Le 7 décembre, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie (ministre) a annoncé des propositions de modification exhaustives à la Loi sur Investissement Canada (LIC) dans le projet de loi C-34. Il a ensuite publié un document d’information sur ces propositions de modification et s’est engagé à renforcer le processus d’examen relatif à la sécurité nationale du Canada afin de mieux atténuer les éventuelles menaces à la sécurité découlant des investissements étrangers. À l’heure actuelle, aucun échéancier n’a été proposé pour faire avancer le projet de loi C 34, mais le gouvernement a indiqué qu’un processus de consultation serait sûrement enclenché pour tout règlement connexe proposé. Le projet de loi C 34 sera débattu et examiné de manière approfondie par la Chambre des communes et le Sénat avant d’être adopté.

Voici les principales propositions de modification :

Avis requis pour les investissements dans les secteurs désignés

  • Une exigence de dépôt préalable à la réalisation d’investissements dans des entreprises canadiennes qui appartiennent à certains secteurs désignés serait instaurée lorsqu’un non-Canadien acquerrait i) le contrôle d’une entreprise canadienne existante ou ii) une partie d’une entreprise canadienne existante si l’investissement donne le droit à l’investisseur non canadien de nommer des personnes qui peuvent diriger les activités commerciales de l’entreprise ou lui confère des droits particuliers visés par règlement.
  • Si les propositions de modification ne précisent pas les secteurs visés par le terme « secteurs désignés » (une définition sera fournie dans les règlements), il s’agirait de secteurs sensibles pouvant susciter des préoccupations en matière de sécurité nationale dans les cas où un investisseur non canadien aurait potentiellement accès à des renseignements techniques importants qui ne sont pas accessibles au public ou à des actifs importants, comme des renseignements personnels de nature délicate ou de la propriété intellectuelle, immédiatement après la réalisation d’un investissement.
  • Les investissements dans une entreprise canadienne existante faisant l’objet d’un avis ne pourraient être effectués tant que le délai prévu pour l’examen relatif à la sécurité nationale ne serait pas écoulé.
  • Le délai de dépôt préalable à la réalisation d’investissements n’a pas encore été fixé.

Pouvoir ministériel permettant de prolonger l’examen relatif à la sécurité nationale

  • Le ministre serait autorisé à prolonger l’examen relatif à la sécurité nationale au-delà du premier délai de 45 jours actuellement autorisé en vertu de la LIC sans obtenir de décret du gouverneur en conseil.
  • Le pouvoir devrait être exercé avant l’expiration de la période d’examen initiale et en consultation avec le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
  • Les propositions de modification ne précisent pas la durée de la prolongation de l’examen relatif à la sécurité nationale qui peut être accordée par le ministre.

Conditions provisoires imposables pendant l’examen relatif à la sécurité nationale

  • Le ministre aurait le pouvoir d’imposer des conditions provisoires dans le cadre d’un investissement pendant l’examen relatif à la sécurité nationale afin d’empêcher toute atteinte à la sécurité nationale du Canada qui pourrait survenir au cours de l’examen.
  • Les conditions provisoires seraient imposées jusqu’à l’achèvement de l’examen relatif à la sécurité nationale et pourraient être modifiées ou supprimées par le ministre à tout moment pendant l’examen.
  • Ce pouvoir serait imposé en consultation avec le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Pouvoir ministériel permettant d’accepter des engagements afin d’atténuer les risques d’atteinte à la sécurité nationale

  • Le ministre aurait le pouvoir d’accepter des engagements contraignants des investisseurs pour réduire toute potentielle atteinte à la sécurité nationale qui découlerait de l’investissement. En vertu des dispositions actuelles de la LIC, les conditions imposées dans le cadre d’un investissement peuvent seulement l’être par un décret du gouverneur en conseil.
  • Ces engagements pourraient viser, entre autres, à ce que le gouvernement consente à l’emplacement des activités de l’entreprise, à créer des protocoles de sécurité pour protéger l’information ou à demander l’accès au lieu aux fins d’inspection.
  • Ce pouvoir serait exercé en consultation avec le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
  • Ces conditions pourraient être modifiées ou supprimées si les circonstances économiques ou celles liées à la sécurité changeaient.

Échange de renseignements avec les homologues internationaux

  • Le ministre aurait le pouvoir d’échanger des renseignements avec des homologues internationaux suivant des conditions qu’il juge adéquates. Actuellement, l’information sur un investisseur particulier est considérée comme privilégiée et ne peut être divulguée.
  • Cette modification permettrait de faciliter le repérage de situations où un investisseur pourrait être actif dans plusieurs pays et de mieux se défendre à cet égard.

Pénalités pour les contraventions à la LIC

  • Les pénalités pour non-respect de différents articles de la LIC seraient revues et il deviendrait possible de les ajuster à l’avenir par règlement.
  • Les pénalités seraient élevées et comprendraient :
    • des amendes en cas de défaut de déposer certains avis ou certaines demandes qui correspondraient à la somme la plus élevée entre 500 000 $ et la somme réglementaire;
    • des amendes pour toute autre contravention à la LIC qui correspondraient à la somme la plus élevée entre 25 000 $ et la somme réglementaire pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue la contravention.
  • Une pénalité serait ajoutée pour le non-respect des exigences en matière de dépôt préalable.

Autres propositions de modification

  • Les définitions de l’OMC, d’un traité commercial et des investisseurs ACEUM dans la LIC seraient raffinées.
  • Les renseignements sensibles seraient protégés contre la divulgation durant le contrôle judiciaire des décisions prises dans le cadre de l’examen relatif à la sécurité nationale.

Principaux points à retenir

En vertu des dispositions transitoires du projet de loi C 34, les nouvelles dispositions (une fois entrées en vigueur) s’appliqueront à tous les investissements examinés aux termes de la LIC dès l’adoption des modifications. Toutefois, de nombreux aspects restent à préciser et des directives claires seront nécessaires pour déterminer comment certaines modifications seront appliquées lorsqu’elles seront adoptées (par exemple, comment les pénalités pour non-respect seront appliquées et comment les pouvoirs d’échange de renseignements fonctionneront en pratique).

Selon nous, certains des nouveaux pouvoirs devraient également faire l’objet de limitations. Par exemple, le pouvoir octroyé au ministre d’imposer des conditions provisoires pendant l’examen relatif à la sécurité nationale devrait être restreint aux cas où il existe un risque clair d’atteinte à la sécurité nationale. Bien que le désir du gouvernement de modifier le cadre d’examen des investissements étrangers du Canada réponde à une évolution des préoccupations liées à la sécurité nationale, il est primordial de s’assurer que ces changements s’accompagnent de directives appropriées pour éviter qu’ils aient un effet paralysant sur les investissements étrangers au Canada.

Les propositions de modification constituent les changements les plus importants à la LIC depuis une dizaine d’années. Si elles sont adoptées telles quelles, le gouvernement sera probablement amené à examiner davantage d’investissements avant leur réalisation et aura plus de pouvoir sur les examens relatifs à la sécurité nationale. Toutefois, le ministère chargé d’administrer la LIC manque cruellement de personnel et les propositions de modification sont susceptibles d’exacerber ce problème, à moins qu’il ne soit prévu d’y affecter des ressources supplémentaires.

Norton Rose Fulbright suit de près l’évolution de ce domaine et vous fournira une analyse plus détaillée sur les modifications potentielles à la LIC au fur et à mesure qu’elles se produiront.



Personnes-ressources

Associée
Associé principal
Associé, chef canadien, Droit antitrust et droit de la concurrence

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