieux de 18 ans8 entre Santé Canada et TWC au sujet du produit RESOLVE, à moins qu’une demande d’autorisation d’appel ne soit déposée devant la Cour suprême.

La question clé dans le cadre du différend opposant Santé Canada et TWC était de déterminer si l’ingrédient médicinal confidentiel et non divulgué du produit RESOLVE se trouvait dans la nature, et tombait donc sous le coup de l’annexe 1 du Règlement sur les produits de santé naturels. Santé Canada a conclu qu’il n’y avait pas de preuve fiable permettant d’établir que l’ingrédient médicinal était un constituant naturel de la passiflore et que, par conséquent, le produit ne constituait pas un PSN. 

Santé Canada est parvenu à cette décision après avoir demandé à trois laboratoires indépendants de tester des échantillons de passiflore et à un comité composé de scientifiques d’analyser les résultats des tests. Ce comité a analysé les résultats des laboratoires ainsi que les résultats des tests effectués pour TWC et a conclu qu’aucun de ces résultats ne fournissait d’éléments de preuve permettant d’établir que l’ingrédient médicinal était un constituant de la passiflore. Lorsque TWC a demandé la révision judiciaire de la décision de Santé Canada, la Cour fédérale a jugé que le Règlement sur les produits de santé naturels n’interdisait pas à Santé Canada de demander des tests et que TWC avait bénéficié de l’équité procédurale, puisqu’elle avait été informée du processus, avait reçu tous les résultats des laboratoires et avait eu pleinement l’occasion de s’exprimer devant le comité9.  

En appel, la CAF a maintenu la décision de Santé Canada pour les mêmes raisons essentiellement que la Cour fédérale. La CAF a conclu que Santé Canada avait pris acte des lacunes des tests effectués par les laboratoires indépendants, mais que ces tests ne représentaient qu’une partie de la preuve étudiée, laquelle comportait aussi de nombreuses et importantes failles quant aux tests menés par les experts de TWC et l’absence de références dans les documents scientifiques à l’appui de la position de TWC. La CAF a jugé que la décision de Santé Canada était raisonnable et que, tout compte fait, TWC n’avait pas réussi à s’acquitter de son fardeau et à prouver que le produit RESOLVE était bel et bien un PSN.


Notes

1  

Statistique Canada, Résultats de l’enquête sur les aliments fonctionnels et les produits de santé naturels, 2011, p. 13 (lien).

2  

Ipsos Reid, Natural Health Product Tracking Survey – 2010 Final Report, p. 6 (lien).

3  

Mancuso c. Canada (Santé Nationale et Bien‑être social), 2015 CAF 227, para 4.

4  

Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27, art. 2; Règlement sur les produits de santé naturels, DORS/2003-196, para 1(1).

5   Règlement sur les produits de santé naturels, DORS/2003-196, para 1(1)

6  

Le PSN ne doit pas être inscrit au Registre des médicaments et des produits de santé de Santé Canada : Règlement sur les produits de santé naturels, DORS/2003-196, para 2(2); Canada RNA Biochemical Inc. c. Canada (Ministre de la santé), 2021 CAF 213, para  10

7  

Canada (Ministre de la Santé) c. The Winning Combination Inc., 2017 CAF 101, para 73

8   Ibid., para 24-25.

9  

Winning Combination Inc. c. Canada (Procureur général), 2023 CF 1465, para 31.



Personnes-ressources

Avocat senior
Associée, avocate, agente de marques de commerce

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